Jean-Louis GUIGOU (Ipemed) : « L’économie de demain sera dominée par les alliances “verticales” Nord-Sud »
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Une contribution de Jean-Louis GUIGOU
Fondateur de l’IPEMED (Institut de prospective économique
du monde méditerranéen),
Ancien haut fonctionnaire et professeur d’université
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La concurrence entre les trois grandes plateformes mondiales de production (États-Unis, Chine, Union européenne) – bien analysée par le Centre d’études prospectives et d’informations
internationales déjà en 2018 – va être de plus en plus féroce avec l’approche brutale des échanges internationaux par Donald Trump.
L’enjeu est la domination technologique et manufacturière de
l’économie mondiale, en attendant sa réforme plus équitable et durable pour les pays du Sud global qui, à leur tour, veulent s’industrialiser.
Pour cela, chacune des trois plateformes se lance dans des conquêtes territoriales pour bénéficier d’un espace de production optimal, riche en matières premières et en énergie, capable d’être autosuffisant, résilient et sécurisé. Le territoire national ne suffit plus. De grandes régions Nord-Sud
se constituent, des « verticales » associant des pays industrialisés et d’autres qui le sont moins,
susceptibles d’être autosuffisantes en matière économique, démographique et agricole.
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La Chine
en précurseur
La Chine a depuis longtemps anticipé cette régionalisation de la production mondiale en créant le premier espace intégré, allant du Japon à l’Australie et agrégeant les économies de la Chine, de la Corée du Sud et des pays de l’Association des pays du Sud-Est asiatique.
Cela représente 3 milliards de personnes et 30 % du produit intérieur brut mondial. Un traité de libre-échange, le Regional Comprehensive Economic Partnership (« partenariat économique régional global ») est entré en vigueur le 1er janvier 2022.
Dans cet espace, la Chine a redistribué son appareil de production fondé sur la théorie de Kaname Akamatsu, qui préconise de ne plus déplacer les populations du Sud vers le capital du Nord, mais plutôt de faire migrer le capital du Nord vers les populations du Sud, ce qui a abouti à la création
des « Tigres » et des « Dragons » asiatiques.
Ce Nord et ce Sud sont voisins, amis et en confiance sur le plan économique. C’est ainsi que le président chinois, Xi Jinping, pour faire face à l’agression commerciale de Trump, a rendu visite, en priorité au Vietnam, au Cambodge et à la Malaisie (en
avril dernier). Face à cette menace régionale chinoise, Trump réagit brutalement en voulant, lui aussi, créer « sa » région de production autosuffisante et coopérer avec les pays voisins.
Il avait déjà transformé en 2018 la poussive Association de libre-échange d’Amérique du Nord en une dynamique alliance
Canada/États-Unis-Mexique ; elle a réussi aux trois pays, notamment pour la production de voitures.
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« Les Amériques
aux Américains »
Aujourd’hui Trump va plus loin : il ne négocie plus, il annonce avec brutalité qu’il veut annexer le Groenland, faire du Canada le 51e État des États-Unis, intégrer encore plus le Mexique, récupérer le canal du Panama et s’assurer la bienveillance des sept chefs d’État d’Amérique centrale pour contrôler l’immigration vers les États-Unis. Il souhaite – comme la Chine – constituer une plateforme de production régionale Nord-Sud dominée par les intérêts américains, autosuffisante, résiliente et sécurisée.
Dans ce contexte, il ne faudra pas être surpris si, dans quelques mois, Donald Trump électrise l’opinion internationale et celle des Sud-Américains en proclamant faire revivre la doctrine de Monroe (1823) (« L’Amérique aux Américains ») et s’il reprend avec brutalité le projet lancé par Bill Clinton à la fin de 1994, de zone de libre-échange des Amériques, approuvé, en 2001, par le secrétaire d’Etat Colin Powell avec ces mots : « Le projet de zone de libre-échange des Amériques vise à garantir aux entreprises américaines le contrôle d’un territoire allant de l’Arctique à l’Antarctique, et donner libre accès sans obstacle à nos productions. »
Devant l’opposition résolue des pays d’Amérique du Sud, Barack Obama a dû abandonner en 2009 ce projet non-négocié. L’histoire risque de se répéter avec Donald Trump. Mais le plan de régionalisation des trois Amériques se fera un jour parce que l’autosuffisance, la sécurité, la réduction des coûts de transport et les migrations imposent que les trois sous-continents se trouvent dans une même région économique verticale Nord-Sud.
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Une alliance révolutionnaire
Europe-Méditerranée-Afrique
Face à ces deux premières plateformes mondiales de production – l’Asie Pacifique déjà bien rodée et
acceptée et celle des trois Amériques inachevée –, difficile mais toujours en progrès, l’Europe a une opportunité historique : se tourner vers l’Afrique et les pays méditerranéens et proposer à ces États une alliance révolutionnaire, équitable et durable, contribuant à leur industrialisation à partir de la
transformation sur place de leurs matières premières.
Ce serait l’occasion d’en finir avec l’économie de rente, source de corruption et de prédation. Mais aussi, de bâtir une alliance originale, par rapport aux deux autres systèmes impérialistes,
régionalistes en négociant plutôt qu’en imposant, en respectant les États de droit et les valeurs universelles que nous avons en commun.
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Cette tribune a été publiée une première fois par le quotidien Le Monde du dimanche 4 et lundi 5 mai 2025. Elle est reproduite ici avec l’aimable autorisation de l’auteur.
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21 mai 2025 / XVIIIe Conférence des Ambassadeurs Africains de Paris : « Quels sont les avantages de l’OHADA pour les 17 pays adhérents d’Afrique ? » Inscriptions ouvertes
Avec la participation au panel de :
> S.E.M. Ahmad MAKAILA, Ambassadeur du TCHAD
> S.E.M. Isaie KUBWAYO, Ambassadeur du BURUNDI
> M. Mohamed TOUKABRI, Conseiller politique, Ambassade de TUNISIE
> Maître Babacar NDIAYE, Avocat, Directeur général de la Société nationale de Recouvrement du SÉNÉGAL
>Maître Régine DOOH-COLLINS, Présidente de la Chambre nationale
des Notaires du CAMEROUN, Secrétaire générale de l’Association du Notariat Francophone (ANF)
> Mme Juliette ESNAU, Diplomate, Chargée de l’OHADA au MEAE
> Maître Charles-Stéphane MARCHIANI, Avocat au Barreau de Paris, (Réseau KIMIA avocats), Secrétaire général des Rendez-Vous d’Afrique(s)
> M. Alfred MIGNOT, Producteur des CAAP, Directeur fondateur de AfricaPresse.Paris
* L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) est une organisation intergouvernementale créée le 17 octobre 1993 à Port-Louis (Île Maurice) par le Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique. Elle regroupe aujourd’hui 17 États membres, principalement d’Afrique francophone, et vise à harmoniser le droit des affaires pour garantir la sécurité juridique et judiciaire, stimuler les investissements et favoriser le développement économique en Afrique
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>>> Candidats panélistes experts et entreprises sponsors souhaitant participer, faites-vous connaître auprès de : contact@africapresse.paris
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