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A Marseille, en direct des Rencontres d’Averroès (article 2/3)

La « sagesse méditerranéenne »,
une muse inspiratrice face au défi écologique ?

France | 27 novembre 2010 | src.leJMED.fr
La « sagesse méditerranéenne », une muse inspiratrice face au défi écologique ?
Marseille -

Les trois tables rondes des XVIIes Rencontres d’Averroès se penchent sur la problématique « Méditerranée, un monde fragile ? ». Lors de la première table ronde, dédiée au thème « De la Terre. Peut-on la protéger ? », les participants ont notamment dénoncé le gaspillage des ressources et l’urbanisation excessive. Parmi leurs préconisations : le retour à la « sagesse méditerranéenne »…

Photo ci-dessus : les intervenants de la première table ronde lors du débat avec la salle. De gauche à droite : Andrea Ferrante, Nicole Petit Maire, Emmanuel Laurentin, Abdeslam Dahman Saïdi et Michel Petit. © NB


Plus de mille personnes étaient présentes, vendredi 26 novembre après-midi, dans l’auditorium du parc Chanot pour participer à ce premier acte, animé par Emmanuel Laurentin, « fabriqueur » d’histoire sur France Culture. Thierry Fabre, créateur et concepteur des Rencontres, a tout d’abord mis en perspective le thème proposé : « Seveso, Minamata, Tchernobyl, Bohpal, Torrey Canyon, Amoco Cadiz, Catarina. La liste est longue des désastres écologiques et climatiques à l’échelle internationale…"

Nicole Petit Martin, paléoclimatologie, replace le débat dans l’histoire des changements climatiques : « Il y a 20 000 ans, il faisait 5°C de moins en moyenne terrestre, et le niveau des océans était 125 mètres plus bas qu’actuellement. Ces données suffisent à concevoir que le monde était radicalement différent… Aujourd’hui, le réchauffement climatique a des effets considérables sur la géographie méditerranéenne : élévation du niveau de la mer, modification du tracé des côtes (deltas en danger), diminution des terres cultivables, perte de la biodiversité... »

Michel Petit, agronome et économiste, dresse un état des menaces qui pèsent sur la terre méditerranéenne, au-delà des changements climatiques : « Une pression démographique forte pèse sur le bassin méditerranéen, dans un contexte d’urbanisation et de littoralisation qui limite encore les terres cultivables. Par exemple, la plaine de la Mitidja, dans l’arrière-pays d’Alger, connaît une emprise urbaine de plus en plus forte ».

Ce constat dressé, Michel Petit indique les pistes à approfondir, selon lui, pour aller vers des solutions possibles. Par exemple, « un investissement plus important dans le domaine des savoirs, afin d’inventer une agriculture intelligente capable de répondre à l’augmentation des besoins d’ici 2050. Nous serons alors 9 milliards d’habitants supplémentaires, une augmentation de 70 % des productions agricoles sera alors nécessaire ».

Mais, comment produire plus, tout en préservant la biodiversité et sans épuiser la terre ? L’agriculture biologique est-elle la bonne solution ?

Introduction des tables rondes par Thierry Fabre, concepteur des Rencontres (à droite sur la photo), et Emmanuel Laurentin, de France Culture. © NB

Pour Andrea Ferrante, président de l’Association Italienne pour l’agriculture Biologique, ce système de production présente de nombreux atouts, particulièrement en Méditerranée, et d’autant plus que « si notre régime alimentaire méditerranéen est aujourd’hui classé par l’Unesco au rang de patrimoine culturel immatériel de l’Humanité, c’est qu’il se fonde sur une base culturelle commune ». Et il se trouve que les produits constitutifs de ce régime sont en adéquation tant avec la préservation de la biodiversité et de la fertilité des sols, qu’avec la réduction des émissions de CO². »

Abdeslam Dahman Saïdi, Secrétaire Général de l’ONG Targa, spécialisée dans le développement durable et la protection de l’environnement au Maroc, fait part de son expérience de trente ans sur un aménagement du territoire plus respectueux de l’environnement. « L’énergie est un élément important en ce sens qu’elle a des effets directs et indirects sur la dégradation du paysage méditerranéen (…) Vue des pays du Sud, la question se pose en terme d’équité à l’accès des richesses : gaspillage dans les pays du Nord et difficultés importantes d’accès sur l’autre rive de la Méditerranée. Notre travail consiste à mettre en place des solutions opérationnelles, dans le champs des énergies renouvelables combinées, dans un esprit d’appropriation et de gestion sociale par les populations des zones rurales ou fragiles. ».

Ainsi Abdeslam Dahman Saïdi nous fait-il partager ses inquiétudes à propos de Désertec, gigantesque projet énergétique visant à implanter un réseau de centrales solaires, éoliennes et hydrauliques, du Moyen-Orient à l’Europe, et en Afrique du nord notamment. « Si ce projet est séduisant en ce sens qu’il est une démonstration à une échelle importante des énergies propres, mais la place des intérêts économiques, la question de la gouvernance de proximité et les modifications de paysages le rendent inquiétant ».

Enfin, Abdeslam Dahman Saïdi a partagé son désir de voir remettre au centre du débat la question de la justice de redistribution comme un des moyens de respecter notre patrimoine commun et ce paysage méditerranéen : « Nous sommes dans un cerce vicieux de corrections a posteriori des effets néfastes de l’impact de l’action de l’homme. Nous pourrions parler de l’immigration comme un des effets de ce manque de justice sociale. Ou simplement d’un exemple de mauvaises pratiques alliées à des modes de consommation destructeurs : la présence dans le Nord du Maroc de producteurs espagnols qui cultivent des fraises pour les vendre à Paris pose le problème, entre autres, de l’utilisation d’une ressource rare, l’eau. D’où l’importance de la définition de cadres légaux de protection et de l’éducation. »

Les débats avec la salle ont permis d’esquisser d’autres pistes qui contribueraient à favoriser la préservation : une collaboration intelligente entre les chercheurs et les paysans ; une stratégie de création de fermes proposant aussi des services diversifiés – dont le tourisme durable – comme moyen d’attirer les jeunes à devenir paysans ; l’organisation de circuits directs de distribution.

Un membre de l’ONG France Nature Environnement nous invite à réfléchir à partir de la situation en région PACA : « 1 000 ha de terres arables disparaissent chaque année dans notre région, car il est plus facile de répondre à la pression foncière. La métropolisation du littoral remonte dans les terres avec une urbanisation quasiment continue sur le Vaucluse et jusque dans les Alpes de Haute Provence. Des espaces qui sont, pour certains, inondables par la mer ou les rivières. Il s’agit de repositionner cette question par rapport à la culture méditerranéenne : la culture au sens d’Averroès, qui reposait sur la sagesse, le temps.
Travaillons-y ensemble des deux cotés de la Méditerranée, car les problèmes qui se présentent à nous sont similaires ».

Nadia BENDJILALI
Correspondante de LeJMED.fr à Marseille


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