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Jérémie PELLET, DG Expertise France (2/3) : « Avec MEETAfrica II, notre objectif est d’accompagner autour d’un millier d’entreprises en Afrique »

21 janvier 2021
Jérémie PELLET, DG Expertise France (2/3) : « Avec MEETAfrica II, notre objectif est d'accompagner autour d'un millier d'entreprises en Afrique »
Transition du secteur informel vers l’économie formelle, contrôle de la dette qui a bondi, lancement de l’ambitieux programme MEETAfrica II, conférence sur la relance et le renouveau de la coopération technique… dans ce second volet de notre entretien, le Directeur général d’Expertise France aborde plusieurs sujets d’un intérêt prégnant pour l’Afrique.

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Entretien exclusif avec Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (AP.P)
@alfredmignot | @PresseAfrica

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Avez-vous réussi à maintenir votre activité, en 2020 ?

Jérémie Pellet – Bien sûr nous avons subi un impact lié à la crise, nous n’avons pas pu accomplir certaines missions, notamment de court terme, puisque les déplacements ont été extrêmement contraints… notre activité a ainsi enregistré une baisse de 11 % par rapport à 2019. Mais finalement ce n’est pas si significatif, au regard des difficultés exceptionnelles rencontrées. On prévoit d’ailleurs de rattraper très largement dès 2021, avec 320 millions de CA attendus, à comparer aux 115 millions d’euros d’activité de 2015, année de la création d’Expertise France.

Quels enseignements tirez-vous de cette période si particulière ?

Jérémie Pellet – La question centrale aura été celle de l’accompagnement, de la mise en place en urgence des filets sociaux dans un certain nombre de pays africains… Demain, ce sera la problématique du financement et de l’endettement, qui va s’élever autour de 65 % du PIB en Afrique subsaharienne – en croissance de dix points sur un an.

Notre action consiste à accompagner, à travers les experts que l’on déploie, la gouvernance économique et financière de ces pays, pour faire en sorte que cette situation ne pénalise pas le développement et la croissance qui leur sont nécessaires pour faire face à tous leurs besoins.

Votre avis sur la question de l’annulation de la dette, justement ?

Jérémie Pellet – Ce sujet relève de l’État et concerne davantage l’AFD, notre future maison mère, que nous allons rejoindre cette année. Cela dit, le vrai enjeu sera de trouver le bon équilibre entre continuer à financer les besoins importants des pays d’Afrique subsaharienne, et ne pas leur couper l’accès aux marchés financiers sur les prochaines années. J’observe qu’il y a un effort très net de la communauté internationale pour essayer de s’organiser sur ce sujet.

Début décembre dernier, vous avez lancé l’initiative MEETAfrica II. Quelle entité en est à l’origine, et quel premier point d’étape peut-on déjà en faire ?

Jérémie Pellet – L’initiative a été portée par un certain nombre d’acteurs africains désireux d’appuyer le développement de l’entreprenariat, ainsi que par la diaspora qui souhaite aussi créer de l’activité et de la richesse sur en Afrique, ou en lien avec elle. Sans oublier l’Union européenne, puisque c’est à l’origine la Commission qui souhaitait promouvoir un projet de développement en ce sens.

La première phase de ce programme, MEETAfrica I, a pleinement répondu aux attentes puisque nous avons accompagné la création d’une quarantaine d’entreprises avec de l’emploi réel et durable, et dans des secteurs très divers. Par exemple, une entreprise de traitement de déchets au Mali, une autre sur le créneau de la production de jus de fruits, également au Mali, une qui s’est lancée dans la fabrication de machines-outils au Sénégal, plusieurs entreprises plus technologiques dans d’autres pays, comme en Tunisie…

Forts de ces succès-là, l’idée est venue de passer à une échelle plus importante, d’ajouter le financement du démarrage de l’activité à l’accompagnement des entrepreneurs. Car l’une des leçons de MEETAfrica I est aussi que l’argent collecté auprès de la famille et des amis – le « love money » –, ne suffit pas toujours à démarrer une activité.

C’est pourquoi MEETAfrica II prévoit aussi le financement de la création de ces entreprises. Après quoi, le relais de financement pourra être pris soit par directement par Proparco, soit par les fonds d’investissement soutenus par Proparco et Bpifrance. Mais bien sûr, dans ce cas il s’agit de montants plus importants.

Avec MEETAfrica II, notre action se situe au démarrage de l’activité, avec l’objectif d’accompagner autour d’un millier d’entreprises en Afrique et d’en financer 170. Nous avons donc lancé l’appel à candidatures il y a très peu de temps, et malgré la trêve des fêtes de fin d’année, nous avons déjà reçu plus de 400 projets au moment où nous parlons. Cela va très vite, nous en avons un écho très positif.
Bien sûr, nous ferons une sélection. Mais nous orienterons tous les projets vers les dispositifs adéquats, même ceux que l’on n’aura pas retenu de financer nous-mêmes.

Votre avis sur cet autre grand défi posé aux pays africains, celui de l’économie informelle, et comment la faire migrer vers le secteur formel, par exemple comme essaie de le faire le Sénégal, avec le ministère de l’« entrepreneuriat rapide » ? Il s’agit en fait de faire transiter vers le formel des activités déjà existantes, en accordant des facilités, y compris évidemment financières. Avez-vous été sollicité pour ce type de mission ?

Jérémie Pellet – Oui, nous y travaillons notamment avec le gouvernement français, qui a pris un certain nombre de mesures pour accompagner les États africains dans l’élargissement de leurs propres ressources domestiques. Ce qui suppose de passer de l’informel au formel, en se gardant bien de la tentation d’une taxation dissuasive, alors même que les bénéfices du passage au secteur formel sont évidemment très importants.

Donc, il y a une vraie volonté d’accompagner ce mouvement, en effet au Sénégal, et ailleurs aussi. Ainsi nous œuvrons à un certain nombre de programmes qui visent exactement à cela.
Ce type d’action requiert en parallèle un dialogue politique, c’est évident, car il faut créer de l’adhésion et du consensus. Et je dirai que faire en sorte que ce dialogue politique s’installe sur ces sujets dits « techniques », cela relève aussi de notre rôle.

Toujours sur ce thème de la co-construction, j’ai noté que dans l’annonce de votre rencontre en ligne sur la coopération, que vous organisez mardi 9 février prochain, vous voulez mettre en lumière une « nouvelle dynamique, partenariale, résiliente »…

Jérémie Pellet – Oui, c’est cela, exactement. Nous sommes aujourd’hui dans un moment où la coopération technique peut se réinventer. Elle bénéficie déjà d’une nouvelle dynamique, avec l’inversion de la tendance de long terme en France.

Durant des décennies en effet, on a assisté à la réduction de la coopération technique, passant de plusieurs dizaines de milliers de coopérants à quelques centaines seulement.
Mais maintenant, pour la première fois depuis quarante ans, un gouvernement français décide de relancer la coopération technique, de se réengager sur le financement et l’envoi d’experts techniques dans les pays en développement.
C’est un changement fort de paradigme que notre événement veut mettre en lumière, comme il vise aussi à célébrer les premières années d’Expertise France, agence relativement jeune n’ayant que cinq ans dans son format actuel.

Cette relance de la coopération nous apparaît d’ailleurs bien marquée par la volonté d’un dialogue plus partenarial, plus ouvert, nord-sud mais aussi sud-sud. Enfin, si l’on compare au nombre d’événements sur le financement du développement, on constate que très peu sont dédiés à l’aspect technique de la coopération. Il nous a donc semblé pertinent d’organiser cette rencontre du 9 février prochain, à laquelle participeront de nombreuses personnalités dont la Prix Nobel Françoise Barré-Sinoussi.
Avec la diversité de votre expertise technique, et votre contact permanent avec les réalités du « terrain », vous vous trouvez totalement en phase avec cette nouvelle approche du « bottom up », c’est-à-dire le postulat que l’action doit s’inspirer de ce qui remonte de la base… L’écosystème des acteurs du développement vous semble-t-il partager cette approche ?

Jérémie Pellet – Oui, l’écosystème me paraît adhérer à cette approche… Expertise France joue bien sûr sa partition en ce sens et d’ailleurs, à l’occasion de notre évènement du 9 février, nous publions un ouvrage avec une perspective historique sur la coopération technique. C’est une de nos contributions à cette réflexion collective, et si je m’autorise à penser que l’écosystème prend en compte le potentiel de l’exemple par la pratique, c’est que l’on nous sollicite de plus en plus sur notre rôle d’appui à la société civile, aux collectivités locales, aux gouvernements des pays partenaires. Nous sommes appréciés pour être une maison de projets démonstratifs de terrain.

L’équipement de villages ruraux en panneaux solaires en Côte d’Ivoire est un exemple, parmi d’autres, démontrant que des solutions faciles à opérer existent. Cette approche valorisant l’exemple par la pratique me paraît effectivement porteuse d’un riche potentiel de valeur ajoutée.

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SUR LE MÊME SUJET

– Jérémie PELLET, DG Expertise France (1/3) : « Co-construire et conduire un programme de développement en Afrique, c’est notre responsabilité d’ensemblier » https://swll.to/ZooHGZu

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