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Nabil Adghoghi –

« L’UPM a tout le potentiel pour donner un sens géopolitique » à l’Euromed

Maroc | 30 juin 2011 | src.LeJMED.fr
« L'UPM a tout le potentiel pour donner un sens géopolitique » à l'Euromed
Casablanca -

Nabil Adghoghi, Directeur des Affaires européennes au ministère marocain des Affaires étrangères et de la Coopération, était l’un des orateurs invités par l’Institut Marocain des Relations Internationales (IMRI, Président Jawad Kerdoudi) qui a tenu son colloque annuel en partenariat avec la Fondation allemande Hanns Seidel, les 27 et 28 mai 2011 à Casablanca, autour d’un thème de forte actualité, « Le partenariat euro-méditerranéen à la lumière du printemps arabe ».

Dans son intervention, Nabil Adghoghi a insisté sur l’idée que le « paquet Économie-Climat » pourrait être à l’édification d’un espace économique euroméditerranéen ce que la CECA fut à l’Europe. Rappelant l’engagement du Maroc pour un partenariat constant et proactif avec l’UE, Nabil Adghoghi a aussi estimé que « L’Union pour la Méditerranée a tout le potentiel pour lui [au Bassin méditerranéen] donner un sens géopolitique », tout en estimant une refondation urgente. Voici son discours intégral.

Photo ci-dessus : Nabil Adghoghi, Directeur des Affaires européennes au ministère marocain des Affaires étrangères et de la Coopération, durant son intervention au Colloque de l’IMRI, le 27 mai 2011 à Casablanca © Alfred Mignot - mai 2011


Discours de

Nabil Adghoghi
Directeur des Affaires européennes au ministère marocain
des Affaires étrangères et de la Coopération

au Colloque de l’IMRI
Casablanca, 27 mai 2011

◊ ◊ ◊

Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs,

Il m’est particulièrement agréable de prendre part à la session 2011 du Forum euro-méditerranéen que l’IMRI organise chaque année.

La thématique choisie, « Le Partenariat euro-méditerranéen à la lumière du Printemps arabe » cadre parfaitement avec la nouvelle donne dans la région.

Nabil Adghoghi (à gauche sur la photo), Directeur des Affaires européennes au ministère marocain des Affaires étrangères et de la Coopération, lors de son allocution. À sa gauche, Jawad Kerdoudi, Président de l’IMRI ; Eneko Landaburu, Chef de la Délégation de l’Union Européenne à Rabat ; Sid Ahmed Ghozali, ancien Premier ministre algérien. © Alfred Mignot - mai 2011

Ce qui se passe actuellement dans les pas arabes réitère et conforte une évidence historique, à savoir qu’une participation citoyenne et une bonne gouvernance sont consubstantielles à un développement économique et humain durable et équitable.
Il démontre aussi que la bonne gouvernance, la sécurité juridique, la cohésion sociale, l’égalité des sexes… sont des aspects primordiaux et dialectiques pour le développement.

Il démontre aussi que ces sociétés ont autant besoin de libéralisme économique que de démocratisation politique et d’ouverture citoyenne.

Enfin, ce qui se passe dans la rive sud de la Méditerranée démontre qu’il ne saurait avoir de développement économique pérenne sans qu’il y ait ouverture sur son environnement immédiat et interaction avec ses partenaires.
En somme, le vent de démocratie et de liberté qui souffle sur plusieurs pays arabes, pour prometteur qu’il soit, n’est pas irréversible.
Il doit être soutenu, aidé et encouragé, afin d’éviter toute régression ou incertitude.


Une refondation urgente, « visionnaire »

Ce soutien, cette aide et cet encouragement doivent prendre la forme d’une nouvelle approche en Méditerranée, qui soit davantage visionnaire, davantage ambitieuse et davantage visionnaire.
Une approche qui favoriserait surtout une interaction dynamique entre démocratie, ouverture, co-développement et solidarité.

Cette refondation est d’autant plus urgente au regard des crispations identitaires et des tentations de repli qui surgissent et qu’il est de notre devoir de combattre et d’éradiquer.

C’est un combat difficile certes, mais dont on ne peut faire l’économie, tant les appartenances sont exacerbées, notamment celles qui relèvent de la religion, tant la coexistence entre communautés humaines est chaque jour plus difficile et tant que la démocratie est à la merci des surenchères identitaires.

L’exaltation des affirmations nationalistes, parfois au sein même de l’espace européen et la banalisation des discours populistes devront être combattues pour réhabiliter la coexistence harmonieuse et apaisée entre différentes communautés, nonobstant leurs différences sociologiques, leurs convictions religieuses ou leurs différences idéologiques…

Notre action dans ce sens devrait tout à la fois répondre à une exigence privilégier l’éducation et l’émancipation de l’individu – et refléter un impératif : lutter contre la tolérance et promouvoir le respect des croyances et convictions.

L’enjeu est de construire un ordre culturel euro-méditerranéen qui combinerait spécificité et universalité et qui développerait un équilibre identitaire entre ouverture et enracinement.

Dans le même sens, la dimension recherche et innovation est tout aussi essentielle. Nos institutions de recherche pourraient créer des centres d’excellence virtuels et mettre en place des plates-formes technologiques sous forme de partenariats avec les entreprises.

Dans ce sens, la Maroc souhaite concrétiser le projet d’une université euro-méditerranéenne à Fès, en tant que vecteur pour la mobilité des étudiants, des chercheurs et des idées.

L’investissement dans le captal humain passe aussi par des politiques éducatives efficientes. Dans ce sens, nous devons promouvoir des jumelages virtuels entre écoles et lycées, afin de permettre à nos jeunes et moins jeunes de partager le savoir et de s’ouvrir aux autres cultures.

De même, la formation professionnelle constitue un enjeu tout aussi fondamental. Un système de parrainage des cursus de ces filières par des organisations professionnelles sera pertinent pour améliorer l’indicateur d’employabilité.


Pour un Espace économique commun

À partir d’une perspective plus large, le dessein ambitieux que nous pourrions nous fixer ensemble serait la création d’un Espace économique commun, qui s’inspirerait des normes et règles de l’Espace économique européen.

En fait, l’ancrage de plus en plus fort des économies méditerranéennes au marché intérieur de l’Union européenne plaide aujourd’hui pour un objectif plus ambitieux allant au-delà de libre échange.

Le cap qu’il s’agirait de se fixer est l’édification d’un espace économique regroupant des économies régies par les mêmes normes et standards et évoluant dans un même environnement juridique et réglementaire. C’est à travers une telle démarche que nous allons dynamiser les flux d’investissement et promouvoir les complémentarités et les synergies entre nos économies respectives.

Qu’elles soient matures ou émergentes, en transition ou en restructuration, la compétitivité des économies se mesure nécessairement à l’aune de leur appartenance à des espaces économiques, où se complètent des économies géographiquement proches mais aux atouts différenciés.

La contribution des nouveaux États membres de l’Union européenne, depuis leur adhésion en 2004, à la performance économique de l’UE, conforte cette réalité.


« Le paquet Énergie-Climat comme socle fondateur »

Pour servir ce dessein, l’espace euro-méditerranéen a besoin d’un pilier structurant susceptible de rendre cette intégration économique possible, viable et durable.

L’idée serait de s’inspirer de la construction européenne qui avait pris le charbon et l’acier comme base de départ pour arriver aujourd’hui à un modèle d’intégration globale.

Pour sa part, l’espace euro-méditerranéen pourrait prendre le paquet Énergie-Climat comme socle fondateur pour une intégration économique progressive et ouverte.

Il nous appartient de trouver, à travers cet objectif, des réponses pertinente et crédibles aux nombreuses interrogations s’agissant de l’énergie et du climat :
 Quelles sont les énergies du futur ?
 Comment permettre à une plus grande partie de la population mondiale de disposer d’énergies propres, sûres et à des prix raisonnables ?
 Comment réduire les conflits qui trouvent leur origine dans la distribution inégale des ressources énergétiques ?
 Quel équilibre établir entre la prospérité économique et la protection de l’environnement ?
 Quels dispositifs régionaux permettraient de mieux gérer les ressources en eau, de plus en plus rares ?

Sur ce registre, la donne environnementale doit être appréhendée dans ses prolongements économiques et démographiques. Car, les risques liés aux changements climatiques sont réels et leurs effets se font ressentir sur nos performances économiques, sur le rendement de nos agricultures, mais aussi sur les mouvements humains.

Les changements climatiques font apparaître les phénomènes de l’éco-migration. On estime que les migrants « environnementaux » pourraient atteindre, de par le monde, 50 millions en 2015 et avoisiner les 200 millions en 2050.

Pour les ressources hydriques, il est essentiel de promouvoir la mise en place d’une plate-forme pour la recherche et l’amélioration des capacités en matière météorologique, le dessalement de l’eau de mer, le renforcement des moyens de prévention, la dépollution des eaux usées et la gestion des situations exceptionnelles (inondations, sécheresses…).


Le Maroc, un partenaire toujours allant…

Par ailleurs, le projet de l’énergie solaire, que le Maroc vient de lancer, vise la mise en place d’une capacité de 2 000 mégawatts en 2020. Il trace une vision claire et réaliste concernant les énergies renouvelables pour le Maroc.

Pour sa pleine mise en œuvre, le Maroc s’engage à explorer avec l’Union européenne toutes les opportunités qui seront créées par les initiatives régionales, tels le Plan solaire méditerranéen, Desertec, Transgreen, afin de contribuer à la mise en place d’une gouvernance énergétique euro-méditerranéenne maîtrisée, sûre et durable.

Le Maroc s’apprête également à l’adoption d’une Charte sur le développement durable qui reflétera la prise de conscience écologique collective et visera la sauvegarde de la biodiversité, le développement équilibré et l’amélioration de la qualité de vie.

Ce sont là quelques pistes de réflexion sur les modalités pratiques et opérationnelles pour la mise en œuvre de ce paquet Energie-Climat à l’échelle euro-méditerranéenne.

En somme, l’engagement euro-méditerranéen du Maroc (présidence de l’APEM, de l’ARLEM et de la Fondation Anna Lindh – et Secrétariat général de l’UPM, à compter du 1er juillet 20011, ndlr) converge pleinement avec le Statut avancé que le Maroc appréhende comme un facteur d’accélération de la dynamique dans laquelle il s’inscrit actuellement.

Le Maroc est le seul pays qui a adhéré et souscrit à toutes les « offres partenariales » faites par l’UE.

Cette posture a inspiré le Statut avancé, dont la vocation essentielle est de construire un « espace de valeurs partagées » en matière de démocratie, de bonne gouvernance et des Droits de l’Homme, et d’édifier un « espace économique commun », qui permettra au Maroc de s’inspirer de l’acquis communautaire pour construire une économie ouverte et solidaire.

À titre d’illustration, l’instrument des jumelages inter-institutionnels (44 opérations jusqu’à présent) permet au Maroc d’asseoir les normes de bonne gouvernance (lutte contre le blanchiment des capitaux, administration du Parlement, modernisation des juridictions, lutte contre la criminalité organisée, lutte contre l’immigration irrégulière…), de gérer sa transition économique (gouvernance des entreprises publiques, mécanisme de règlement des différents, propriété industrielle et intellectuelle, Open Sky, efficacité énergétique, Cour des comptes, audiovisuel…) et d’améliorer ses indicateurs sociaux (INDH, alphabétisation, couverture médicale…).

Dans l’immédiat, de nouveaux secteurs feront l’objet d’un alignement sur l’acquis communautaire : marchés publics, services financiers et assurance, concurrence, protection du consommateur, Code du travail, normalisation industrielle, surveillance des marchés, sécurité maritime…

D’autres secteurs suivront progressivement la même procédure d’alignement, de manière à ce que le Maroc soit le pays tiers qui aura absorbé le plus d’acquis communautaire.

Ce rapprochement vise à promouvoir un équilibre entre les dimensions « Bonne gouvernance et État de Droit », « Compétitivité économique « et « Dimension humaine », d’où les synergies avec le Conseil de l’Europe, l’OSCE et l’OCDE.

Une posture identique se vérifie dans les questions transversales : le Maroc a promu, en 2006, une conférence euro-africaine sur la migration et le développement. Il a été établi, dès 2004, un dialogue sur le terrorisme avec l’UE, dans le cadre du COTER. Il s’inscrit dans des initiatives sub-régionales pour lutter contre le trafic de drogue (Maoc-N, Ceclad-M). Il coopère avec l’UE en matière de défense (Opération Althea), de non-prolifération…

En définitive, la Méditerranée est une réalité géographique tangible.


Les atouts de l’UPM

La spécificité de la relation qu’elle a pu développer avec l’Union européenne requiert un traitement tout aussi spécifique.

L’Union pour la Méditerranée a tout le potentiel pour lui donner un sens géopolitique.

Ses paramètres institutionnels (gouvernance paritaire, Secrétariat général permanent) et méthodologiques (projets intégrateurs, coopération renforcée, principe de la géométrie variable) sont pertinents, pourvu qu’on sache les déployer pleinement.

L’Union pour la Méditerranée a vocation à mettre en mouvement les acteurs des deux rives (institutionnels, économiques, parlementaires, territoriaux, associatifs…), en les invitant à regarder le Bassin méditerranéen comme un espace géographique viable, compétitif et solidaire.

Elle a tous les atouts et les ressorts nécessaires pour créer une dépendance positive et un espace de projets d’intérêts convergents.

La dynamique nouvelle que nous sommes appelés à imprimer à cet ensemble régional aura un surcroît d’efficience, de pertinence et de vigueur dès lors qu’elle permettra la pleine expression des ambitions individuelles de chacun des pays de la rive sud de la Méditerranée vis-à-vis de l’Union européenne.

Le double credo de « différenciation » et de « tout sauf les institutions » devra être pleinement exploré.


Nabil Adghoghi
Directeur des Affaires européennes au ministère marocain
des Affaires étrangères et de la Coopération

Colloque de l’IMRI
Casablanca, 27 mai 2011

◊ ◊ ◊

Sur le même thème :
 Une vision d’avenir du partenariat EuroMed, par Rym AYADI, Directrice du CEPS et de MedPro (Colloque IMRI, lai 2011)
 « Nayda », ou les prémices du Printemps arabe,
« cri d’une jeunesse qui a soif d’avenir »
(Colloque IMRI, lai 2011)
 Jawad Kerdoudi, Président de l’IMRI : L’onde de choc tunisienne et les risques d’instabilité dans les pays arabes (février 2011)
 Jawad Kerdoudi, Président de l’IMRI : L’UPM doit s’impliquer plus dans la résolution des problèmes politiques (juin 2010)
 Michel Laurent, ancien Président de la BAM, plaide pour un dialogue culturel euro-méditerranéen (mai 2011, au Forum de l’IMRI)
 V. Wallaert, M. Dioudonnat, A. Séon : Le « 11 septembre à l’envers » et l’impasse des politiques euromed (février 2011)

Site de référence :

 Site de l’IMRI, Institut marocain des relations internationales

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