L’UPM, mode d’emploi
L’avancée du « meccano financier » de l’UPM, et autres projets : point d’étape, avec Julien Aubert
Photo ci-dessus - Julien Aubert, Responsable Affaires économiques & financements de projets à la mission interministérielle UPM présidée par Henri Gaino. Hôtel Marigny, Paris, mars 2010 - © leJmed.fr
La question de la pertinence de créer une « Banque de la Méditerranée » est l’un des points régulièrement évoqués – sinon vraiment débattus – depuis des années dans les colloques euro-méditerranéens. Longtemps, des économistes éminents s’y sont montrés franchement hostiles, au motif essentiel de la trop forte disparité entre les économies des différents pays – ce même argument, rappelez-vous, qui avait laissé la plupart de ces mêmes économistes totalement indifférents lors du débat sur la création de l’euro… Et puis, pour des raisons plus ou moins évidentes, nous assistons depuis quelques mois à un renversement de la doxa : ils sont de plus en plus nombreux à considérer que oui, bien sûr, la création d’une « banque » serait un geste « politique fort » ! On notera la curiosité didactique – des économistes évoquant un argument politique – mais, finalement, l’essentiel n’est-il pas que l’UPM avance ?
Dans l’entrevue publiée sur leJmed.fr le 4 novembre 2009, Julien Aubert évoquait d’ailleurs la multitude d’acteurs et leurs différents tropismes sur la question de la pertinence de la création d’une « Banque de la Méditerranée », qui serait pour la région ce que la BERD est pour l’Europe. Mais, il ajoutait : « Nous [la Mission UPM présidée par Henri Guaino] sommes également le relais d’une vision politique, celle du président de la République ».
La commission Milhaud planche sur la question
d’une Banque méditerranéenne
De fait, c’est le Président Nicolas Sarkozy qui a replacé cette question au premier plan, le 17 décembre dernier, en adressant une lettre de mission de réflexion à Charles Milhaud sur cette question de la création éventuelle d’une « Banque de la Méditerranée ». Les termes de la lettre sont très ouverts et insistent sur le diagnostic des financements en Méditerranée. L’ancien Président du directoire de la Caisse Nationale des Caisses d’Épargne préside ainsi une commission qui s’est réunie pour la première fois le 8 mars.
« La commission de réflexion présidée par Charles Milhaud vise à alimenter la mission française de l’UPM, précise Julien Aubert. Elle comprend à ce jour dix membres (1), mais elle est extensible. Sa composition rassemble des personnalités aux compétences reconnues dans les différents domaines bancaires : deux personnalités ayant l’expérience des banques centrales, deux autres relevant des banques de développement, et trois représentant le secteur privé. C’est une mission française, qui a été élargie à des personnalités d’autres pays du Bassin méditerranéen : Italie, Espagne, Égypte, Algérie, Tunisie… et peut-être prochainement Syrie et Turquie, si nous arrivons à trouver des experts francophones disponibles ».
Le rapport de la commission Milhaud devant être remis au plus tard à la fin du mois de mai, son objectif est clair : que la France soit en mesure de présenter une proposition aboutie "pour ou contre" la création de cette Banque méditerranéenne – ou d’une alternative « adoucie », par exemple une Coface méditerranéenne, ou une Caisse de Dépôts régionale – lors du second sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’UPM, le 7 juin prochain à Barcelone.
Le fonds InfraMed : « quasiment bouclé ! »
Bonne nouvelle, aussi, concernant le Fonds Inframed. Lancé à l’initiative de La Caisse des Dépôts (CDC, France), la Cassa Depositi e Prestiti (CDP, Italie), EFG Hermes (Egypte) et la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG, Maroc), ce fonds d’investissement de long terme, et premier instrument de financement de l’Union pour la Méditerranée, affichait pour objectif la collecte dans un premier temps de quelque 400 M€ auprès des quatre fondateurs, puis de 1 Md€ en l’ouvrant à d’autres partenaires…
« Il s’agit d’un projet piloté par la Caisse des Dépôts et Consignations et ils pourront vous donner plus de détails. Sous toutes réserves, le seuil de 400 M € collectés a été dépassé, les signatures devraient être acquises pour le FOR’UM de Marseille, le 27 mai », déclare Julien Aubert.
LE FOR’UM : première le 27 mai, à Marseille
À côté des questions purement financières, plusieurs initiatives se sont fait jour au fil des mois pour impulser le développement économique en Méditerranée. L’une d’elles, issue de la mission UPM, est justement le FOR’UM, dont Julien Aubert nous avait parlé lors de notre entrevue de novembre dernier. Ainsi nous disait-il que le FOR’UM, à Marseille, aurait « vocation à rassembler tous les grands projets incubés ici et ailleurs et à réunir dans un même lieu tout ce que la Méditerranée compte de représentants de ministères des finances, de fonds privés, de fonds publics, de banques, de banques commerciales, de mécènes, de gestionnaires de patrimoine, etc., pour non pas un énième colloque de plus, mais pour des présentations concrètes de projets… ».
Quatre mois plus tard, le projet est bien sur les rails, explique Julien Aubert : « La date du premier FOR’UM a été fixée, ce sera le 27 mai, à la Bourse de Marseille. Nous en sommes très heureux ! C’est une initiative portée par le co-présidence franco-égyptienne, et soutenue par la BEI, l’AFD et la CDC… Les détails du programme ne sont pas encore tout à fait arrêtés, mais en voici déjà l’architecture. La matinée débutera par un bilan de l’UPM, deux ans après, et se poursuivra par des plénières sur les opportunités d’investissement en Méditerranée. Simultanément, six ateliers “techniques“, correspondant aux six priorités définies par le sommet fondateur du 13 juillet 2008 auront lieu. L’après-midi sera consacré à une grande assemblée plénière. Henri Guaino, Président de la mission interministérielle UPM, prononcera le discours de clôture ».
FARO de Marseille et Agence des PME : ça avance aussi !
Créer un FARO à Marseille est l’une des autres idées ayant germé à la mission UPM, et également évoquée par Julien Aubert lors de notre entrevue de novembre.
En fait, précisait-il, « le FARO – pour Fonds d’amorçage, de réalisation et d’orientation – ferait de la nano-aide d’amorçage pour les porteurs de petits projets, à charge pour les porteurs d’aller ensuite solliciter les grandes institutions en se prévalant du soutien du FARO, qui fonctionnerait ainsi également comme une sorte de label de projet innovant ».
Aujourd’hui, Julien Aubert se réjouit de nous annoncer que « la conception est quasiment finalisée entre les trois bailleurs – AFD, CDC et Oséo –, et nous sommes en discussion avec les candidats opérateurs, comme le consortium Anima Investment Network, auquel nous songeons à associer Euromed Management et ses étudiants, afin de faire fonctionner l’ensemble sur un modèle de “cluster“. En tout cas, le projet sera finalisé pour le FOR’UM, le 27 mai ! » Et, ajoute Julien Aubert, cette idée de FARO enthousiasme les Libanais et les Italiens se sont montrés réceptifs pour dupliquer l’initiative. De ce fait, on en est déjà à parler d’un futur réseau des FARO !
Idée italienne, l’Agence des PME revient de loin. En effet, lors des premiers pourparlers sur cette question, après le Sommet fondateur du 13 juillet 2008, la position allemande – et de la chancelière Angela Merkel elle-même, dit-on – fut de considérer que cette question ne figurait « pas vraiment » parmi les six priorités déclarées du Sommet… mais, la forte volonté des Italiens, soutenus pas d’autres partenaires, dont la France, a fait en sorte que le sujet est revenu « par la bande » : actuellement, la question de l’Agence fait l’objet d’une étude de faisabilité.
Aucun doute : dans l’UPM comme ailleurs, « l’union est un combat » ! Mais, pour l’instant et malgré tout, l’UPM avance. Et lors du second Sommet qui se tiendra le 7 juin à Barcelone, même les « anti » seront bien obligés de constater que le bilan des deux premières années de l’UPM ne sera pas aussi inconsistant qu’ils le prétendent !
© Alfred Mignot pour leJmed.fr
(1) - Les dix membres de la commission Milhaud
Les Méditerranéens
1 - Abderrahmane Hadj-Nacer, ex-gouverneur de la Banque centrale d’Algérie et cofondateur d’International Maghreb Merchant Bank (IMBank)
2 - Mohamed El Kettani, PDG d’Attijariwafa Bank, groupe bancaire et financier marocain, considéré comme le n°1 au Maghreb.
3 – Amar Kalil, DG de la Banque tunisienne de financement des PME
4 - Mohamed Tammam, l’un des vice-présidents de la Banque centrale égyptienne.
5 - Franco Bassanini, président de la Cassa Depositi e Prestiti italienne
6 - José Antonio Olavarrieta, DG de la Confederación Española de las Cajas de Ahorros.
– En attente de nomination : un représentant turc et un syrien.
Les Français
7 - Charles Milhaud, né à Sète, ancien Président du directoire de la Caisse Nationale des Caisses d’Épargne. Il fut le principal instigateur du Protocole d’accord du 7 juillet 2008 entre neuf banques méditerranéennes (LIEN ICI : http://www.lejmed.fr/Les-financiers-des-deux-rivesse.html).
8 - Daniel Houri, Conseiller-maître à la Cour des comptes, est un natif de Gabès et a étudié au Lycée Carnot de Tunis. Ancien banquier, il a été administrateur de la Compagnie internationale de Banque et du Crédit Lyonnais. Il était jusqu’à récemment vice-président de PlaNet Finance, l’ONG de microcrédit de Jacques Attali, très active au Maroc.
9 - Jean Lemierre, ex Gouverneur de la BERD (Banque européenne de reconstruction et de développement), conseille le président de BNP Paribas, Michel Pébereau, sur les dossiers internationaux.
10 – Philippe de Fontaine-Vive Curtaz, vice-président de la BEI (Banque européenne d’investissement) en charge de la Femip, a intégré la commission à titre personnel. Il a multiplié, ces derniers temps, les interventions sur l’économie du Maghreb et de la Méditerranée, se prononçant notamment en faveur de la création d’une Banque de la Méditerranée. Le « VP » de la BEI est un natif de Marseille.
Les rapporteurs
- Eric Dussoubs, auditeur à la Cour des comptes, est spécialiste des banques à la Cour.
- Pierre Uhel, contrôleur général et financier au Ministère des finances, a connu une longue carrière à l’international et auprès des institutions européennes.
- Charles-Henri Malecot, mis à disposition par la Caisse des dépôts et consignations, a occupé les fonctions de directeur régional avant de travailler à la Banque mondiale sur la zone MENA.
- Erik Pointillart est directeur des partenariats de la Financière Océor. Il est le principal architecte de l’accord de coopération entre dix banques euro-méditerranéennes, signé en janvier 2009 par le Groupe Caisse d’Epargne, Attijariwafa Bank, Al Amana, CIH, (Maroc), la BIAT (Tunisie), etc.
- Alexis de Maigret est chargé de mission au Conseil de coopération économique, qui regroupe le patronat français, espagnol, italien et portugais.
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