Jean-Louis GUIGOU : « Pourquoi ne pas créer une Communauté euromed de l’Énergie, faisant de l’Algérie le nœud d’un réseau de gazoducs ? »
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Une contribution de Jean-Louis GUIGOU
Fondateur de l’IPEMED
(Institut de prospective économique du monde méditerranéen)
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Dans les négociations avec les Européens, l’Algérie pourrait en effet proposer d’aller plus loin que le troc de court terme, gaz contre blé. Surtout parce que l’Algérie détient deux atouts majeurs qu’elle pourrait valoriser à moyen terme : d’une part, elle peut devenir la « pile électrique » de l’Europe, et d’autre part, ouvrir en profondeur le continent africain aux productions européennes, grâce au projet de la route Transsaharienne qui reliera les ports méditerranéens au Sahel et à l’Afrique profonde pour déboucher au port de Lagos, au Nigeria.
Dès 2010, IPEMED est arrivé à la conclusion que la France et l’Algérie sont à la Méditerranée ce que la France et l’Allemagne sont à l’Europe. On ne peut rien faire en Méditerranée sans le retour de la confiance entre la France et l’Algérie.
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L’exemple historique de la CECA
L’exemple historique de la CECA
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De leur côté, Allemands et Français ont eu l’intelligence et le courage, pour surmonter le passé douloureux des deux guerres mondiales, de se lier par l’énergie et ont créé, en 1952, la Communauté Économique du Charbon et de l’Acier. Ils ont invité les autres pays européens à les rejoindre. Ce fut un succès ; l’énergie est un domaine capable de déclencher une intégration régionale de grande ampleur et dans la durée. C’est ainsi qu’en 1957 fut créée la Communauté Économique Européenne.
Pour dépasser les traumatismes de l’histoire entre l’Algérie et la France, il ne peut y avoir qu’un projet historique grandiose. Pourquoi ne pas imaginer mettre en place cette Communauté Euro-Méditerranéenne de l’énergie ? D’autant plus que cette idée a déjà été évoquée dans une communication conjointe de la Commission européenne avec la Haute représentante de l’Union pour les Affaires Étrangères et la politique de sécurité, le 8 mars 2011, parlant d’une « Communauté de l’Energie entre l’Union européenne et le sud de la Méditerranée qui s’adresserait d’abord aux pays du Maghreb et pourrait progressivement se répandre aux pays du Machrek »
En 2022, si l’Europe le proposait, pourquoi ne pas créer une Communauté Méditerranéenne de l’Énergie faisant de l’Algérie, avec son riche potentiel d’énergies fossiles et renouvelables, et surtout compte tenu de sa position géographique, le nœud d’un réseau de gazoducs entre l’Égypte, le Nigeria, le Sénégal et la Mauritanie et l’Europe à travers l’Italie et l’Espagne ?
En une dizaine d’années, ce réseau de gazoducs et d’électrification, venant de la Méditerranée et de l’Afrique pourrait compenser, pour les Européens, définitivement le recours au gaz et au pétrole russes. En échange, l’Europe devrait s’engager à livrer préférentiellement aux pays du Nord de l’Afrique, de l’Égypte au Maroc, les céréales et les oléagineux dont ils ont besoin, tout en leur apportant un soutien approfondi pour reconstruire leur potentiel de production céréalière.
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La route transsaharienne, pour
traverser l’Afrique en six jours
La route transsaharienne, pour
traverser l’Afrique en six jours
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Ce serait d’autant plus pertinent qu’en matière de logistique et de transport, l’Algérie travaille discrètement depuis des années avec cinq autres pays africains à l’un des plus grands projets d’aménagement du territoire au monde : un corridor, une véritable dorsale associant autoroutes, gazoducs, internet et chemins de fer, reliant les ports méditerranéens (Algérie-Tunisie) au port de Lagos. Le projet routier totalise quelque 10 000 km débouchant sur un port en eaux profondes, à Cherchell.
Traverser l’Afrique en six jours, alors que pour rejoindre Alger à Lagos il faut trois semaines de bateau, cela constituera une économie considérable, une impulsion majeure pour relier ces pays, et l’Afrique à l’Europe.
Cette vision cohérente du développement économique matérialisé par un ensemble d’infrastructures complémentaires est appelée à devenir un véritable axe stratégique vertical nord-sud mais aussi sud-nord entre l’Europe et l’Afrique, un axe de développement permettant d’unir définitivement l’Afrique du Nord à l’Afrique sub-saharienne, de créer des emplois pour la jeunesse du Sahel en créant des Zones Économiques Spéciales (ZES) et en accélérant l’intégration régionale de l’Afrique de l’Ouest.
Ainsi, l’Algérie et la France, en initiant un triple accord sur l’énergie, les productions agricoles et la valorisation de la Transsaharienne pourraient, comme l’ont fait les Allemands et les Français avec la CECA, mettre en œuvre un projet mobilisateur pour les autres pays européens et sud-méditerranéens, capable de réduire les tensions de l’Histoire en offrant des perspectives de développement sur le long terme, et valorisant la proximité, la complémentarité et la solidarité face aux enjeux qui nous menacent tous.
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