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Jean-Louis GUIGOU (Ipemed) et Thierry PAIRAULT (Cnrs) : « Les cinq piliers du modèle chinois en Afrique… et comment l’Europe peut réagir »

20 janvier 2021
Jean-Louis GUIGOU (Ipemed) et Thierry PAIRAULT (Cnrs) : « Les cinq piliers du modèle chinois en Afrique… et comment l'Europe peut réagir »
Les Européens ont des ambitions économiques en Afrique, mais aussi politiques : « l’Afrique sera un partenaire essentiel pour bâtir le monde dans lequel nous voulons vivre. », affirme Ursula Von Der Leyen*. Soit. Mais la forte pénétration chinoise en Afrique impose à l’Europe de bâtir une offre attractive, apte à concurrencer les cinq piliers du modèle chinois.

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Une contribution de
Jean-Louis GUIGOU,
Fondateur de l’IPEMED,

et de
Thierry PAIRAULT,
Sinologue, Directeur de recherche émérite au CNRS

Le premier pilier, c’est le narratif. La Chine se présente comme un pays du tiers monde en développement, qui fut maltraité par les Occidentaux… comme les Africains ; qui n’a pas encore sa place dans le concert des nations dominées par les Occidentaux… comme les Africains ; qui pourtant nourrit l’espoir de devenir une grande puissance économique et politique face à l’Occident vieillissant… comme l’Afrique.

Ce narratif tiers-mondiste des années 1960-1970 fonctionne toujours. Le peuple africain et les élites continuent d’y adhérer. Les nouvelles « routes de la soie » viennent de l’enrichir et le moderniser. Ce narratif permet à la Chine de se faire des alliés pour se positionner à l’international, surtout face aux États-Unis.

Le second pilier, ce sont les financements chinois par des prêts. Peu d’investissements directs. Pas de subventions. Mais des prêts faciles à obtenir et volumineux. Ces prêts octroyés par deux grandes banques chinoises étatiques sont en grande majorité destinés à des projets (infrastructures, environnement, zones industrielles…) construits par des sociétés d’État chinoises qui vendent aux pays africains l’ingénierie, les équipements construits en Chine et exportés en Afrique, ou produits sur le Continent par des personnels chinois.

La Chine est ainsi, avec ses prêts, gagnante sur le plan économique (augmentation du PIB chinois, plus les remboursements) et sur le plan politique, au travers de clauses secrètes et des sources de corruption qui conduisent souvent à rendre les Africains captifs.
En cas de non-remboursement, les Chinois négocient par exemple l’octroi de concessions à long terme pour les mines. La dépendance financière des pays africains à l’égard de la Chine en fait des soutiens actifs dans les instances internationales.

Le troisième pilier, ce sont les infrastructures physiques très souvent surdimensionnées, construites toujours en un temps record mais en l’absence d’études préalables de rentabilité ou d’impact environnemental. Jusqu’à naguère, l’argent chinois coulait à flots, ce qui n’est plus tout à fait le cas actuellement. La ligne de chemin de fer « Addis Abeba – Djibouti », toujours citée en exemple, est de fait un quasi-fiasco.

Le résultat de ces investissements physiques démesurés conduit au surendettement des pays africains et à leur asservissement. De plus en plus de chefs d’État mettent en place des comités de suivi de ces investissements chinois pour contrôler le financement et l’utilité.

Le quatrième pilier, c’est la construction en Afrique par les Chinois des ZES (Zones Économiques Spéciales) qui ont fait les succès du développement de la Chine.

Ce sont des zones protégées où se concentrent les économies externes (accessibilité, transport, énergies, services aux entreprises, formation professionnelle, avantages financiers) et où, en Afrique, se concentrent les entreprises chinoises qui se délocalisent sur le continent. Il y en aurait une douzaine plus ou moins performantes, avec un succès notoire en Égypte.

Le cinquième pilier, c’est la communication. Elle est excellente. Les colloques et forums thématiques se multiplient. Les visites de chefs d’État sont magnifiées. Les inaugurations valorisées à l’extrême. Mais, ce n’est pas tout. Les Instituts Confucius, les séries télévisées chinoises doublées en langues locales, l’implantation de StarTimes (concurrent direct de Canal+ et autres distributeurs), se relayent pour une communication qui s’appuie de surcroît sur des infrastructures fournies et installées à 80 % par Huawei et ZTE.

Ce modèle chinois a très bien fonctionné pendant cinquante ans. Il s’essouffle. Les Africains endettés et captifs sont à la longue plus méfiants. La Chine ne fait pas de l’Afrique sa priorité. Face aux États-Unis, elle a d’autres centres d’intérêt.

Aussi, comme le montrent les chiffres ci-dessous, l’Europe reste le premier partenaire économique et commercial avec l’Afrique.

Il revient donc à l’Europe de faire une offre attractive aux Africains pour, ensemble, Européens et Africains, créer une Verticale de l’espérance qui serait une alternative, un contre-feu aux « routes de la soie ».

Cette vision du rôle de la Verticale Africa-Med-Europa est partagée par Fathallah Oualalou, ancien Ministre marocain des Finances :

« Il est de notre intérêt à nous, Marocains, Maghrébins, sud-Méditerranéens, Arabes et Africains, de soutenir toute action qui tourne le dos à la polarisation du monde et ce, pour consolider tous les projets d’intégration dans nos régions.
Il est opportun dans ce cadre de promouvoir le grand projet de la Verticale (Afrique, Méditerranée, Europe) parce qu’il accorde une place centrale à la Méditerranée, ce qui permettra à cet ensemble dans sa globalité d’entrer dans les rapports équilibrés avec l’espace Asie-Pacifique et l’espace Amérique-Atlantique-Pacifique – le concept de la Verticale a été mis en évidence par les travaux que mène l’Institut de prospective économique du monde méditerranée, (IPEMED). »

CQFD : Face aux « routes de la soie », dominées actuellement par les Chinois, la création d’une nouvelle alliance sous forme d’une grande Région Verticale Afrique-Méditerranée-Europe, (telle que préconisée par Jean-Claude Juncker), est la plus sûr moyen d’endiguer l’avancée des Chinois sans les affronter.

Mais, comme toutes les bonnes idées, un minimum d’institutions est nécessaire pour les incarner. Quatre instruments pourraient être cogérés avec les Africains et donner vie à la Région Verticale AME : une fondation, une institution financière intercontinentale, un traité de co-production, une instance politique et paritaire de concertation.

* Discours de la Présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen, le 16/09/2020.

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