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Naseer Shamma

- « La musique est liberté ! Et vice versa ! », dit le maître irakien du oud, vivant au Caire

Tous pays EUROMED-AFRIQUE | 11 février 2011 | src.LeJMED.fr
- « La musique est liberté ! Et vice versa ! », dit le maître irakien du oud, vivant au Caire
Cordoue - C’est à l’irakien Naseer Shamma, reconnu comme l’un des plus grands et des plus prolifiques joueurs de oud (« bâton » ou « bois » en arabe), qu’est revenu l’honneur de clore la première édition de « Los Encuentros Averroes », à Cordoue. Samedi 5 février 2011, devant une salle pleine, Naseer Shamma était accompagné du sitariste pakistanais Ashraf Sharif Khan, lui même issu d’une grande lignée de maîtres sitaristes, et de Shahbaz Hussain (Pakistan) aux tablâs – percussions indiennes.


Reportage et entrevue réalisés par Nadia Bendjilali
Envoyée spéciale à Cordoue, pour LeJMED.fr


Naseer Shamma jouant du oud, lors de son concert du 5 février 2011 à Cordoue © Nadia Bendjilali

Le concert, « De Bagdad à Cordoue », fut un vibrant hommage à Abu l-Hasan Ali ibn Nafi, connu sous le nom de Ziryâb (Bagdad, 789 - Cordoue, 857) qui fit voyager le oud jusqu’en Europe.

Sur la base d’un jeu traditionnel du maqâm – structure modale de la musique savante arabe, terme et concept communs aux musiques persane, arabe et turque – le maqâm associe une échelle musicale évoluant selon une structure mélodique liée à des points de repère, un sentiment et une symbolique.
L’instrumentiste et compositeur virtuose a offert au public des compositions empreintes d’un lyrisme mélodieux, laissant aussi la place à des improvisations libres des deux autres musiciens.

« Tisserand » de liens entre musique et liberté

Avec ce concert donné à Cordoue, Naseer Shamma, musicien irakien vivant au Caire, se sera une fois de plus affirmé comme un « tisserand » de liens entre la musique et la liberté. Et à double titre. D’une part dans sa proposition en trio qui partage la scène avec d’autres esthétiques et marque cette nécessité du dialogue : un paysage de relations entre des formes musicales anciennes et nouvelles, esquissant un nouveau langage esthétique musical dans une veine universelle. D’autre part, avec… l’entrevue qu’il a accordée à LeJMED.fr, nouant ici encore des fils entre la musique et la quête de liberté des peuples. Voici…

LeJMED.fr – Vous avez démarré votre concert par un morceau dédié à Cordoue et vous avez choisi un final intitulé « Tunis » : pourquoi avez-vous créé ce pont, ce soir ?

Naseer Shamma – Les villes que j’ai traversé m’habitent. J’ai composé il y a cinq ans le morceau « Tunis » alors que je me trouvais en Tunisie. Dans ce moment historique, j’avais envie de rendre un hommage à ce pays et à son peuple qui s’est battu pour la liberté et qui est en train de vivre une nouvelle étape de son histoire. D’un autre coté, j’ai choisi d’introduire le concert par un morceau qui effeuille cette nostalgie de la période d’Al Andalus, ce moment magique où une passerelle entre l’Orient et l’Occident a été effective.

LeJMED.fr – Quel est l’héritage de Ziryâb ?

Naseer Shamma, dans sa loge, après le concert du 5 février 2011, en clôture des Encuentros Averroès, à Cordoue. © Nadia Benfjilali

Naseer Shamma – Ces derniers jours, alors que je marchais à Cordoue, l’esprit de Ziryâb était à mes côtés. Nous avons besoin d’amour et de paix. Nous avons besoin de revenir à cette époque où les trois religions vivaient en toute harmonie. Je rêve, pour ma part, de former un musicien dans chaque foyer arabe parce que la musique est capable d’apporter ce rêve et d’inspirer à chacun cette idéal de pluralisme culturel pacifié.

LeJMED.fr – Vous formez déjà de nombreux musiciens de par le monde et en particulier dans les pays arabes. Dans ce temps de soulèvement des peuples, que ressentez-vous, vous qui vivez au Caire ?

Naseer Shamma – J’ai formé des centaines de musiciens européens et arabes, c’est vrai. En ce moment, la voix du peuple est omniprésente : cette voix est forte, stridente et il convient que les arts laissent la place à cette voix afin qu’elle réalise ses desseins de changement. Je forme le souhait que les peuples arabes soient libres... car enfin, la liberté est musique. Et vice et versa.

Reportage et entrevue réalisés par Nadia Bendjilali
Envoyée spéciale à Cordoue, pour LeJMED.fr


À propos de Naseer Shamma
Né en Irak en 1963, Naseer Shamma est un oudiste formé à l’Académie de musique de Bagdad, sur les traces des virtuoses de cet art. Celui que l’on surnomme le « nouveau sultan du luth arabe » ou « le jeune Ziryâb » est un musicien qui combine d’anciennes méthodes avec ses compositions modernes et originales.
Naseer Shamma est le seul compositeur et musicien moderne a jouer avec un oud à huit cordes fabriqué selon le modèle décrit dans le manuscrit d’Al-Farabi, célèbre théoricien de la musique arabe du IXe siècle.
Naseer Shamma est aussi le concepteur d’une nouvelle méthode, celle de jouer du luth à une seule main (pour les personnes handicapées). Il a fondé un réseau d’écoles consacrées à son instrument de prédilection afin de transmettre aux jeunes générations sa passion du luth en même temps que son art. La première, Beit El Oud (maison du luth), a vu le jour en 1998 au Caire (Égypte), suivie de plusieurs ouvertures d’établissements aux quatre coins du monde dont : Constantine (Algérie), Abu Dhabi (Émirats Arabes Unis) et même en Suisse.
Le site de Naseer Shamma


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