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Ilyes ZOUARI, Président du CERMF : « En 2022, l’Afrique subsaharienne francophone demeure le moteur de la croissance africaine »

8 mars 2022
Ilyes ZOUARI, Président du CERMF : « En 2022, l'Afrique subsaharienne francophone demeure le moteur de la croissance africaine »
Pour la huitième année consécutive, l’Afrique subsaharienne francophone a globalement réalisé les meilleures performances économiques du Continent ! Une réalité invalidant les assertions péremptoires du type « l’herbe est plus verte et pousse plus vite dans le meilleur des mondes de l’Afrique anglophone »…

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Une contribution d’Ilyes ZOUARI
Président du CERMF

Centre d’étude et de réflexion sur le Monde francophone

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Selon les données fournies par la Banque mondiale dans son rapport « Perspectives économiques mondiales », publié en janvier dernier, l’Afrique subsaharienne francophone a réalisé les meilleures performances du continent pour la huitième année consécutive et la neuvième fois en dix ans. Et ce, tout en étant la partie du continent ayant le mieux résisté à la grave crise internationale observée en 2020.

Cet ensemble de 22 pays a ainsi enregistré une croissance globale de 3,9 %, tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne enregistrait un taux de 3,1 % (et 3,8 % pour la région Afrique du Nord, hors Libye).
Du côté de la dette publique, et selon les dernières données du FMI, l’Afrique subsaharienne francophone continue à maîtriser son niveau d’endettement, et demeure la partie la moins endettée du continent, notamment avec un écart de 12,9 points de pourcentage avec le reste de l’Afrique subsaharienne.

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Une croissance globale de 3,9 %

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L’activité économique en Afrique subsaharienne francophone a donc connu un important rebond par rapport à 2020, année particulièrement marquée par la pandémie et au terme de laquelle elle s’était globalement contractée de 0,6 %.

Cette même année, la baisse du PIB avait été de 3,0 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Il est ainsi à noter que la contraction de l’activité dans ces deux ensembles a donc été moins forte qu’annoncé au début de 2021, et particulièrement en Afrique francophone subsaharienne où la baisse du PIB avait été initialement estimée à 2,1 % par la Banque mondiale (et à 4,3 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne).

En zone CFA, qui regroupe 13 des 22 pays francophones (dont la Guinée équatoriale, ancienne colonie espagnole et partiellement francophone), ainsi que la Guinée Bissau (lusophone et ancienne colonie portugaise), et qui rassemble 54 % de la population de l’Afrique francophone subsaharienne (et 43 % de celle de l’Afrique francophone), la croissance est passée de 0,1 % en 2020 à 4,1 % en 2021.

Dans cette zone, l’espace UEMOA continue à se distinguer avec une évolution globale de 5,6 % en 2021, confirmant ainsi son statut de plus vaste espace de forte croissance du Continent, alors même qu’il n’en est pas la partie la plus pauvre. Pour sa part, l’espace CEMAC a de nouveau fait baisser la moyenne globale de la croissance économique de la zone CFA, suite aux résultats affichés par deux des trois pays les plus dépendants des hydrocarbures.

En Afrique subsaharienne non francophone, la Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Angola et l’Éthiopie, quatre des principales économies de la zone, ont connu d’importantes difficultés en 2021. Les trois premiers pays continuent à souffrir des graves problèmes structurels auxquels ils doivent faire face depuis plusieurs années, avec notamment le déclin progressif de leur très importante production pétrolière (pour le Nigeria et l’Angola, respectivement premier et deuxième producteur d’hydrocarbures d’Afrique subsaharienne), ou minière (cas de l’Afrique du Sud, avec la baisse de la production d’or, dont le pays est désormais le second producteur du continent, après le Ghana).

Ainsi, le rebond observé en Angola et en Afrique du Sud n’a guère permis de combler l’importante baisse du PIB enregistrée un an plus tôt, tandis que le rebond observé au Nigeria ne permit au pays que d’atteindre un taux de croissance annuel de 0,3 % sur les deux années 2020 et 2021. Quant à l’Éthiopie, la croissance n’a été que de 2,4 % dans ce pays affecté par une guerre civile ayant déjà fait quelques dizaines de milliers de morts en seulement 15 mois.

Pour le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola, ce manque de dynamisme semble durablement installé selon les prévisions de la Banque mondiale, qui continue de tabler sur de faibles croissances au cours des quelques années à venir, au moins.

Ces trois pays sont donc en voie d’appauvrissement, puisqu’ils affichent désormais constamment des taux de croissance inférieurs à leur croissance démographique (contrairement aux pays francophones qui leur sont proches). À titre d’exemple, au Nigeria, qui enregistre les taux de croissance économique les plus élevés de ces trois pays, la hausse du PIB n’a été que de 0,9 % en moyenne annuelle sur les sept dernières années (2015-2021), contre une croissance démographique annuelle de 2,5 % en moyenne sur la même période.

Par ailleurs, le Nigeria et l’Angola ont connu une importante dépréciation de leur monnaie, dont la valeur a baissé de plus de 60 % et 80 %, respectivement, par rapport au dollar depuis 2014. Avec à la clé une forte inflation et le maintien d’une forte dollarisation de leur économie (utilisation du dollar pour une partie importante des transactions, par refus de la monnaie locale considérée comme risquée).

Sur la décennie 2012-2021, la croissance annuelle de l’Afrique subsaharienne francophone s’est donc établie à 3,6 % en moyenne (et à 4,1 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale). Ce taux a été de 2,2 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne.

Quant aux quatre premières économies de l’Afrique subsaharienne francophone, à savoir la Côte d’Ivoire, la RDC, le Cameroun et le Sénégal, celles-ci ont respectivement enregistré une croissance annuelle de 7,1 %, 5,3 %, 4,1 % et 4,9 % en moyenne.
De leur côté, les quatre premières économies du reste de l’Afrique subsaharienne, à savoir le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Éthiopie et le Kenya, ont respectivement connu une progression annuelle de 2,3 %, 0,9 %, 8,3 % et 4,2 %.
Quant à l’Angola, qui faisait partie des quatre premières économies avant d’être remplacée par l’Éthiopie en 2019, et de rétrograder ensuite à la septième place, celle-ci a enregistré une croissance annuelle de 0,8 % sur cette même décennie.

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En Afrique de l’Ouest : l’espace UEMOA
zone la plus dynamique du continent

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Après être parvenue à réaliser une croissance globalement positive en 2020 (1,8 %), l’Afrique de l’Ouest francophone a affiché une croissance de 5,4 % en 2021. Pour sa part, la zone UEMOA, qui en recouvre la majeure partie (et qui est composée de huit pays, dont la lusophone, mais très francophonophile, Guinée-Bissau) a vu son PIB augmenter de 5,6 % (après une évolution positive de 1,7 % en 2020).

Avec une croissance annuelle de 5,7 % en moyenne sur la décennie 2012-2021, l’espace UEMOA conforte ainsi son statut de plus vaste zone de forte croissance du continent, en dépit des problèmes sécuritaires connus par certains des pays membres, mais n’affectant surtout que des zones semi-arides et très faiblement peuplées. Hors UEMOA, la Guinée et la Mauritanie ont respectivement affiché un taux de croissance de 5,2 % et 2,7 %.

Il convient de souligner que le statut de zone la plus dynamique du continent constitue une très bonne performance pour l’UEMOA, vu que la région la plus pauvre du continent, et qui devrait donc connaître la croissance la plus élevée, est l’Afrique de l’Est.

Ainsi, à titre d’exemple, et hors Djibouti, seul un pays d’Afrique de l’Est continentale affichait début 2021 un PIB par habitant dépassant clairement la barre des 1 000 dollars, à savoir le Kenya (1 879 dollars, suivi loin derrière par la Tanzanie, 1 076 dollars, selon les dernières données disponibles auprès de la Banque mondiale).

À la même date, trois pays francophones de l’espace UEMOA dépassaient clairement ce seuil symbolique, en l’occurrence la Côte d’Ivoire (2 326 dollars), le Sénégal (1 472) et le Bénin (1 291). Et même quatre pays pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest francophone, en tenant compte de la Mauritanie, aux importantes richesses minières (et auxquels s’ajoutent, pour toute l’Afrique de l’Ouest continentale, le Nigeria pétrolier et le Ghana, important producteur de pétrole et premier producteur africain d’or).

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L’Afrique de l’Est, partie
la plus meurtrière du Continent

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Par ailleurs, l’Afrique de l’Est abrite les six pays les plus pauvres du continent, à savoir le Soudan du Sud, le Soudan, la Somalie, le Mozambique, le Burundi et Madagascar (soit trois pays anglophones, un lusophone et deux francophones, ayant tous un PIB par habitant inférieur à 500 dollars, au début de 2021).

Enfin, l’Afrique de l’Est est également la partie la plus instable du continent, puisque l’on y trouve notamment deux des trois pays ayant connu les conflits les plus meurtriers de la dernière décennie, proportionnellement à leur population (le Soudan du Sud et la Somalie).

Des conflits auxquels s’ajoutent un certain nombre de problèmes sécuritaires (terrorisme islamique dans le nord du Mozambique, en Ouganda…), et de tensions interethniques, comme en Éthiopie où elles avaient déjà provoqué la mort de nombreuses personnes avant même le début de la guerre civile, fin 2020 (ce qui en fait l’un des pays africains souffrant des plus fortes tensions sociales, avec, en particulier, l’Afrique du Sud et ses plus de 15 000 homicides par an).

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L’envol de la Côte d’Ivoire

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Par ailleurs, et grâce à une croissance de 7,1 % en moyenne sur la décennie 2012-2021, soit la deuxième plus forte progression au monde de ces huit années (et la plus forte pour la catégorie des pays ayant un PIB par habitant supérieur à 1 000 dollars début 2012), la Côte d’Ivoire est récemment devenue le premier - et encore le seul - pays africain disposant d’une production globalement assez modeste en matières premières non renouvelables, à dépasser en richesse un pays d’Amérique hispanique, à savoir le Nicaragua dont le PIB par habitant atteignait 1 905 dollars début 2021 (hors très petits pays africains de moins de 1,5 million d’habitants, majoritairement insulaires et ne pouvant être pris en compte pour de pertinentes comparaisons).

La Côte d’Ivoire est d’ailleurs sur le point de devancer également le Honduras, dont le PIB par habitant s’établissait à 2 389 dollars début 2021. Ce dynamisme a également permis au pays de dépasser le Kenya, et de réussir ensuite l’exploit de devancer le Ghana et le Nigeria (2 205 et 2 097 dollars, respectivement), pays voisins regorgeant de richesses naturelles, avec des niveaux de production considérablement supérieures à ceux de la Côte d’Ivoire (à titre d’exemple, la production pétrolière du Nigeria est environ cinquante fois supérieure).

Ce dernier devrait d’ailleurs être assez bientôt dépassé par le Sénégal, qui réalise régulièrement des taux de croissance deux fois plus élevés (et au PIB par habitant de 1 472 dollars, loin de pays comme l’Éthiopie ou le Rwanda, où il s’établit à 936 et 798 dollars, respectivement).

Quant au Niger, ce pays enclavé n’est désormais plus le pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest, ayant récemment dépassé la Sierra Leone (568 dollars par habitant début 2021, contre 509 dollars). De plus, le pays devrait très rapidement dépasser le Liberia, autre pays anglophone côtier (633 dollars).

Le Niger est d’ailleurs sur le point de quitter la liste des dix pays les plus pauvres du continent, et dépasserait désormais non moins de 15 pays africains en matière de développement humain, selon le classement de la fondation Mo Ibrahim (plus fiable sur ce point que l’ONU qui place systématiquement - et étrangement - le Niger, au taux de fécondité le plus élevé au monde, à la dernière position du classement, derrière un pays comme le Soudan du Sud qui est pourtant réputé être le moins développé du continent - avec la Somalie, non classée…). Il est d’ailleurs à noter que le taux de fécondité en Sierra Leone et au Liberia est environ 40 % inférieur à celui du Niger (4,2 enfants par femme, contre 7,1).

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L’effet des réformes économiques
et d’une meilleure gouvernance

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Les bonnes performances de l’Afrique de l’Ouest francophone s’expliquent principalement par les nombreuses réformes entreprises par les pays de la région, aussi bien sur le plan économique qu’en matière de bonne gouvernance.

Des plans de diversification ont ainsi été mis en place, comme le « Plan Sénégal émergent » (PSE), ou encore la « Stratégie de croissance accélérée et de développement durable » (SCADD) au Burkina Faso, dont la croissance a été de 5,3 % en moyenne annuelle sur la décennie 2012-2021.

Pour ce qui du climat des affaires, certains pays ont réalisé un bond considérable entre les classements 2012 et 2020 de la Banque mondiale, et notamment le Togo (passé de la 162e à la 97e place de la dernière version du rapport), la Côte d’Ivoire (de la 167e place à la 110e place), le Sénégal (de la 154e à la 123e) ou encore le Niger (passé de la 173e à la 132e place, talonnant ainsi le Nigeria, 131e). Pays francophone le moins bien classé d’Afrique de l’Ouest, la Guinée est toutefois passée de la 179e à la 156e place sur la même période.

À titre de comparaison, il convient de savoir, par exemple, que la Nigeria, l’Éthiopie et l’Angola, respectivement première, troisième et huitième économie d’Afrique subsaharienne selon la Banque mondiale (du fait de leur très importante production pétrolière et/ou population), se classent à la 131e, 159e et 177e place, respectivement.

Par ailleurs, il est à noter que plus aucun pays francophone ne figure aux six dernières places de ce classement international, désormais majoritairement occupées par des pays anglophones.

Dans un autre registre, et mis à part l’année 2020, particulièrement marquée par la pandémie, il est utile de souligner que la croissance économique de l’Afrique de l’Ouest francophone est globalement et régulièrement deux fois supérieure à sa croissance démographique, contredisant ainsi certaines théories assez médiatisées.

Grâce au cadre plus favorable instauré par les différentes réformes en matière d’économie et de bonne gouvernance, cet essor démographique contribue donc à son tour au dynamisme économique, en permettant notamment au marché intérieur de ces pays d’atteindre une masse critique nécessaire au développement de nombreuses activités.

Il convient d’ailleurs de rappeler que la plupart des pays francophones de la région demeurent encore assez faiblement peuplés.
À titre d’exemple, la Guinée et le Burkina Faso, légèrement plus étendus que le Royaume-Uni (et non deux à trois fois plus petits comme l’indique la majorité, bien trompeuse, des cartes en circulation dans les médias et établissements publics ou privés), ne comptent respectivement que 13 et 21 millions d’habitants, contre 67 millions pour le Royaume-Uni. Quant à la Côte d’Ivoire, un tiers plus étendue mais ne comptant que 27 millions d’habitants, elle abriterait aujourd’hui une population de 89 millions d’habitants si elle était proportionnellement aussi peuplée que le Royaume-Uni.

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À SUIVRE :

 Le point sur L’Afrique francophone centrale et de l’Est
 Un endettement globalement maîtrisé
 Des perspectives plutôt encourageantes pour 2022

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CYCLE « LES CONFÉRENCES MENSUELLES
DES AMBASSADEURS AFRICAINS DE PARIS » (CMAAP)

Accédez au REPLAY de la première CMAAP, organisée par AfricaPresse.Paris à La Maison de l’Afrique (Paris XVIe) : « Infrastructures et entreprises, comment mieux financer l’Afrique ? » Avec SE M. BANDAMAN, Ambassadeur de Côte d’Ivoire @BandamanK @Isabebear @ML_MAZAUD @EtienneGiros @M_TdOrfeuil

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