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L’Académicien Denis DESCHAMPS (Asom) : « Pour un secteur privé africain dédié aux entreprises du continent, créons un service unifié de promotion ! »

31 mai 2024
L'Académicien Denis DESCHAMPS (Asom) : « Pour un secteur privé africain dédié aux entreprises du continent, créons un service unifié de promotion ! »
Au moment où l’Alliance des Patronats francophones réunit à Marrakech (Maroc) les entreprises membres des patronats francophones qui le constituent, Il est opportun de réfléchir à une solution adaptée pour que l’Afrique des entrepreneurs puisse être représentée de manière cohérente, comme l’Europe des entrepreneurs l’est déjà auprès des institutions UE.

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Une contribution de Denis DESCHAMPS,
Membre de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer,
Fondateur de DJulius Conseil (Paris)

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En effet, le secteur privé africain souffre aujourd’hui encore de son absence de représentation unifiée auprès des instances africaines et également internationales. Ainsi, les institutions européennes communautaires peinent-elles toujours à trouver à qui s’adresser, quand elles veulent construire et mettre en place avec le secteur privé du continent des programmes de coopération et de partenariat entre l’Europe et l’Afrique.
Aussi, l’Union africaine avec laquelle l’Union européenne interagit largement (au-delà même du financement qu’elle lui accorde), ne prend pas nécessairement la bonne mesure du secteur privé et du rôle joué par les entreprises africaines pour la résilience et la croissance économique du continent, par exemple dans la cadre de la mise en œuvre opérationnelle de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
Face à ce constat, on esquissera ci-après quelques propositions et des pistes pour une action opérationnelle conjuguée du secteur privé africain au service de ses entreprises.

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La croissance africaine
est fondée sur les entreprises

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Le secteur privé est le principal moteur de la croissance économique africaine. Or, celle-ci ne saurait se faire sans l’amélioration du climat des affaires ; autrement dit, un climat vertueux propice à l’entrepreneuriat et à l’investissement privé, qui doivent permettre la hausse de la productivité et favoriser les décisions d’investissements propices à la création de richesses et d’emplois sur le continent.

Cependant, les économies africaines, en particulier celles de l’Afrique subsaharienne, restent encore très marquées par le poids considérable du secteur informel ; sachant que, par ailleurs, les entreprises qui sont légalement constituées ne sont le plus souvent pas à même de faire face à la concurrence internationale. Les dirigeants de ces entreprises n’ont en effet pas toujours les capacités managériales nécessaires, alors même que l’environnement des affaires en Afrique est souvent instable, en raison de notamment de l’incertitude permanente dans les règles de jeu face aux manquements institutionnels des États.
C’est pourquoi il convient de bien s’attacher à mettre en place des actions adaptées aux besoins des entreprises africaines, qu’elles soient légalement constituées ou bien qu’il s’agisse d’activités informelles. En lien avec leurs pouvoirs publics, les organisations intermédiaires (patronats, chambres consulaires, associations faîtières…) jouent normalement ce rôle, parce qu’elles sont, chacune, au cœur de leur écosystème respectif.

Au-delà de leurs limites territoriales, ces organisations intermédiaires comptent en fait le plus généralement sur des faîtières, c’est-à-dire le plus souvent des réseaux des chambres consulaires et/ou des structures à vocation régionale et ayant pour objet de réunir des représentants du secteur privé de divers pays africains. Mais, en l’état, on ne saurait considérer ces réseaux et / ou structures régionales comme suffisamment représentatives de l’ensemble du secteur privé africain, pour qu’elles puissent effectivement prétendre être une interface cohérente d’instances internationales majeures comme l’Union Africaine ou bien l’Union Européenne.

C’est pourquoi il faudrait envisager de créer une représentation unifiée du secteur privé africain, possiblement intitulée « Private Union for Business in Africa » (PUBA), en fédérant les différents organismes existants, pour pouvoir éventuellement créer un cadre commun stimulant, permettant notamment d’attirer les investissements en Afrique, certes d’abord dans la zone francophone qui nous intéresse plus particulièrement, mais également dans les zones anglophone, lusophone, hispanophone du continent…

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Un projet de Maison commune
des entreprises africaines

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Comme indiqué plus haut, le projet PUBA s’inscrit d’abord dans le cadre de l’évolution du périmètre d’intervention de la francophonie économique / francophonie des affaires (88 États et gouvernements affiliés à l’Organisation internationale de la Francophonie) visant à soutenir les stratégies d’entreprises souhaitant se développer sur le continent africain. Mais, rappelons-le, l’Afrique n’est pas seulement constituée des 31 pays africains (sur 54) qui sont considérés comme « francophones » …

En effet, n’oublions pas, d’une part, que le marché de la francophonie économique s’étend au-delà des pays qui ont le « français en partage », comme le Nigeria ou le Ghana. Soulignons, d’autre part, que la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), prévue pour l’amélioration de la circulation des biens et des services par l’élimination progressive des barrières tarifaires) concernera l’ensemble des pays du continent, où le secteur privé doit nécessairement pouvoir bénéficier d’une meilleure intégration économique.

Ainsi, toutes les entreprises africaines et francophones, mais pas exclusivement ces dernières, doivent pouvoir bénéficier d’un meilleur accompagnement et d’un accès facilité aux financements, qui leur permettront de contribuer à la résolution de différents enjeux continentaux, comme plus particulièrement les problématiques majeures pour l’ensemble des populations africaines de la sécurité alimentaire (transformation locale de produits) et également de l’industrialisation (renforcement des chaînes de valeur).

Pour cela, les différentes organisations africaines qui mettent déjà en œuvre en Afrique des projets de coopération, dans des domaines tels que la formation et l’emploi, l’insertion des jeunes et l’autonomisation des femmes, la transition écologique et énergétique, la transformation numérique, l’alimentation et la sécurité économique…, devraient être réunies en une structure fédérative pertinente comme PUBA (Private Union for Business in Africa).

Il s’agirait en quelque sorte de constituer grâce à cela une « maison commune » ayant pour objet d’accentuer l’action de ces organisations intermédiaires, afin de leur permettre de contribuer, d’un même mouvement, à la construction d’un partenariat équilibré entre les entreprises et les instances internationales comme l’Union Africaine et l’Union Européenne, ainsi qu’avec les bailleurs de fonds et partenaires du développement.

En effet, le caractère actuellement très dispersé du secteur privé africain – réparti entre plusieurs organisations et structures intermédiaires qui peuvent agir sans réelle cohérence entre elles –, ne permet pas une meilleure prise en compte de ses intérêts et des besoins des entreprises qu’il est censé représenter. C’est pourquoi le projet PUBA (Private Union for Business in Africa) pourrait être une solution aussi nécessaire que souhaitable, qu’il conviendrait de mettre en place pour renforcer le professionnalisme et le réseautage entre les organisations intermédiaires africaines et les opérateurs économiques qu’elles accompagnent.

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Que faire ?

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Le projet PUBA doit se placer dans une double perspective :
1. Tout d’abord, faire évoluer l’approche traditionnelle et historique des organisations intermédiaires africaines qui représentent aujourd’hui les entreprises du continent (patronats, chambres consulaires, associations faîtières…) pour leur permettre de passer de leurs « prés carrés » respectifs à un champ d’intervention géographique plus ambitieux, devant être élargi au Commonwealth et aux pays du Moyen-Orient.

Grâce à des accords entre les différentes organisations sœurs, qui aujourd’hui agissent souvent en concurrence mais plus généralement en parfaite indifférence les unes des autres (par souci d’équité, on n’en citera ici aucune, car certaines sont connues et d’autres moins…), on pourrait ainsi constituer une « maison commune » intitulée PUBA (Private Union for Business in Africa).

Cette structure commune aurait pour objet premier, le lobbying visant à représenter légitimement l’Afrique des entreprises auprès de l’Union européenne et de l’Union africaine.

Aussi, PUBA devrait permettre de réunir, à échéance régulière, les entreprises africaines et les structures qui les représentent, dans le cadre d’un Forum économique – en quelque sorte, un « Davos » de l’Afrique » comprenant notamment des conférences, séminaires et formations-, permettant de faire la démonstration du dynamisme du secteur privé africain, y compris de ses plus petites entreprises.

Ensuite, PUBA devrait permettre d’amplifier l’impact des actions mises en œuvre sur le terrain par les organisations intermédiaires du continent, en leur permettant de passer d’une logique de partenariat institutionnel à une offre de services adressant les entreprises et opérateurs économiques africains.

Pour cela, PUBA devra se fonder, autant que possible, sur le recours aux outils numériques, qui permettront de « passer à l’échelle » en faisant des différents outils existants(Baromètres, Annuaires des entreprises africaines …), un vecteur de communication et d’influence pour le business en Afrique et / ou un outil d’information augmentée permettant de développer l’investissement dans les économies africaines.

À noter en effet qu’à partir d’une information mieux organisée sur les entreprises africaines, il sera ainsi possible de faciliter les couplages de ces dernières avec des entreprises européennes et francophones.

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Comment bien faire ?

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Chaque organisation africaine mène aujourd’hui, au travers notamment de ses membres locaux, diverses actions visant à assurer la mise en place en Afrique d’un environnement des affaires plus favorable au développement du courant d’affaires entre opérateurs économiques francophones (et autres).

En tant que structure commune et partagée, PUBA (Private Union for Business in Africa) devrait ainsi, outre l’organisation de rencontres (avec des conférences, formations et autres séminaires…), contribuer à la mise en place d’une information économique augmentée et également de services particulièrement adaptés aux besoins des entreprises qui investissent ou sont implantées en Afrique.

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La mise en place d’un système
d’information économique augmentée

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Proposé par PUBA, ce système d’information économique augmentée devrait reposer sur :

> La constitution méthodique, dans chacun des pays africains, francophones ou pas, d’un fichier d’entreprises à la fois fiable et régulièrement mis à jour (optimisation régulière des listings d’entreprises pouvant exister dans chaque pays, par exemple avec les répertoires des chambres de commerce et d’industrie et aussi les centres de gestion agréée, les experts-comptables) permettant une connaissance complète et opérationnelle du tissu économique local,

> La réalisation, dans chacun de ces pays africains, d’une cartographie économique fondée sur ce fichier d’entreprises complet et permettant une localisation géographique à l’adresse des entreprises répertoriées, avec visualisation en mode Google Maps, via un outil logiciel, à la fois simple et robuste.

Ce système d’information économique augmentée devrait en fait permettre :

> Une aide à la décision, d’une part, moyennant la réalisation d’études à la demande, qu’il s’agisse d’études économiques sectorielles ou territoriales (monographies élaborées à partir des résultats de la veille) ou bien d’études de marché ou encore la définition d’indicateurs (performance, innovation…) ;

> Un système de mise en relation qualifiée, d’autre part, fondé sur le partage intelligent d’informations (interconnexion de fichiers sous un format homogène) pour favoriser le rapprochement des entreprises qui souhaitent bâtir des partenariats commerciaux à l’international pour développer leur courant d’affaires ;

> Une notation (« scoring ») des entreprises, au regard de leurs critères financiers et également extra-financiers (prise en compte des critères de la responsabilité sociétale).

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La construction d’une offre
de services aux entreprises

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Proposés par PUBA, ces services pourraient être, par exemple :

> Conciliation et médiation en ligne

Depuis les débuts de l’Internet et de la révolution numérique, le monde des affaires a connu un important foisonnement d’outils, sans pour autant que la résolution numérique des litiges commerciaux rencontre finalement le plein succès qu’on pouvait alors espérer.

Or, les entreprises s’étant désormais largement approprié les différents outils de travail à distance, et compte tenu aussi de l’évolution des différents outils digitaux, la médiation en ligne peut très vraisemblablement faire sa percée.

Pour cela, PUBA (Private Union for Business in Africa) pourrait envisager de développer une plateforme permettant de mettre en contact le médiateur et les deux parties, de manière sécurisée et avec un archivage de confiance ; le médiateur ayant accès aux documents des deux parties, alors que les parties prenantes au litige n’ont accès qu’à leurs propres documents et aux échanges avec le médiateur.

Bien entendu, pour pouvoir bien fonctionner, cette plateforme devra permettre le paiement en ligne et être au moins en deux langues, si l’environnement des affaires est bilingue (avec deux langues nationales, comme au Cameroun) ou international.

> Formalisation de l’économie

L’activité de nombre de pays africains est caractérisée par une forte prégnance de l’économie informelle. Avec le développement de l’Internet et l’élargissement de l’accès aux outils numériques sur l’ensemble du continent africain, en particulier à travers l’explosion de l’utilisation des smartphones, cette économie informelle a trouvé aujourd’hui de nouveaux modes de déploiement.

Par-delà les actions indispensables pour favoriser le passage de l’activité informelle vers des structures formalisées (au travers de réformes fiscales), ce phénomène doit pouvoir servir de base à une action d’encouragement à un type d’entreprenariat « à l’essai », dans le même esprit que le système d’auto-entrepreneuriat en France

On pourrait donc envisager d’héberger sur une même plateforme des sites – même basiques, et/ou des liens vers des sites déjà existants – de e-commerçants informels sous l’égide d’une (ou plusieurs) structure(s) intermédiaire(s) (chambres de commerce et d’industrie, associations patronales, associations d’experts-comptables…) qui sont chargées de la vérification de l’entrepreneur nécessaire pour assurer la confiance par rapport au développement de son activité.

Par ailleurs, cette plateforme devra fournir des services qualifiés aux entrepreneurs : indexation, marketing, accompagnement/accords et formation, outils logistiques (paiement, livraison…).

Bien évidemment, on ne saurait être exhaustif, car les services proposés par PUBA (Private Union for Business in Africa) aux organisations intermédiaires africaines qui accompagnent les entreprises du continent peuvent toujours être envisagés « à l’infini »… au regard notamment des besoins nouveaux qui vont émerger avec l’évolution des technologies (emprise de l’Intelligence artificielle) et également des comportements (intégration de la responsabilité sociétale et durable). Aussi, avant cela, il faut déjà que PUBA se fasse. Un jour, peut-être…

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REPLAY > Mohamed ZIDOUH, Président du Groupe interparlementaire d’amitié Maroc-France, invité d’honneur d’AfricActu 3 sur Télésud, avec Alfred Mignot et Emmanuel Dupuy

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