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Jawad Kerdoudi, président de l’IMRI : « La politique étrangère du président Macron est dynamique et multidimensionnelle »

29 mai 2018
Jawad Kerdoudi, président de l'IMRI : « La politique étrangère du président Macron est dynamique et multidimensionnelle »
Alors qu’Emmanuel Macron a reçu mardi 29 mai les chefs politiques libyens à l’Élysée, et obtenu leur accord sur l’organisation d’élections d’ci à la fin 2018, Jawad Kerdoud analyse l’action diplomatique du président de la République française. Pour lui, c’est clair : en une seule année, il a réussi à remettre la France au centre de la politique internationale, défendant le multilatéralisme et la lutte contre le changement climatique, établissant de bonnes relations avec les États-Unis et la Russie sans cacher ses divergences, etc. Bref, la France peut jouer un rôle d’équilibre dans un monde en pleine dérive.


Une Tribune libre de Jawad Kerdoudi, président de l’IMRI
(Institut Marocain des Relations Internationales)

La visite du président Macron à Saint-Pétersbourg les 24 et 25 mai 2018 nous donne l’occasion d’analyser la politique étrangère actuelle de la France. Cette politique a été définie par le président Macron lors de la Conférence des ambassadeurs à Paris le 29 août 2017, et repose sur trois principes : la sécurité des Français, l’indépendance et l’influence de la France dans le monde. Elle consiste à ramener le pays au centre du jeu diplomatique international avec une approche pragmatique et réaliste. Le président Macron « veut parler à tout le monde » tout en préservant l’indépendance militaire et diplomatique de la France. Pour cela, il a développé lors de ses nombreux voyages à l’étranger (48 en une année) des relations personnelles avec les chefs d’État. Il se veut le défenseur des valeurs démocratiques et des minorités, avec une orientation européenne tout en diversifiant les relations internationales de la France.

Assumer le leadership

Pour atteindre ces objectifs de politique étrangère, il faut une France forte économiquement et militairement. C’est pour cela, que le président français s’est lancé dans des réformes structurelles ambitieuses, et qu’il a décidé de porter le budget de défense à 2 % du PIB en 2025. Le souci sécuritaire place au premier plan la lutte contre le terrorisme, d’où l’implication de la France dans la lutte contre Daech en Irak et en Syrie, et l’organisation d’une conférence internationale à Paris contre le financement du terrorisme. Ce même souci sécuritaire a amené le Parlement français à adopter récemment une législation plus restrictive en matière d’immigration. Sous l’impulsion de son président, la France veut assumer le leadership concernant le changement climatique, d’où l’organisation de « One Planet Summit » en décembre 2017 à Paris, et la continuation de l’Accord de Paris malgré le retrait des États-Unis.

Divergences avec les États-Unis et la Russie

Le souci d’indépendance de la politique étrangère de la France s’est manifesté dans ses rapports avec les États-Unis et la Russie. Avec Donald Trump, Emmanuel Macron a marqué sa désapprobation du retrait des États-Unis à la fois de l’Accord de Paris sur le climat et de l’Accord sur le nucléaire iranien. Il a déclaré à plusieurs reprises son attachement au multilatéralisme et au libre-échange dans le commerce international, contrairement aux positions du président américain. Alors que la Russie avait pris parti contre Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle française, Vladimir Poutine a été reçu au château de Versailles le 29 avril 2017. Une seconde rencontre a eu lieu les 24 et 25 mai 2018 à Saint-Pétersbourg. Des divergences sont apparues concernant l’Accord sur le nucléaire iranien que la Russie veut préserver tel quel, alors que la France souhaite l’élargir à un texte plus global. Une autre divergence a concerné la levée des sanctions suite à l’annexion de l’Ukraine par la Russie. Emmanuel Macron a conditionné toute levée de sanctions par des avancées sur cette question de la part de la Russie.

Difficile renforcement de l’Union européenne

Pendant sa campagne électorale, Emmanuel Macron s’était franchement prononcé pour le renforcement de l’Union européenne. Une fois élu à la présidence, il a rencontré à plusieurs reprises Angela Merkel pour dynamiser le couple franco-allemand qui est primordial pour l’Union. Le président français souhaite une Europe plus intégrée, dépositaire de la souveraineté des Etats membres, et qui les protège. Pour la zone euro, il propose un ministre des Finances et un budget communs aux 19 États de la zone. Cependant, le contexte actuel et l’affaiblissement de la chancelière allemande lors des élections de septembre 2017 rendent difficile pour le moment tout renforcement de l’Union européenne.

L’Afrique, « Continent d’avenir »

Pour ce qui est de l’Afrique, le président Macron a insisté lors de la Conférence des ambassadeurs du 29 août 2017 sur les relations de la France avec l’Afrique, la qualifiant de « Continent d’avenir ». Dans son discours du 27 novembre 2017 à Ouagadougou, au Burkina Faso, il a annoncé la rupture avec l’ancienne politique de la « France Afrique » et l’établissement d’un « Conseil présidentiel pour l’Afrique » issu de la société civile. Il a annoncé également une réforme de l’aide au développement avec trois priorités : sécurité humaine, justice, éducation, et recours aux ONG. Il a marqué son attachement aux relations de la France avec le Maghreb, avec une nouvelle approche continentale sans séparer la Zone saharienne de l’Afrique méditerranéenne. Les relations maroco-françaises sont au beau fixe, avec plusieurs rencontres entre les deux chefs d’État, et l’appui constant de la France à la question du Sahara notamment au niveau du Conseil de sécurité de l’ONU. Le président Macron veut également diversifier les partenariats avec l’Asie et le Moyen Orient et a entrepris dans ce sens plusieurs visites en Chine, Inde, et les pays arabes du Golfe.

Leader de l’Europe

En conclusion, il faut reconnaître qu’Emmanuel Macron au bout d’une seule année a réussi à remettre la France au centre de la politique internationale. Il a profité du Brexit et de l’affaiblissement de la chancelière allemande pour apparaître comme le leader de l’Europe. Il défend le multilatéralisme, le libre-échange et la lutte contre le changement climatique, en s’opposant à la montée du nationalisme et du populisme un peu partout dans le monde et surtout aux États-Unis. Il a réussi à établir de bonnes relations avec les États-Unis et la Russie tout en marquant à chaque fois ses divergences avec ces deux grandes puissances. Certes la France est une puissance moyenne, mais elle peut jouer un rôle d’équilibre dans un monde en pleine dérive.

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