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Julien Aubert, mousquetaire de l’UpM, et « heureux homme de bonne volonté » !

Tous pays EUROMED-AFRIQUE | 12 juillet 2011
Julien Aubert, mousquetaire de l'UpM, et « heureux homme de bonne volonté » !
Paris -

Détaché de la Cour des Comptes à la Mission interministérielle de l’Union pour la Méditerranée que préside Henri Guaino, Julien Aubert, jeune énarque trentenaire, y était en charge depuis deux ans et demi de la question du financement des projets, le « mécano financier de l’UpM », selon son expression. Au moment où il quitte ses fonctions pour rejoindre son corps d’origine, Julien Aubert nous livre ici son retour d’expérience – une partie, en tout cas, car devoir de réserve de haut fonctionnaire oblige…

Photo ci-dessus : Julien Aubert dans les jardins de l’Hôtel Marigny (Paris), siège de la Mission interministérielle UpM présidée par Henri Guaino. © Alfred Mignot - juin 2011


Julien Aubert en conversation avec Christine Lagarde, à l’occasion du For’UM de Marseille, en mai 2010. Au premier plan, Laurent Vigier (CDC) et Henri Guaino signant la convention de création du FARO.
© Alfred Mignot - mai 2010

« J’étais détaché pour deux ans, je serai donc resté six mois de plus », s’empresse-t-il de préciser, comme pour signifier qu’il ne s’agit pas de l’abandon d’un combat inachevé – franco-français, et euroméditerranéen – et qui pourrait donc bientôt rebondir, dans la perspective de la refondation annoncée de l’UpM.

Mais, qui y aurait pensé sérieusement ? Certes pas les lecteurs de LeJMED.fr, qui, par nos articles (voir les liens en fin de texte), connaissent les temps forts de l’activité déployée par Julien Aubert au sein de la Mission UpM.

Ainsi, lors de notre première longue entrevue, en novembre 2009, il exprimait son idée de créer un FARO pour aider au financement des jeunes pousses euroméditerranéennes innovantes et s’activant en trinôme – une du nord et deux du sud, ensemble. Il l’a fait, et plutôt deux fois qu’une, puisque aujourd’hui il existe déjà deux FARO, l’un à Marseille et l’autre à Beyrouth, et d’autres sont en gestation, en Italie, au Maroc en Turquie…

Lors de cette même entrevue, il évoquait aussi l’intérêt de la création d’une Banque de la Méditerranée, ou en tout cas d’une institution financière nord-sud… Un projet ficelé depuis maintenant près d’un an (Rapport Millaud), en attente d’une décision politique, projet auquel Julien Aubert a participé, comme il a aussi apporté sa contribution à la finalisation du Fonds Inframed, doté d’un capital initial de 385 M€, et qui vit le jour à la veille d’un très couru et réussi For’Um de Marseille, en mai 2010 – un événement organisé à l’initiative de Julien Aubert, et qui a connu une seconde édition en mai 2011 à Paris, sous l’impulsion de Valérie Hoffenberg. On citera encore son rôle dans le financement de la Fondation des Femmes pour la Méditerranée, qui a vu le jour le 14 juin dernier « et pour lequel nous nous sommes beaucoup battus, avec Nathalie Pilhes, y compris parfois contre l’administration française », souligne-t-il.

Quel est le retour d’expérience de Julien Aubert sur ces deux années et demi passées à la Mission interministérielle ? Sur tout ce temps consacré à faire avancer malgré tout ce « schmilblick » si mystérieux et baroque – mystérieux surtout parce qu’il ne veut pas mourir, malgré son trépas maintes fois annoncé par les Cassandre dès sa fondation en 2008 ; baroque, car… « comme l’a dit Henri Guaino, relève Julien Aubert, l’UpM est une transgression »… et certes pas un long fleuve tranquille !

Et Julien Aubert d’ajouter : « Nous avons eu à surmonter deux sortes de difficultés : les structurelles et les conjoncturelles. Sur ce dernier point, l’environnement n’a pas été facile, puisque nous avons eu la crise économique, la crise de Gaza, les crises financière et budgétaire, la crise de l’euro, le Printemps arabe… cela fait beaucoup !

« Structurellement, comme le disait en effet Henri Guaino, l’UPM est une transgression, tant des organisations administratives que des raisonnements, des habitudes, des manières de voir. Ajoutons à cela que la Mission interministérielle est elle-même particulière au plan administratif, et transversale ; il est évident que le grand problème est de stimuler et d’accompagner les projets, tout en laissant aux porteurs l’essentiel de leur pilotage ».

Mais, si ces difficultés renvoient essentiellement aux protagonistes franco-français, qu’en a-t-il été avec les partenaires du sud ? Julien Aubert affiche ici un retour d’expérience globalement très positif…

« Il n’y a eu que très peu de blocages avec nos partenaires de l’autre côté de la Méditerranée. Nous l’avons maintes fois observé, par exemple avec l’amorce rapide de l’essaimage du FARO au Liban, ou encore par la forte participation internationale aux deux For’Um que nous avons organisés… En fait, lorsqu’un clivage se produit, il ne relève pas tant d’une logique nord-sud ou est-ouest, mais entre les gens qui veulent garder un temple qu’ils n’ont pas construit, et ceux qui veulent avancer »

« Cela dit, la difficulté de mise en œuvre de certaines procédures est une vraie problématique, à tel point que parfois les règles qui les régissent ne semblent compréhensibles qu’à leurs auteurs ! Sur le point particulier des financements, on a pu observer qu’il y a un monopole de l’expertise, de la connaissance des réseaux d’information et de prise de décision : il faut les décrypter et les apprivoiser pour pouvoir les réorienter, et cela prend énormément de temps. C’est ici l’expérience qui fait la différence… et paradoxalement, j’ai connu des Marocains et des Tunisiens beaucoup plus experts que nous sur la manière d’obtenir des subventions communautaires. Au fond, c’est plutôt une bonne chose !

« Également rassurant, le cas de la création d’Inframed, où les visions se sont révélées exactement les mêmes, au nord comme au sud. Les seuls questionnements qui se sont posés étant d’organisation pratique.
« Selon moi, cela montre que nous sommes bien – et déjà – dans une zone intégrée, tout au moins intellectuellement, avec des décideurs qui, de part et d’autre, partagent les mêmes références, voire le même cursus. L’accord sur le fond n’a jamais fait débat.
En fait, entre le nord et le sud de la Méditerranée, on se comprend bien. Entre hommes et femmes de bonne volonté, en tout cas ! »

Homme de bonne volonté, Julien Aubert l’est assurément. Jeune énarque habitué à négocier avec de hautes personnalités, il a su aussi se garder disponible pour les « petits porteurs de projets », qu’il recevait volontiers à son bureau de l’Hôtel Marigny, siège de la Mission UpM, dont Patrick Barraquand est le nouveau Secrétaire général, depuis février 2011. Ce n’est pas si fréquent, quand on connaît la morgue ou la désinvolture de certains de ses pairs.

Au service de l’UpM, Julien Aubert sut aussi se comporter en… mousquetaire, et nous en portons témoignage, pour l’avoir vu et entendu, à maintes reprises dans tel ou tel autre colloque, porter l’estocade, mettant à bas tel contradicteur mal informé ou ostensiblement de mauvaise foi.

Aujourd’hui, à propos de la refondation de l’UpM, annoncée par [Alain Juppé, Julien Aubert estime que « Une adaptation à la nouvelle donne du monde arabe est nécessaire. Mais il est acquis que ceux qui estimaient que l’UpM était mal pensée se trompaient, car même dans sa première version l’UpM s’est révélée capable de catalyser des projets de société civile. Ce fut une intuition prémonitoire et fondatrice, on le voit bien aujourd’hui, avec le Printemps arabe. Ainsi, ceux qui ont vite prétendu que l’UpM était mort-née auraient mieux fait de relire l’histoire de la construction européenne, faite de hauts et de bas, de succès et d’échecs, de reculs et d’avancées fondatrices ».

Avec le départ de Julien Aubert, la mission UpM perd donc l’un des ses excellents éléments. Il rejoint son corps d’origine – la Cour des Comptes – et fera aussi plus souvent le voyage Paris-Provence : natif de Marseille et enraciné dans le proche Vaucluse, il envisage désormais de servir autrement la République : « L’année qui vient est politiquement très riche, avec les élections présidentielle et législatives. C’est pour moi l’heure du choix ! » nous confie-t-il.

Dans les temps qui viennent, il aura ainsi l’occasion de ferrailler autrement pour sa nouvelle cause, mais on peut être certain que la Méditerranée y tiendra toujours une bonne place. Car Julien Aubert est un homme d’engagement et de fidélité.


Alfred Mignot

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