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Kassim TAMBAGUILE (Performance PME) : « Au Mali, il faut renforcer l’écosystème qui ne répond pas aux attentes de la jeunesse »

31 janvier 2022
Kassim TAMBAGUILE (Performance PME) : « Au Mali, il faut renforcer l'écosystème qui ne répond pas aux attentes de la jeunesse »
Directeur associé de Performance PME, une société spécialisée dans le fintech et l’accompagnement de structures bancaires, Kassim Tambaguilé participait à un panel consacré à la digitalisation lors de la VIIe édition de la Nuit de l’Entrepreneuriat au Mali. Avec un discours original et décapant. Entretien.

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Propos recueillis à Bamako par Bruno FANUCCHI
pour AfricaPresse.Paris (APP) @africa_presse

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Quelles sont les activités de Performance PME au Mali ?

Kassim TAMBAGUILE – Nous sommes dans l’accompagnement des PME et TPE dans le cadre du développement du Business Plan et du modèle économique. Au regard de la situation malienne, les jeunes ont une certaine envie de changer la donne économique à travers de nouvelles visions. Or, nous sommes des acteurs clés du système et nous intervenons à Bamako comme à Abidjan. Pour le Mali, nous avons énormément de demandes par rapport aux besoins aujourd’hui de projets structurants.

Notre société existe depuis bientôt une douzaine d’années. Nous avons aujourd’hui une équipe de 17 personnes qui travaillent au service d’une clientèle bien précise dans le secteur bancaire comme les grandes banques que sont la BMS Mali, la BICIM ou la BMDA, etc.
Nous avons contribué à renforcer les capacités des cadres de banque au niveau local, mais nous intervenons aussi beaucoup sur les questions de conformité bancaire, en partenariat à Dakar avec la BCEAO, avec lequel nous avons une relation de confiance.

Notre objectif majeur, c’est de contribuer à garantir les meilleurs indicateurs de performance du secteur privé que nécessite le développement économique. Nous avons d’ailleurs pris l’engagement auprès des structures de l’État d’arriver à une synergie entre tous ceux qui participent au développement du secteur privé malien.

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« L’Afrique a besoin de savoir-faire,
plus que de diplômes »

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Lors de cette VIIe édition de la Nuit de l’Entrepreneuriat, vous participiez à un panel consacré à la digitalisation… Quelles innovations préconisez-vous dans le secteur de l’entrepreneuriat ?

Kassim TAMBAGUILE – Il faut que nous puissions orienter la jeunesse vers ces nouveaux outils innovants dans la mesure où le monde numérique constitue aujourd’hui un nouveau passage en termes de modernisation de l’économie et de création de valeur ajoutée. La cible de la digitalisation, c’est la jeunesse qui, en se connectant sur cette plate-forme, va découvrir des opportunités en termes de réseaux et de mises en relation.

Grâce à tous ses outils utilisés dans le secteur bancaire comme dans les assurances, on peut diversifier un peu la fintech en allant vers d’autres structures, comme le secteur minier par exemple.
L’avantage que nous apporte cet événement majeur, c’est avant tout le partage d’expériences. C’est capital car cela permet de tirer les leçons de ce que les autres ont appris et de garantir un changement d’échelle au niveau de la jeunesse malienne.

Vous citez souvent en exemple dans ce domaine le Kenya, où vous avez vécu et travaillé. Mais pourquoi l’Afrique de l’Ouest francophone n’arrive-t-elle pas à faire aussi bien ?

Kassim TAMBAGUILE – Votre question est pertinente. Le cas du Kenya est en effet une particularité en matière de réussite économique car ce pays a vite compris que les questions de développement économique nécessitent la performance du secteur privé. Au sortir de l’Université, la majorité de ses étudiants n’ont pas envie de se tourner vers l’État, mais ils ont envie de créer leur « business modèle ». Et il y a dans ce pays anglophone d’Afrique de l’Est des dispositifs d’accompagnement et un écosystème favorables au développement du secteur privé.

Lorsque je parle d’écosystème, c’est en réalité toute une palette de services, que ce soit au niveau réglementaire ou au niveau des acteurs qui y participent. L’État, les banques et les chefs entreprises participent à améliorer cet écosystème qui constitue l’un des outils d’accompagnement pour que les jeunes puissent réaliser leurs rêves. Le Kenya a ainsi joué un rôle économique primordial dans les questions de relance économique à travers son secteur privé performant.

Kassim TAMBAGUILE lors de son intervention à la Nuit de l’Entreprenariat de Bamako (28-30 janvier 2022). © DR

C’est l’écosystème qui n’est pas à la hauteur des attentes de la jeunesse ?

Kassim TAMBAGUILE – Il y a une dizaine d’années, le Kenya avait plus de 200 banques, mais les questions d’accompagnement ont été l’une des priorités absolues de l’État. Celui-ci a renforcé l’écosystème, ce qui a permis à la jeunesse kényane de garantir un changement d’échelle au niveau du secteur privé.
Or l’Afrique de l’Ouest n’arrive pas aujourd’hui à créer de l’innovation tout simplement parce que nous sommes ici beaucoup trop orientés vers l’État central, qui ne peut pas garantir un changement d’échelle.

Pour parler vrai, les pays de l’Afrique de l’Ouest sont trop focalisés sur la gouvernance et n’arrivent pas à mettre en place un écosystème performant permettant aux jeunes entrepreneurs d’arriver à des résultats tangibles. Car ils attendent beaucoup trop de l’État qui n’est pas un acteur économique, mais seulement un acteur de veille et de régulation. Chez nous, l’État ne peut pas mettre à la disposition du secteur privé les moyens dont il a besoin.

L’État peut mettre un cadre réglementaire approprié permettant aux jeunes de développer leurs activités, mais l’État ne peut pas créer de l’emploi. Ce sont les entreprises et le secteur privé qui créent la richesse et qui créent l’emploi.
Nous sommes donc parvenus à une conclusion : en Afrique de l’Ouest, l’écosystème ne répond pas aux attentes de la jeunesse !

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« La crise sanitaire a été une aubaine
pour les start-up et des chefs d’entreprise
ont triplé leurs chiffres d’affaires ! »

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Que faut-il faire pour changer la donne ?

Kassim TAMBAGUILE – Il faut donc renforcer l’écosystème, permettre à la jeunesse de bénéficier d’un véritable accompagnement en terme de suivi pour que ces jeunes puissent réaliser leurs projets et créer ainsi de l’emploi pour garantir une croissance soutenable au niveau de l’Afrique de l’Ouest. Et pour cela il faut d’abord changer les mentalités et que les jeunes comprennent qu’en sortant de l’Université, ce n’est pas Papa et Maman qui vont leur donner du boulot, mais c’est le développement personnel qui constitue la base de leur réussite professionnelle.

Les parents jouent certes un rôle essentiel dans l’éducation et la formation de leurs enfants, mais les questions d’insertion dans le monde du travail et d’employabilité dépendent de la volonté de chacun. Les jeunes doivent prendre leurs responsabilités pour aller sur le marché du travail avec une soif de réussite. Les meilleurs diplômes ne donnent pas forcément un emploi. Les gens sont à la recherche d’une formation de haut niveau, mais en Afrique, on regarde beaucoup les diplômes sans pour autant regarder le savoir-faire.

Je pense que la formation est extrêmement importante, mais que la maîtrise d’un métier, le savoir-faire, est une nécessité absolue et irremplaçable pour que les jeunes puissent s’épanouir et réaliser leurs objectifs. Il ne s’agit pas de former aujourd’hui des gens pour avoir des ingénieurs avec plusieurs doctorats, mais de former des gens pour avoir de l’expertise pour qu’ils puissent servir la nation et leur famille grâce à leurs compétences.

Aujourd’hui, on a beaucoup d’ingénieurs et de diplômés, mais cela n’a pas servi à grand-chose, car il leur manque bien souvent le savoir-faire. L’Afrique a besoin du savoir-faire, de mutualiser ses compétences à travers des talents et des expertises locales. Car sans talents, pas de développement !

Comment la crise sanitaire a-t-elle profité au secteur de la digitalisation ?

Kassim TAMBAGUILE – Cette crise sanitaire a en effet permis à des chefs d’entreprise de tripler leurs chiffres d’affaires à travers l’innovation. Si nous regardons les périodes de confinement, bien des gens n’avaient plus la possibilité de sortir, mais ont inventé et développé d’autres capacités en passant par des plate-formes comme les API (applications de programmes interfaces) lorsqu’ils avaient besoin de services et ils sont eu des résultats extraordinaires !

Pendant toute cette période, de jeunes talents ont ainsi réfléchi pour que cette crise se transforme en d’immenses opportunités, comme le fintech, le e-business.

La crise a été une aubaine pour les start-up qui ont eu le réflexe d’aller vers le développement des API, mais aussi vers ce que l’on appelle l’amélioration des services en tenant compte de l’innovation technologique qui a été vraiment le déclic de réussite pour une grande partie des start-up en France, aux États-Unis ou à Johannesburg.

Mais le Continent n’a pas su visiblement en tirer parti...

Kassim TAMBAGUILE – L’Afrique malheureusement n’a pas réussi à prendre ce train en marche et tirer toutes les leçons de la situation, car nous sommes restés avec ce vieux réflexe : c’est la crise, on ne sort pas !
Alors, pendant la crise, on avait bien au contraire le temps et la possibilité d’approfondir nos réflexions, d’aller vers l’innovation technologique, pour faire en sorte que la crise ne soit pas une fin en soi, mais l’occasion de développer des solutions alternatives. C’était pourtant une opportunité pour les Africains d’innover et de découvrir de nouvelles solutions informatiques.

L’Afrique n’a pas su profiter de la crise sanitaire qui l’a pourtant fort impactée. D’autres en ont profité énormément comme l’Europe, les États-Unis ou la Chine...
Il faut pourtant comprendre que les périodes de crise sont celles où nous avons le temps de réfléchir et d’innover et de faire la différence. Or en Afrique, on a la mauvaise habitude de regarder ce que X a fait et de copier en faisant la même chose, sans vouloir parfois l’améliorer. C’est la problématique majeure.

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EN SAVOIR PLUS :
www.performance-pme.org

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« Infrastructures et entreprises, comment mieux financer l’Afrique ? », avec SE Maurice BANDAMAN, Ambassadeur de Côte d’Ivoire.

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