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Jean-Marie BOCKEL à la conférence IDC, au Sénat français : « En Afrique, il ne peut y avoir de démocratie sans développement »

16 juin 2024
Jean-Marie BOCKEL à la conférence IDC, au Sénat français : « En Afrique, il ne peut y avoir de démocratie sans développement »
Jean-Marie BOCKEL, envoyé spécial du Président Macron en Afrique, devant la Conférence de l’Internationale démocrate centriste, vendredi 14 juin 2024 à Paris, au Palais du Luxembourg, siège du Sénat français. Photo © BF
L’Internationale démocrate centriste (IDC) tenait le 14 juin au Palais du Luxembourg (siège du Sénat), à Paris, sa IIIe Conférence internationale sur un thème d’une prégnante actualité, « La Démocratie en Afrique », avec la participation d’éminentes personnalités venues de plusieurs pays du continent. Focus sur quelques interventions majeures.

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par Bruno FANUCCHI pour AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse

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« L’Afrique a besoin de davantage de démocratie et de bonne gouvernance ». C’est en ces termes que le Premier ministre du Cap Vert, Ulisses CORREIA e SILVA, au pouvoir depuis 2016, a ouvert vendredi 14 juin au Sénat la troisième Rencontre de l’Internationale démocrate centriste (IDC), après les rendez-vous de Praïa et de Lisbonne, en sa qualité de Président Afrique de l’IDC. Un forum consacré à « La démocratie en Afrique », dont il a ainsi clairement fixé le cap pour générer dans la salle Médicis du Palais du Luxembourg des débats de haute tenue et des échanges passionnés.

Ulisses CORREIA e SILVA, Premier ministre du Cap Vert. Photo © BF.

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D’importantes délégations étaient venues de toute l’Afrique et particulièrement du Cap Vert, où s’était tenue la précédente Conférence en septembre dernier, mais aussi d’Angola, du Burkina Faso, du Congo, de Côte d’Ivoire, du Gabon, de Guinée Bissau, de Madagascar, de RDC, du Sénégal et même de Sao Tomé... Ils ont été accueillis à bras ouverts par Alberto RUIZ, coordinateur de l’IDC, et le sénateur Hervé MARSEILLE, Président du Groupe centriste au Sénat, rappelant que l’IDC – qui regroupe 120 partis sur quatre continents – est présente aujourd’hui dans trente-quatre pays d’Afrique.

Il est vrai que l’Afrique, qui a connu ces dernières années un certain nombre de putschs militaires comme de « coups d’État constitutionnels » qui ne disent pas leur nom, s’interroge désormais ouvertement sur les bienfaits et méfaits d’une « démocratie occidentale » de plus en plus battue en brèche, que certains pays ont voulu leur imposer au lendemain des indépendances.

Les anciennes puissances coloniales comme la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie ou le Portugal s’interrogent elles aussi sur les démarches les plus efficaces pour nouer de nouvelles relations avec leurs anciens« sujets »... à traiter désormais avec respect et sur un pied d’égalité comme de véritables partenaires économiques. Et la marge de manœuvre n’est pas si simple.

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« Je ne suis pas partisan de la repentance,
mais d’une certaine humilité »

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Ne pouvant résumer ici l’ensemble des interventions d’une journée si riche en panels, débats, échanges et rencontres, voici un focus sur quelques-unes d’entre elles qui nous ont semblé être majeures. À commencer par celle de Jean-Marie BOCKEL, Représentant personnel du Président Emmanuel Macron en Afrique.

Rappelant qu’il fut l’auteur en 2013 au Sénat d’un Rapport parlementaire intitulé « L’Afrique est notre avenir », l’ancien ministre de la Coopération de Nicolas Sarkozy et ancien sénateur pose d’emblée une question qui nous interpelle : « Sommes-nous aujourd’hui l’avenir de l’Afrique ? ».
Et de répondre : « Pas forcément, car cela se construit. Il y a là un défi et même des défis. Je crois que, pour bâtir un avenir commun, il faut d’abord être conscient que nous avons une histoire en partage, depuis parfois très longtemps, avec ses drames, ses tragédies, ses erreurs, ses fautes, mais aussi ses réussites partagées... Quellle que soit cette histoire, elle nous unit et nous devons puiser dans ce lien qui est souvent dans le non-dit, mais qui est – somme toute – extrêmement fort ».

Résumant l’état d’esprit dans lequel il vient d’accomplir la délicate mission que lui avait confiée en février dernier le Président Macron pour renouer avec quatre pays d’Afrique francophone (Sénégal, Côte d’Ivoire, Tchad et Gabon), où sont encore prépositionnées des troupes françaises et imaginer un dispositif allégé, l’ancien ministre se veut d’une totale franchise : « Je ne suis pas partisan de la repentance, mais je suis partisan d’une certaine humilité car il faut être capable régulièrement de se remettre en question – y compris dans notre relation avec l’Afrique – pour un pays comme la France afin de pouvoir ensuite repartir de l’avant ensemble ».

« On voit bien que les choses doivent évoluer, si on veut préserver et renforcer la relation avec les enjeux du monde qui vient, qui sont des enjeux de paix et de démocratie, mais il n’y a pas de démocratie sans développement, sans échanges, sans prospérité et, bien sûr, pas de développement sans la paix car tout se tient ».

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« Au Sahel, les menaces
sont là et elles sont fortes »

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Évoquant la situation au Sahel, M. Bockel – dont le plus jeune fils, officier, est mort au Mali le 25 novembre 2019 – se refuse « à parler d’échec, non par pudeur », mais en rappelant à tous que bien souvent « des soldats français et des soldats de pays africains ont été frères d’armes face à la menace terroriste djihadiste ». C’est pour cela, explique-t-il, que « je ne parlerai jamais d’échec, mais de retour d’expérience (Retex), comme le font les militaires ».

Si les soldats de l’opération Barkhane ont dû finalement quitter le Mali, comme ils sont ensuite partis précipitamment du Burkina Faso puis du Niger l’été dernier, avoue-t-il, « si on est parti comme cela, c’est que les choses n’ont pas fonctionné et ce n’est jamais la faute des uns et pas des autres. C’est quelque chose que nous avons à revoir ensemble ».

D’où la légitime question qui se pose pour rester à l’écoute de nos partenaires africains : « Comment pouvons-nous – à travers une moindre empreinte, une moindre présence militaire permanente – conforter les partenariats de sécurité à la fois bilatéraux et régionaux » et assumer notre destin commun ? L’envoyé spécial de Macron en Afrique invite par conséquent les autorités politiques – auxquelles il rendra bientôt compte de sa mission par un Rapport qu’il leur remettra à la fin juillet – à « tirer les leçons de notre expérience ».

« Peut-on bâtir ensemble un autre type de relations avec, si vous le souhaitez, une présence sur des points qui nous tiennent à cœur en termes d’accès, de renseignement, d’équipement, d’entraînement, de formation, etc ? », s’interroge-t-il. Avant d’enchaîner à l’adresse de nos partenaires africains : « Pour dire les choses plus politiquement », il nous faut participer au « renforcement de votre capacité de défense souveraine » car nécessité fait loi : « Les menaces sont là et elles sont fortes ».

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« Sortir nos pays de la pauvreté pour
construire une démocratie durable »

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Chef de l’opposition burkinabè en sa qualité de Président du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), Eddie KOMBOIGO met quant à lui l’accent sur l’impressionnant décalage qui persiste dans de nombreux pays d’Afrique entre démocratie et développement. « En Afrique de l’Ouest, observe-t-il, nous avons des indicateurs qui nous effraient. Nous sommes une démocratie qui est très fragile car la pauvreté et même la grande pauvreté touche une grande partie de nos populations alors que nos pays sont riches, riches de nos ressources humaines, riches des matières premières de nos sous-sols, riches de tout ce qu’ils sont capables de produire »

Et, avec réalisme, il fait d’emblée ce terrible constat : « Soixante ans après les indépendances, combien de jeunes ont aujourd’hui un emploi ? Comment peut-on construire une démocratie dans un pays où plus de 85 % de la population vit dans une extrême pauvreté ? Tant que nous n’aurons pas pu sortir nos populations de la pauvreté, on ne pourra pas construire en Afrique une démocratie durable ».

D’où son appel à « reconstruire les choses autour d’un développement économique solidaire » et à « réfléchir sur le rôle des Nations Unies, de la Banque mondiale et du FMI » pour nous poser une question simple : comment revenir sur ces plans de développement ? » qui sont sérieusement dépassés et décalés par rapport aux réalités quotidiennes que nous vivons...

Le premier panel de la conférence avec, de gauche à droite : Eddie KOMBOIGO, Abshir Aden FERRO, Jean-Marie BOCKEL et Emmanuel DUPUY.Phot o © BF.

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« En Somalie, c’est désormais :
One man, one vote ! »

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Président de l’Alliance du Futur qui constitue le fer de lance de l’opposition en Somalie, Abshir Aden FERRO rappelle quant à lui que son pays se veut « une puissance régionale » de la Corne de l’Afrique. Disposant de plus de 3 000 kms de côte maritime, se plaît-il à observer, la Somalie constitue à cet endroit stratégique de la planète « la deuxième voie maritime la plus importante et fréquentée du monde » avec plus de 2 milliards de dollars de trafics et d’échanges commerciaux par an.

Observant que les élections en Somalie se déroulaient il y a peu encore selon un système des plus archaïques où les politiciens du sérail participaient ni plus ni moins à « une véritable enchère en achetant les voix de leurs électeurs », il se réjouit d’avoir poussé le Président somalien Hassan Sheikh Mohamoud (réélu en mai 2022) à tenir une de ses promesses électorales et à faire adopter par le Parlement la sacro-sainte règle élémentaire de démocratie pour laquelle Abshir Aden FERRO se bat depuis si longtemps : « One man, one vote ! » – un homme, une voix !

« Cette nouvelle loi, qui va tout changer pour le prochain scrutin présidentiel de 2026, auquel je serai cette fois-ci candidat, est une véritable réussite pour nous », assure-t-il en renouvelant ses deux principaux engagements pris devant ses compatriotes : 1/ Ramener la sécurité dans le pays et tourner la page de la guerre civile « car le peuple en a marre des terroristes » ; 2/ Lutter contre la corruption endémique qui gangrène depuis trop longtemps le pays.

Ce sont ces deux priorités clairement exposées dans « Ma vie pour la Somalie » (Paru aux Éditions AfricaPresse, dans la collections Leaders d’Afrique), son livre programme auquel il ne cesse de se référer pour donner plus de poids et d’audience au courageux combat politique qu’il a entrepris depuis longtemps contre les Shebabs au risque de sa vie.

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REPLAY CMAAP 13 / Beau succès de la XIIIe Conférence des Ambassadeurs Africains de Paris, organisée à la Salle Colbert de l’Assemblée nationale

Une vue de la Salle Colbert de l’Assemblée nationale, où s’est tenue la XIIIe Conférence des Ambassadeurs Africains de Paris, le 30 mai 2024. © Steve Lorcy
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