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Jean-Louis Guigou, Président de l’IPEMED : « Pour s’affirmer dans un rôle de pays tremplin, la Tunisie doit attirer des partenaires européens mais aussi africains »

28 septembre 2019
Jean-Louis Guigou, Président de l'IPEMED : « Pour s'affirmer dans un rôle de pays tremplin, la Tunisie doit attirer des partenaires européens mais aussi africains »
Tandis que le Maroc et l’Égypte affirment au nord de l’Afrique leur vocation de passerelle et de « route » économique vers la profondeur du Continent, l’un côté ouest francophone et l’autre côté est anglophone, la Tunisie peut-elle encore trouver sa juste place de « troisième route » ? Plusieurs pistes d’action ont été esquissées lors d’une table ronde organisée à Paris autour de cette thématique.

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Un article de Lina Kortobi et Alfred Mignot, AfricaPresse.Paris (AP.P)
@LinaKortobi | @alfredmignot | @PresseAfrica

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Aujourd’hui, les routes vers les profondeurs de l’Afrique depuis le Maroc et l’Égypte, points stratégiques bien connus des industriels et commerciaux européens, sont déjà bien affirmées. « Il est clair qu’il y a dans le nord de l’Afrique deux hubs très puissants qui se constituent à destination du continent : le hub marocain francophone et le hub égyptien anglophone », constate Jean-Louis Guigou, président de l’Institut de Prospective économique du Monde méditerranéen (IPEMED). L’un est soutenu par de grandes entreprises performantes (Royal Air Maroc, Attijari Wafabank, l’Office chérifien des phosphates, etc.), l’autre par « la grande zone de libre-échange », reliant Alexandrie à l’Afrique du Sud.

Par ailleurs, détaille encore Jean-Louis Guigou, les projets d’aménagement du territoire dans la région ne sont pas en reste. Maroc et Algérie se jalousent l’accès au Continent par la création de centres portuaires et logistiques toujours plus ambitieux.
Les deux pays sont aussi très bien classés pour l’attractivité des IDE : l’Égypte en est le 1er récipiendaire d’Afrique, et le Maroc le 4e.
Face à cela, la Tunisie fait piètre figure, classée 15e en Afrique malgré une forte progression annuelle de 18 % en 2018. Alors, si « la concurrence est fructueuse », comme dit Jean-Louis Guigou, la Tunisie, peut-elle encore se faire une place entre le Maroc et l’Égypte ?

Agriculture, santé et TIC,
les atouts de la Tunisie

Si le contexte concurrentiel est fort, « la voie tunisienne vers l’Afrique n’est pourtant pas sans atouts, relève le président de l’IPEMED. Les secteurs industriels prospèrent déjà ailleurs, mais la Tunisie peut miser sur quelques filières prioritaires comme la santé, l’agriculture, et les nouvelles technologies. D’autant plus que dans ce dernier secteur, le pays dispose déjà de ressources humaines qualifiées », précise-t-il.

Autre intervenant de cette table ronde animée avec brio par Dominique Brunin, Directeur du développement et des Relations extérieures de la Chambre de Commerce franco-arabe (CCFA), Étienne Vauchez, président de l’OSCI (fédération des Opérateurs Spécialisés du Commerce International) et d’Export Entreprises, estime pour sa part que dans le domaine des TIC « le pays dispose de capacités de recrutement avantageuses, surtout chez les développeurs et les commerciaux. »

« Ces compétences peuvent en faire un hub technologique possible pour l’ensemble des entreprises européennes et africaines dans les années à venir », confirme Mounir Mouakhar, président de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) de Tunis.

Des échanges intra-maghrébins
trop faibles

Une piste de développement prometteuse donc, en cohérence avec l’« image moderne » que renvoie le pays auprès de ses partenaires européens, attirés par sa stabilité politique et des relations de voisinage peu conflictuelles.
« Depuis la paix entre Rome et Carthage (sic !), le canal de Sicile est le seul endroit au monde où l’on peut passer librement », rappelle en souriant Mondher Khanfir, président du cercle de réflexion « For a shared prosperity in Africa ».

Côté maghrébin également, « la neutralité politique qu’entretient la Tunisie avec ses voisins est positive pour développer des relations entre les différents pays du Maghreb » ajoute Mounir Mouakhar, qui tempère aussitôt : « Notre volume d’échanges intra-maghrébins reste très faible… ».

Une réalité en effet déplorée depuis des années par les économistes, qui estiment le coût du « non-Maghreb » à une perte globale de 2 % à 3 % des PIB des pays concernés, lesquels n’avancent pas dans la création de l’Union du Maghreb Arabe (UMA), pourtant annoncée depuis… 1989, mais dont le Conseil des chefs d’État ne s’est plus réuni depuis 1994, principalement à cause du différend entre l’Algérie et le Maroc sur la question du Sahara.

Plaidoyer pour une « co-production
partenariale” tripartite

Mais selon Jean-Louis Guigou, le « manque à gagner » des performances économiques de la Tunisie s’explique aussi en partie par la nature du tissu entrepreneurial du pays : « 15 000 entreprises offshore, générant 80 % des exportations du pays, sont sans contact avec une centaine de milliers de petites entreprises familiales tunisiennes. Elles pénalisent l’État qui ne perçoit pas d’impôt, et ne dynamisent pas le tissu des entreprises locales qui végètent ». Face à cela, le président de l’IPEMED plaide pour une approche viable à promouvoir : la « co-production partenariale d’entrepreneurs européens et tunisiens. »

Ainsi adossée à de forts partenariats européens – 80 % du commerce extérieur tunisien se fait déjà avec la France, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne – la Tunisie disposerait d’atouts supplémentaires pour « s’attirer des partenaires africains et s’affirmer dans un rôle pays tremplin » entre l’Europe, la Méditerranée et l’Afrique, thème cher à Jean-louis Guigou qui, outre l’Ipemed, a milité durant des années pour la création, désormais acquise, de la fondation de la Verticale Afrique-Méditerranée-Europe (AME).

Un retour au « concept ancien de caravansérail » ?

« Les partenariats tripartites entre investisseurs européens, tunisiens et subsahariens peuvent effectivement être une piste pour le pays », réagit Mondher Khanfir. Mais ceux-ci nécessitent une infrastructure indispensable à leur bon fonctionnement – des services financiers, de transport et logistiques prêts à les accueillir. »
Et le président du cercle de réflexion « For a shared prosperity in Africa » d’évoquer le « concept ancien de caravansérail » - préféré par lui à celui de hub pour illustrer son propos : une place de marché privilégiée, point d’arrêt protégé d’échange et de services. « Sauf qu’actuellement, dans notre monde globalisé, la nouvelle “place de marché” tunisienne ne peut se faire sans la construction de “corridors” permettant non plus seulement de se relayer sur des atouts locaux, mais aussi sur des atouts extérieurs à la Tunisie », considère Mondher Khanfir.

Ainsi, en conclusion de cette table ronde qui s’est déroulée mardi 24 septembre à l’Hôtel de l’Industrie à Paris, il est apparu clairement que si la Tunisie ne manque de possibilités, de nombreux atouts du pays restent à potentialiser pour qu’il devienne l’une des têtes de pont véritablement opérationnelles entre l’Europe et l’Afrique, une « troisième route » vers les profondeurs africaines.

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