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La régionalisation en marche du Maroc : un outil d’avenir pour le développement économique et social

Maroc | 28 juin 2010 | src.leJmed.fr
La régionalisation en marche du Maroc : un outil d'avenir pour le développement économique et social
Paris -

L’Assemblée nationale française accueillait jeudi 24 juin un colloque universitaire international dédié au processus de la régionalisation en marche au Maroc. Un processus « royalement » amorcé par le discours de Mohammed VI du 3 janvier dernier, mais qui puise ses racines historiques et politiques dans les années 1960, et que les Rois successifs ont chacun consolidé…

Photo ci-dessus : une vue de la salle Colbert à l’ouverture du colloque. © leJmed.fr - juin 2010


Intervention du Pr Charles Saint-Prot, Directeur de l’OEG (Observatoire d’études géopolitiques), entouré du Pr Michel Degoffe (à sa droite) et du Pr Frédéric Rouvillois. © leJmed.fr - juin 2010

Lors de la réception qui suivit le colloque, Henri Guaino, conseiller spécial du président de la République et inspirateur de l’Union pour la Méditerranée (UPM), a salué « le dynamisme du Maroc et ses avancées », ajoutant que « tout ce qui a été entrepris au Maroc est extrêmement positif… Ces actions traduisent une volonté évidente de faire entrer le pays de plain-pied dans le XXIe siècle ».

Soit. Mais, beaucoup de ceux qui ont assisté au colloque qui se déroula durant tout l’après-midi dans la célèbre salle Colbert, et dont l’intitulé exact était « Etat, territoire et développement politique du Maroc » auront sans doute eu aussi le sentiment que si l’Histoire n’est pas forcément un éternel recommencement, cette avancée marocaine vers un aggioramento de son appareil de gouvernance territoriale, apte à lui permettre d’affronter au mieux ce XXIe siècle, puise aussi ses sources dans une tradition séculaire d’un Makhzen (Etat) qui laissait une grande autonomie aux territoires. Une tradition un temps effacée, il est vrai, par le Protectorat français, mais qui a retrouvé une réelle vitalité dès le lendemain de l’indépendance.

Un processus engagé dès 1960

En effet, ainsi que le rappelait le Pr Charles Saint-Prot (Directeur de l’OEG, Observatoire d’études géopolitiques très vite après l’indépendance (1956), le roi Mohammed V engage le processus de décentralisation dès 1960, en octroyant La charte communale du 23 juin. Et, dès 1963, le Dahir (décret royal) du 12 septembre créé un second niveau de décentralisation, celui des Assemblées préfectorales et provinciales.

Le roi Hassan II (1961-1999), qui en maintes occasions affirma son intérêt pour le modèle fédéral des Länder allemands, renforça le processus de décentralisation avec la réforme de 1976, nouveau cadre juridique qui dota les communes de larges responsabilités pour la gestion des affaires locales, en transférant le pouvoir d’exécution des délibérations des conseils du représentant de l’État au président élu du conseil communal. Une étape importante fut encore franchie en 1992 avec la création de la Région (16 régions), en tant que collectivité locale de plein exercice.

Réforme complétée par le Dahir du 2 avril 1997, qui fixe l’organisation de la Région dans le sens du renforcement des pratiques démocratiques, en permettant aux différents acteurs économiques, sociaux, politiques et aux autres composantes de la société civile, d’investir la Région comme un nouvel espace de réflexion, de dialogue et d’action.

La quête d’un « modèle marocain » de régionalisation

De ce fait, le discours solennel du Roi Mohammed VI, le 3 janvier 2010, s’inscrit dans un processus continu, engagé par Mohammed V et poursuivi par Hassan II.
Mais, Mohammed VI ne manifeste pas pour le modèle allemand des Länder, ni pour tout autre d’ailleurs, le grand intérêt que lui portait Hassan II. Ce que veut explicitement Mohammed VI, ainsi qu’il l’a clairement indiqué dans son discours, c’est la mise en œuvre d’un « modèle marocain » de régionalisation, et éventuellement susceptible d’inspirer d’autres pays émergents. C’est le sens de la mission qu’il a confiée à la Commission mise en place dès janvier, et qui doit rendre ses travaux d’ici à la fin de l’année 2010.

Selon plusieurs intervenants, l’engagement de cette nouvelle étape du processus de régionalisation affirme clairement la volonté du Roi de poursuivre la modernisation du Maroc en menant de pair développement économique, démocratique et social, conformément d’ailleurs à l’Initiative nationale de Développement Humain (INDH), engagée en 2005.

De gauche à droite sur la photo : Ahmed Lahlou, Président de l’Association des étudiants marocains en France ; le Député français Jean Roatta, Président du Groupe d’amitié France-Maroc de l’Assemblée nationale ; le Pr Michel Degoffe (Paris Descartes). © leJmed.fr - juin 2010

Ainsi, le Pr Michel Degoffe (Paris Descartes) souligna-t-il le lien, observable en maints pays, entre l’accroissement des libertés fondamentales et le processus de régionalisation, tandis que l’on peut aussi constater, a contrario, que « les régimes autoritaires se méfient de la décentralisation ».

Un point de vue partagé par le Pr Ahmed Bouachik (Université Mohammed V de Rabat-Soussi), qui considère aussi que le processus de régionalisation est à porter à l’actif du renforcement de l’Etat de droit et de la consolidation de la démocratie au Maroc.

Quant au « modèle » recherché, il est clair qu’un « vieux » pays, comme l’est le Maroc – Fès, sa première capitale, fut fondée en l’an 789 – ne saurait certes se contenter de pratiquer un copié-collé de systèmes inventés ailleurs et pour d’autres pays, qu’il s’agisse de l’Espagne, de l’Allemagne, de l’Italie ou encore de la France. Pour autant, « les emprunts ponctuels à d’autres systèmes régionaux ne sont pas interdits », releva le Pr Frédéric Rouvillois (Faculté de droit Paris Descartes) , tandis que Ahmed Lahlou, Président de l’Association des étudiants marocains en France soulignait que « l’un des défis du processus est aussi d’impliquer la jeunesse, et de faire émerger des élites territoriales », condition incontournable à la bonne fin du projet.

La force de « la parole royale » et M. Jourdain

Pour le Pr Mohammed Benyahya (Université Mohammed V de Rabat-Soussi) la régionalisation doit être appréciée comme un thème majeur de l’action du Roi Mohammed VI. Se référant au discours royal du 3 janvier 2010, le professeur souligna « la valeur juridique des discours royaux », consacrée par une jurisprudence remontant au 18 novembre 1955, lorsque Mohammed V, sitôt rentré d’exil, dissout le Parti communiste marocain.

De ce fait, il faut considérer que le processus en marche est irréversible et « spectaculaire », comme le fit remarquer le député français Jean Roatta, Président du Groupe d’amitié France-Maroc de l’Assemblée nationale – le plus important de tous, avec 192 députés. Et Jean Roatta d’ajouter : « Le Maroc est un pays émergent à bien des égards exemplaire. Aux traditionnels liens d’allégeance à la Royauté, il ajoute désormais les liens plus modernes de la citoyenneté ».

On notera aussi l’intervention du Pr Mohamed Cherkaoui, directeur de recherche au CNRS, qui, se félicitant lui aussi du processus engagé, estima que la régionalisation du Maroc était aussi de bon augure pour l’avenir de l’Union pour la Méditerranée, car, selon lui, « il n’est pas possible de bien coopérer dans le cadre de l’UPM sans certains transferts de compétences de l’Etat aux Régions, certains problèmes transversaux devant être traités au niveau infra-étatique ».

Alors, tout ce qui est bon pour le Maroc l’est-il aussi pour l’UPM ? En tout cas, pour le Pr Henri-Louis Védie (HEC) qui prit un réel plaisir à évoquer les succès récents ou en cours de l’aménagement territorial du Maroc – Tanger med, Laayoune, les CRI, les autoroutes, le TGV… – il est indéniable que le Royaume ne manque pas de talents car, comme M. Jourdain faisiat de la prose sans le savoir, le Maroc a mis en œuvre une politique volontariste et efficace d’aménagement territorial équilibré… avant même de finaliser son processus de régionalisation.
Et cela est d’excellent augure pour l’avenir du processus en cours.

© Alfred Mignot pour leJmed.fr


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