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L’Académicien Denis DESCHAMPS (Asom) : « Entre Jeux faits et enjeux défaits, la diplomatie culturelle se joue aussi autour du sport… d’où l’on peut espérer plus ? »

16 août 2024
L'Académicien Denis DESCHAMPS (Asom) : « Entre Jeux faits et enjeux défaits, la diplomatie culturelle se joue aussi autour du sport… d'où l'on peut espérer plus ? »
Aya Nakamura se produisant devant l’Institut de France avec sa troupe sur le Pont des Arts, accompagnée par l’orchestre de la Garde Républicaine, au cours de la soirée inaugurale des JO de Paris 2024 le vendredi 26 juillet. Capture vidéo © APP
Dans son style si délicieusement germanopratin, cocktail millilitré d’esprit sérieux raisonnant et de légèreté si profonde, l’Académicien Denis Deschamps (Asom) partage ici avec nos lecteurs un voyage en accéléré aux marches de l’essence des Olympiades : la partage de l’excellence, une ambition humaniste civilisationnelle ici transcendée par les corps magnifiques et magnifiés des athlètes. Mais quand les corps sont si beaux, c’est aussi parce que l’esprit les habite…

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Une contribution de Denis DESCHAMPS,
Membre de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer,
Fondateur de DJulius Conseil (Paris)

© AM/APP

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Il n’y a pas que l’économie qui compte, quand bien même on doit la considérer comme une part absolument essentielle, disons terrestre, de ce qui nous lie au restant de l’humanité. Et plus sans doute que la politique, dont on connaît trop les nécessaires fragilités et les trahisons imputables à nos nombreux travers humains.

La culture compte aussi, même si on n’est toujours pas assuré de devoir, de vouloir, de pouvoir la partager avec les autres. Le message du religieux est ainsi culturel, mais sa diversité peut diviser plus qu’elle ne rassemble... Surtout lorsqu’il s’agit de religions issues de « révélations », dont le Dieu unique n’est assurément pas uniforme et que l’harmonie entre les hommes - fussent-ils de « bonne volonté »- n’est pas vraiment son principal objet.

C’est donc une banalité de le rappeler : mieux que l’économie, plus que la politique et son prolongement militaire, la culture joue un rôle indéniable pour faire passer des messages auprès des autres peuples ; sachant que la teneur de ce message peut être aussi très complexe, lorsqu’il a une prétention diplomatique. Car l’influence est chose parfois malaisée, quand bien même celui qui l’exerce dispose pour cela des meilleurs atouts du « soft power » ou de la diplomatie culturelle comme, parmi d’autres, la gastronomie – ou son contraire (la « junk-food ») – ou encore le sport et la musique.

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La France officielle saisie par
le tsunami « french touch »

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À l’occasion des Jeux Olympiques 2024 organisés avec un immense succès à Paris, la France a ainsi fait passer un message culturel, dont les polémiques sur les extraordinaires spectacles de la cérémonie d’ouverture et aussi les débats relatifs à certaines épreuves de ces méga-circenses à caractère inclusif font deviner cette extraordinaire complexité.

En effet, Il s’agissait alors d’adresser, en même temps que de jolies images de la Ville-lumière, un message fort au monde entier et, en même temps, à l’Afrique, qui a dernièrement pris ses distances avec une France officielle qui s’est progressivement éloignée d’elle.

Au monde, la France a voulu montrer l’innovation culturelle marquée par la « french touch » et portée par le jeu vidéo (avec Assassin’s creed), le cinéma d’animation (avec les Minions), le luxe (avec LVMH) et aussi le renouveau de la chanson (avec Kavinski / Angèle / Phoenix / Air). Au-delà, on peut évoquer un indéniable savoir-faire muséal et également en matière d’organisation de grands événements internationaux. Soit, tout autant de grands services culturels que la France semble bien savoir exporter, y compris dans les pays du golfe.

Aussi, pour faire comprendre aux populations des cinq continents que nous sommes, en tant que français, toujours « dans le coup », de brillants scénographes n’ont pas manqué de verser dans le confusionnisme relativiste de ce temps devenu compliqué (pour ne pas dire autre chose).

La vasque olympique a pris chaque jour son envol depuis le Jardin des Tuileries, là même où, à la fin du XVIIIe siècle, la première Montgolfière a livré sa première POC (proof of concept). Capture © APP

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La chevauchée fantastique
des « Tutti frutti »

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À l’Afrique, et c’est d’abord ce qui nous intéresse dans cette tribune, on a en revanche parlé de tradition, autrement dit cette image de la France éternelle que les Africains disent surtout aimer. Aya Nakamura a ainsi chanté et dansé avec la Garde républicaine. La vasque olympique a pris chaque jour son envol, là même où, à la fin du XVIIIe siècle, la première Montgolfière a livré sa première POC (proof of concept).

Philippe Katerine était le mets délicieux d’un festin des Dieux, à connotation sans doute cénique, mais surtout bien référencé par rapport à un art européen du nord (quelque chose de Jacob Jordaens revisité par Peyo). Le Génie de la Bastille morphé en C3PO / Apollon a enfin redonné un souffle nouveau à un idéal olympique déjà ranimé en 1896 par un français, le baron Pierre de Coubertin…

Aussi, Edith Piaf a superbement clos l’événement d’ouverture et ouvert celui de clôture. Le tout étant ponctué de chansons de Michel Polnareff, Claude François, Joe Dassin, Charles Aznavour, Johnny Halliday et Zizi Jeanmaire – pas vraiment tous des « fdesouche » – qu’une chevauchée fantastique a rappelé aux vivants et aux morts ce fameux dimanche de Bouvines qui a « fait la France » … car on a en fait beaucoup parlé d’histoire lors de ces Jeux olympiques de 2024 à Paris, qui a finalement parfaitement transmis le flambeau de la « mission impossible » de leur organisation à Los Angeles 2028.

L’histoire, c’est aussi celle de notre littérature, à laquelle se référaient des tableaux (parfois maladroits) évoquant « Les liaisons dangereuses » et d’autres grands classiques, qui ont hanté nos études secondaires, en France comme vraisemblablement dans encore nombre de pays africains francophones.

Patrick Boucheron qui a participé à la scénarisation de la cérémonie d’ouverture évoque le « vivre ensemble » dont le désir, j’oserais même souligner la volonté, fait une nation qui, dans notre imaginaire collectif, en France comme en Afrique, aurait vu le jour avec la Révolution. « Ah, ça ira ! », mais aux accents d’un rock métal, qui n’est pas celui du « roman national » fantasmé au Puy-du-Fou, et qui s’est retrouvé dans l’immense succès populaire du « Marathon pour tous »…

L’intérêt de cette séquence olympique, c’est donc qu’elle constitue une trêve réussie dans la longue litanie des querelles qui agitent notre beau pays composé de Gaulois / Celtes irascibles et autres Romains, Francs, Burgondes, Wisigoths… ainsi que d’autres peuples facilement irritables, qui semblent avoir trouvé leur place dans l’Hexagone et comptent bien y rester.

La tour Eiffel en majesté olympique. Capture © APP

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« Une France unie,
élargie au monde »

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Nous faisons ainsi la démonstration d’une France unie, élargie au monde, dont l’Afrique, en particulier l’Afrique subsaharienne qui aime notre beau pays sous ce jour uniforme, même s’ils se passionnent toujours et volontiers pour le football et les compétitions politiques qui agitent notre univers mental.

En effet, au risque de me tromper, je dirais que l’Afrique aime l’image de cette harmonie retrouvée, qui relève de la morale et aussi le moral pour ceux qui, sur le continent, doivent le plus souvent supporter une démocratie dévoyée, sinon corrompue, voire pas de démocratie du tout. Au risque de me tromper, je répète, car d’autres que moi pensent tout autrement, en agitant le drapeau de la discorde pour élargir le fossé qui sépare le Nord du Sud.

Pour ma part, j’espère sincèrement que la parenthèse enchantée des jeux olympiques de Paris 2024 permettra de lancer de nouvelles passerelles entre l’Afrique et cette France, qui doit s’attacher à rester une destination de choix pour tous ceux qui veulent étudier, travailler ou simplement profiter des bienfaits d’une culture distincte de celle du monde anglo-saxon, mais en même temps aussi universelle parce que dépourvue de tout caractère identitaire, a contrario de ce que se passe chez certains de nos plus proches voisins en Europe.
Magnifiée par Yseult – artiste française noire, née de parents camerounais –, en conclusion des JO 2024 de Paris, la chanson « Comme d’habitude » (Claude François) est ainsi devenue « My way » (Paul Anka / Franck Sinatra). Sans doute était-ce là aussi un gentil clin d’œil « décolonial » sur la place de la France « ouverte » dans un bain mondial de culture américanisée… ?

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À l’UNESCO le 25/09 à 09 h 30 - XIVe Conférence des Ambassadeurs Africains de Paris : « La diplomatie culturelle, vecteur d’excellence de la coopération Afrique-France-Golfe »

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