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Jérémie PELLET, Directeur général Expertise France (3/3) : « L’Union africaine a un boulevard devant elle pour déployer une ambition collective ! »

25 janvier 2021
Jérémie PELLET, Directeur général Expertise France (3/3) : « L'Union africaine a un boulevard devant elle pour déployer une ambition collective ! »
Dans ce troisième volet de notre entretien, le Directeur général d’Expertise France évoque plusieurs sujets d’actualité : les avantages attendus de l’intégration d’Expertise France à l’AFD, prévue cette année ; le renouvellement des accords Cotonou-ACP ; les avancées de la ZLECA ; les priorités géographiques et sectorielles de l’agence pour et avec l’Afrique…

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Entretien exclusif avec Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (AP.P)
@alfredmignot | @PresseAfrica

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Quels sont les avantages attendus de votre intégration à l’AFD, prévue pour cette année 2021 ?

Jérémie Pellet - L’intérêt est d’assembler dans le même groupe à la fois les moyens de financement du développement du secteur public avec l’AFD, ceux du secteur privé avec Proparco, et l’accompagnement humain et technique du développement, avec Expertise France.
Nous disposerons ainsi en France d’un instrument quasi unique au monde en son genre, assez différent par exemple de l’Allemagne, qui a deux agences pas toujours coordonnées, la GIZ pour le volet coopération technique et sa banque publique KfW pour le volet financement. Nous serons plus proches de ce que fait l’Agence de coopération internationale du Japon, la JICA, qui réunit les deux fonctions.

L’idée de l’intégration à l’AFD, c’est de disposer d’une agence capable de proposer des solutions financières et aussi de l’accompagnement non financier.
Pour autant, cela ne signifie pas que l’on ne travaillera qu’avec l’AFD, puisque l’Union européenne est et restera notre principal partenaire. Nous travaillons aussi avec la Banque mondiale, les Nations Unies, les Britanniques… Tout cela continuera, mais nous développerons mieux nos complémentarités avec l’AFD qui, par ailleurs, est présente dans un certain nombre de pays d’où nous sommes absents, et réciproquement. Et précisons-le, notre action se déploie sur tous les continents, elle n’est pas cantonnée aux seuls pays francophones.

Imaginons une CCI d’Afrique dont les entrepreneurs adhérents voudraient développer sur place de la coproduction avec des entreprises françaises. En quoi pourriez-vous les aider, les accompagner ?

Jérémie Pellet – Le développeur que nous sommes accueille positivement tout ce qui concourt à créer de la richesse sur le continent africain. Mais comme je vous le disais, nous n’avons pas la capacité de nous auto-saisir d’un sujet. En l’espèce, pour le cas d’école que vous évoquez, ce serait d’abord au ministre de l’Industrie du pays concerné de faire connaître son intention de développer des filières de coproduction, et de demander un accompagnement technique sur ce sujet en s’adressant à notre ambassade, à l’agence de l’AFD ou à la délégation de l’Union européenne, lesquelles, si cela entre dans leur champ d’action, pourront nous solliciter pour monter un projet.

Quels secteurs, quelles filières pensez-vous qu’il serait pertinent de développer dans une perspective de coproduction euro-africaine ?

Jérémie Pellet – Un champ très prometteur est sans doute le développement de filières de produits durables. D’ailleurs un certain nombre de pays africains, par exemple la Côte d’Ivoire, se sont engagés sur ce chemin. Aujourd’hui, dans les supermarchés français, vous trouvez en tête de gondole du chocolat équitable produit en Côte d’Ivoire. La preuve que la filière commence à s’organiser, car cela n’existait pas il y a trois ans.

Plus largement, je pense que la réponse à cette question doit venir d’abord d’un dialogue d’égal à égal – j’insiste sur ce point – avec les pays partenaires.
C’est en cela d’ailleurs que l’Europe se différencie vraiment d’autres acteurs. Pour l’Europe, la richesse créée sur le continent africain doit lui revenir. Je note qu’en pratique, ce n’est pas toujours le cas chez d’autres pays intéressés par l’Afrique – on peut penser à certains projets financés par la Chine, par exemple.

Quelles sont les priorités d’Expertise France pour et avec l’Afrique ?

Jérémie Pellet – En Afrique du Nord et son prolongement jusqu’au Proche-Orient, notre objectif est de continuer à accompagner la transition à la fois économique et sociale. Économique avec la continuation de nos programmes de soutien à l’entrepreneuriat et l’innovation ; sociale, en soutenant la montée en charge d’un certain nombre de systèmes sociaux, dans une logique de gestion de projets, y compris sur le sujet des réfugiés.

En Afrique subsaharienne, notre priorité pour les pays les plus fragiles est d’accompagner le rétablissement de l’État dans les zones déstabilisées, par exemple au Sahel, dans la zone des Trois frontières. Le retour de l’État, c’est un tout, avec certes un volet sécuritaire, mais aussi un volet judiciaire très fort, et un volet de services de base pour les populations. Ces trois éléments sont indissociables si l’on veut un rétablissement durable de l’État dans toutes ses composantes, centrale et locales. Cela reste notre priorité très forte.

Et vos priorités sectorielles ?

Jérémie Pellet – L’emploi de la jeunesse et la santé, thèmes que nous avons déjà évoqués [voir le volet 1/3 de l’entretien, ndlr]. Sur la santé, j’ajouterai qu’au-delà de la réponse à la Covid, nous poursuivons la lutte contre trois autres pandémies : sida, paludisme et tuberculose. Nous agissons dans un certain nombre de projets ambitieux, notamment en Guinée, sur le champ du renforcement encore nécessaire des systèmes de santé pour lutter contre toutes les pandémies.

L’accompagnement des initiatives à l’échelle régionale et continentale est une autre priorité, très importante pour l’avenir du Continent africain. Je pense notamment à la zone de libre-échange d’Afrique continentale, la ZLECA, qui s’affirmera sans doute comme un vrai « game changer » pour l’Afrique.

Je me trouvais à Addis Abeba en octobre dernier pour y rencontrer l’Union africaine, et j’ai pu observer l’avancée déjà considérable de ce projet qui n’a que deux ans. Une vraie dynamique est à l’œuvre. Une nouvelle commission africaine va s’affirmer, et la Commission européenne sera active pour l’appuyer.

Début décembre dernier, le renouvellement des accords ACP-Cotonou a été acté par la Commission européene, sous réserve de sa ratification par le Parlement européen. Considérez-vous que de l’Union africaine a bien su valoriser son mandat en faveur de l’Afrique ?

Jérémie Pellet – Oui, je le crois ! D’ailleurs la concrétisation de ce sujet dans le budget européen me paraît très bénéfique pour le Continent, puisque l’engagement européen approchera les 30 milliards d’euros [29,1 Md€ excetement, ndlr] pour l’Afrique sur la période 2021-2027, c’est un record !

Aujourd’hui, l’Union africaine a un boulevard devant elle pour déployer une ambition collective. Bien sûr, cela prendra plusieurs années, tout comme l’Europe a mis une trentaine d’années pour monter le marché unique.
Cela dit, je suis assez impressionné par la rapidité de la mise en place des premières briques de la ZLECA. Pour moi, c’est un vrai sujet d’avenir.

Vous êtes un acteur de terrain, au contact des opérateurs et des territoires… quelle est votre opinion sur le dénigrement anti-français qui prospère actuellement en certains pays d’Afrique ?

Jérémie Pellet – J’observe qu’Expertise France est peu critiquée, voire quasiment jamais pour son action. Sans doute est-ce parce que nous travaillons toujours à la demande et dans l’intérêt des pays et des populations, et que cela se sait.

Plus largement, ce dénigrement est plus ou moins instrumentalisé par le débat sur le colonialisme, qui n’est pas encore totalement apaisé. Mais je suis de la même génération que le Président Emmanuel Macron, celle qui n’a pas connu la colonisation. Cela doit nous aider à donner un nouvel élan, une nouvelle ambition à notre relation avec le Continent.
Selon moi, la bonne manière d’avancer, c’est de continuer à agir concrètement, au bénéfice des pays et des populations d’Afrique.

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RETROUVER LES TROIS VOLETS DE L’INTERVIEW

Jérémie PELLET, DG Expertise France (1/3) : « Co-construire et conduire un programme de développement en Afrique, c’est notre responsabilité d’ensemblier »

Jérémie PELLET, DG Expertise France (2/3) : « Avec MEETAfrica II, notre objectif est d’accompagner autour d’un millier d’entreprises en Afrique »

Jérémie PELLET, Directeur général Expertise France (3/3) : « L’Union africaine a un boulevard devant elle pour déployer une ambition collective ! »

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