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Hugues PARANT, DG de l’EPA Euroméditerranée : « Marseille a le potentiel et la légitimité pour devenir un hub des échanges entre l’Afrique et l’Europe »

13 juillet 2022
Hugues PARANT, DG de l'EPA Euroméditerranée : « Marseille a le potentiel et la légitimité pour devenir un hub des échanges entre l'Afrique et l'Europe »
Atteint par le limite d’âge, Hugues Parant quitte la direction de l’EPA Euroméditerranée à Marseille. L’occasion d’une grande interview, où l’on apprend que l’ancien Préfet de la Région PACA a eu un exceptionnel parcours éclectique, alternant les responsabilités à haut niveau dans de multiples secteurs de l’action publique. Fort de ces expériences, il plaide pour fertiliser la relation unique de Marseille avec l’Afrique…

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Propos recueillis par Bruno FANUCCHI
pour AfricaPresse.Paris (APP) @africa_presse

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APP - À l’issue d’une longue carrière de Préfet (Orne, Vaucluse, Meurthe-et-Moselle, Var) et à la tête de la région PACA, quel bilan tirez-vous de votre expérience dans la haute administration, et particulièrement en Provence ?

Hugues PARANT - C’est peu connu : le métier préfectoral est l’un des plus divers que l’on puisse imaginer. On a dix vies différentes par jour. C’est un engagement permanent et complet. Indépendamment de l’activité normale d’un préfet qui consiste à organiser le travail de l’État et à faire en sorte que l’ensemble des pouvoirs locaux puissent travailler en harmonie avec les services de l’État, il y a en PACA des caractéristiques tout à fait particulières : en hiver vous avez les stations de ski, au printemps les inondations, en été les feux de forêt et, à l’automne, vous avez des feux de forêt et des inondations !

Il y a de surcroît des temps forts où l’État est sollicité par l’ensemble des collectivités, car c’est le seul recours possible quand les populations sont confrontées à de grandes catastrophes naturelles, et j’ai eu l’occasion d’en gérer plusieurs. C’est une région à la fois très attractive et très particulière mais il faut croire que je m’y étais fait parfaitement puisque le gouvernement m’y a nommé par quatre fois...

APP - Mais vous avez eu bien d’autres expériences et fonctions très importantes...

Hugues PARANT - Ma carrière préfectorale et mon point de vue sur ce métier n’auraient pas été les mêmes si je n’avais pas investi dans trois autres activités qui m’ont à la fois aéré l’esprit et apporté beaucoup.

La première, c’est un passage par la Cour des comptes qui m’a appris la rigueur et à ne pas dire n’importe quoi, par écrit notamment.
La deuxième, ce sont les cinq ans passés aux États-Unis pour essayer de convaincre des investisseurs et des repreneurs d’entreprises américains de rejoindre les entreprises françaises qui avaient des difficultés, cela dans le cadre de la DATAR (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale) de l’époque.

Cinq années à New York, ça marque... Et comme nous avions aussi un bureau à Los Angeles, à Houston et à Chicago, j’ai parcouru quelque 3 millions de miles pendant ces cinq ans !
D’où une bonne connaissance du territoire américain, de la mentalité si particulière qui traverse ce vaste pays, et également des malentendus qui peuvent naître de cette réelle différence de culture, notamment dans le domaine économique…

APP - Et pendant cinq autres années, vous vous êtes également occupé de développer le tourisme en France…

Hugues PARANT - Troisièmement, j’ai en effet été pendant cinq ans Directeur national du Tourisme, ce qui m’a amené à m’intéresser aux principales régions touristiques bien sûr, et PACA en fait partie, mais aussi à des régions touristiques beaucoup plus délaissées, sur lesquelles il fallait absolument innover et développer des choses.
À condition bien sûr d’avoir des idées et un peu d’énergie, cela vous permet de très vite savoir qu’avec peu de choses vous pouvez réaliser beaucoup. C’est ainsi que l’on a pu développer le Massif central, les gîtes, les logements chez l’habitant, les politiques départementales pour soutenir les hébergements alternatifs à l’hôtellerie, et ainsi de suite...

Tout cela montre comment ma carrière n’est pas que préfectorale, mais complètement éclectique. C’est un cas assez inhabituel dans la haute administration française, dans laquelle la mobilité des parcours n’est pas nécessairement encouragée. D’autant plus que, dans la préfectorale, j’ai occupé tous les postes possibles, sauf celui de sous-préfet territorial. Mais j’ai pratiqué tous les autres postes sous-préfectoraux de Dircab, de Secrétaire général, etc. Et, ensuite, les différents stades de préfet jusqu’à Préfet de Région. Or, ce n’est pas du tout le même métier : les métiers de Préfet de police, Préfet de département et Préfet de Région n’ont en fait rien à voir. Si ce n’est bien sûr la représentativité et la légitimité assumée par l’uniforme.

APP - N’êtes-vous pas aussi un spécialiste reconnu de l’aménagement urbain ?

Hugues PARANT - Il faut savoir rester humble dans ce domaine qui évolue sans cesse au gré des aspirations de la société. En fait j’ai appris vraiment mon métier le jour où j’ai été désigné pour piloter l’aménagement du quartier d’affaires de la Défense, en région parisienne. J’ai commencé à comprendre ce qu’était l’aménagement urbain, et appris ainsi ce qu’était un aménageur. Mais, qu’on le veuille ou non, la Défense est un site qui « tourne » depuis soixante ans et où l’on a affaire à de grands investisseurs internationaux qui ne regardent pas à la centaine de millions d’euros près et placent leur argent là où cela leur paraît le plus pertinent. Cela peut être à Londres, Berlin ou Paris, cela dépend des affinités des uns et des autres, mais il s’agissait d’une conception très particulière de l’aménagement.

À la Défense, nous faisions un mélange d’aménagement à la française, avec une volonté de diriger les choses et faire en sorte que la puissance publique ait le dernier mot sur les intérêts privés. En même temps, comme c’était sur une dalle et que cette dalle était elle-même déjà totalement aménagée ou presque, notre métier reflétait plutôt une conception libérale de l’aménagement en laissant le marché venir à nous. On a fait, en revanche, vraiment de l’aménagement dans les pourtours de la Défense qui sont connus aujourd’hui, comme l’Arena, la gare de La Folie, destinée à accueillir le futur réseau EOLE, et surtout lorsqu’il a fallu imaginer une « autre Défense ».

S’étendant sur 480 hectares à Marseille, Euroméditerranée est la plus vaste opération de réaménagement urbain d’Europe. Débutée en 1995, elle s’achèvera en 2030. Son premier périmètre s’étend du nord du Vieux-Port (depuis le fort Saint-Jean et le Mucem, au premier plan de la photo) jusqu’au quai d’Arenc de la nouvelle « frontline », avec ses deux tours que l’on voit ici en arrière-plan : celle de la CMA-CGM (145 mètres de haut) et « La Marseillaise » (135 m). © Photos Camille Moirenc

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À la tête d’Euroméditerranée, c’est vous qui avez développé un véritable quartier d’affaires à Marseille et des projets innovants pour la Métropole ?

Hugues PARANT - L’expérience vécue à la Défense m’a été bien utile et j’en ai tiré beaucoup d’enseignements quand je suis arrivé à Marseille. C’est le pari d’un nouvel urbanisme, d’une ville construite à partir de ce que l’on projette sur la façon dont les habitants l’habiteront dans les décennies qui viennent.

La première partie Euromed 1 a répondu à une obligation : créer un véritable Quartier Central des Affaires, qui permet à une ville d’accéder au statut de Métropole. En effet, vous n’avez pas de véritable Métropole si vous n’avez pas un centre tertiaire fort et vous ne créez pas un centre tertiaire si vous n’avez pas toutes les activités qui vont avec ce pôle, et qui permettent à des chefs d’entreprise d’attirer des collaborateurs de talent. Pas de centre tertiaire attractif si vous n’avez pas des logements et des espaces commerciaux à proximité, des transports collectifs assez massifs, des centres de santé et de culture qui doivent être pris en compte....

Mes prédécesseurs, auxquels je tiens à rendre hommage, ont réalisé cette ville tertiaire mixte qui correspond aux besoins d’aujourd’hui. Ou, plus exactement, d’hier, avant la Covid car la pandémie nous a amenés à nous poser d’autres questions, comme celle-ci : après les avoir attirés dans ce quartier d’affaires, comment va-t-on maintenant garder les gens au bureau ?

Aujourd’hui, Euromed 1 est le centre tertiaire sans concurrence de la Métropole Aix-Marseille-Provence. Avec un embryon dès 2014, Euromed 2 commence véritablement en 2017 et ce fut une aventure complètement différente. Nous expérimentons dans ce projet des formes urbaines nouvelles, adaptées à un environnement géographique, humain et sociologique qui est celui de cette ville fondamentalement méditerranéenne.

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« Le concours MED’INNOVANT AFRICA repère,
récompense et accompagne
les pépites de la Tech africaine »

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APP - Peut-on parler précisément du concours MED’INNOVANT AFRICA que vous avez lancé à Marseille en partenariat avec « Emerging Valley » ? Quel est son objectif ?

Hugues PARANT - C’est un prix récent... Nous avions le concours MED’INNOVANT depuis longtemps qui consistait à aller chercher des innovateurs capables de contribuer à l’évolution de notre projet, avec cette particularité d’un accompagnement de (par) des partenaires qui participent au projet Euromed. Ce qu’il faut retenir de ce concours, ce n’est pas seulement les sommes remises aux lauréats, mais l’accompagnement des lauréats « startuppers » par nos partenaires, par exemple l’association d’entrepreneurs Africalink, basée à Marseille.

Aussi, au moment où le Président de la République avait lancé l’initiative d’un Forum Afrique-France sur le thème de la ville durable africaine, on s’est dit qu’il fallait prendre l’initiative afin de positionner Marseille comme le lieu où l’on crée une ville durable méditerranéenne, compatible donc avec une sociologie, un climat et des événements particuliers se rapprochant beaucoup de l’Afrique.

Nous avons donc lancé ce concours avec toujours les mêmes principes : de l’argent, mais surtout de l’accompagnement. Et la volonté de nous embarquer non seulement dans ces pratiques importées par ces innovateurs, mais également de nous inspirer de beaucoup de choses qui se font déjà en Afrique et dont nous avons besoin : dans l’habitat informel et l’organisation sociale qui l’entoure, dans la façon de faire vivre ensemble des gens qui ont des origines très différentes, comme cela se passe dans les villes africaines assez facilement.

Hugues PARANT durant la remise des Prix Med’Innovant Africa 2019, à l’occasion de l’événement Emerging Valley, à Marseille. © Camille Moirenc.

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APP - Mais ces jeunes « stratuppers » africains, aux idées parfois géniales, ne manquent-ils pas assez souvent de formation ?

Hugues PARANT - C’est le drame, car ces petites entreprises africaines innovantes sont souvent lancées par de jeunes entrepreneurs qui manquent cruellement de formation quant à la manière de gérer une entreprise. Celle-ci est souvent égale à zéro et la pérennité de ces entreprises est donc très faible.
C’est pourquoi il nous faut aussi faire en sorte que ces « startuppers » puissent être accompagnés par des stages dans des pépinières d’entreprises, des conseils juridiques et comptables que nos partenaires leur apportent pour leur permettre de structurer leur entreprise.

APP – N’est-ce pas cette année déjà la troisième édition du Prix MED’INNOVANT AFRICA ?

Hugues PARANT - Oui ! Les deux premières ont déjà rencontré un succès important en termes de notoriété, ce qui est d’ailleurs lié au sommet international « Emerging Valley », puisque nous remettons ce prix dans le cadre de cet événement, initié par Samir Abdelkrimet qui se déroule chaque année à Marseille. Nous avons aussi un assez grand succès en termes de candidatures, avec une féminisation grandissante.

Pour cette troisième édition, le concours démarre le 1er juillet et la clôture des candidatures est fixée au 31 août, comme d’habitude. Une première sélection est faite entre les 300 et 400 réponses qui nous parviennent chaque année, puis un jury présélectionne une vingtaine de projets parmi lesquels sont retenus 5 finalistes, auditionnés lors du sommet Emerging Valley durant lequel a également lieu la remise des prix aux 2 lauréats finalement choisis.

APP - Quel message adressez-vous à ces jeunes Africains ?

Hugues PARANT - Un seul message. Nous leur disons : au travers d’Emerging Valley, vous êtes déjà identifiés comme étant les initiateurs de futures « pépites de la technologie africaine ». S’il y a un lieu où vous pouvez appliquer cette technologie avec une valeur qui restera en Afrique, c’est bien dans la ville. Car la construction de la ville de l’avenir ne peut pas se passer de la Smart Economy. Mais celle-ci n’a d’intérêt que si elle permet un accès à un plus grand nombre de services et à un coût inférieur.

C’est ce que résume l’un des slogans de l’Etablissement Public d’Aménagement Euroméditerranée : « Easy Tech, low cost »  ! C’est-à-dire que l’on s’oriente déjà vers une conception africaine de l’intégration de la Tech à la ville. On n’est pas du tout dans le même registre que les gloires de la Smart City, comme Singapour ou Hong Kong, ou bien de certaines villes européennes, où l’on constate un effet d’éviction pour ceux qui n’ont pas les moyens de se payer la Tech. Nous pensons et nous voulons exactement l’inverse. La tech ne mérite d’être intégrée à la fabrication de la ville que si elle accélère l’inclusion de tous.

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« Le Plateau d’Abidjan a été un phare
pour l’Afrique et peut le redevenir »

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APP - Quelles sont les principales particularités du projet
Euroméditerranée à Marseille ?

Hugues PARANT - Je viens de vous en donner la clé. Prenons le cas de l’énergie : le territoire du projet Euroméditerranée est sans doute le seul endroit au monde aujourd’hui où, grâce à notre système de thalassothermie expérimentale qui fonctionne à partir de l’eau du port, nous rafraîchissons nos propres bureaux et les logements sociaux les plus modestes des quartiers.

Dans le projet Euroméditerranée, tout le monde est logé à la même enseigne pour l’accès à la connectivité, pour les services fournis dans les immeubles, pour l’accès aux conciergeries. Cette conception urbaine n’a rien à voir avec ce que l’on connaît dans les Smart Cities. Notre approche est adaptée à la ville africaine, car n’oublions pas qu’elles demeureront au minimum à 50 % des villes informelles.

En revanche, il faudra offrir à cette ville informelle ce qui lui fait défaut aujourd’hui, c’est-à-dire cette capacité à répondre aux besoins des populations en matière d’écoles, de centres de santé, et surtout d’infrastructures.
C’est cela que l’on cherche à atteindre en poussant des projets innovants à émerger et à se concrétiser sur ce continent. J’ai posé des bases solides pour une coopération avec l’Afrique, mais la Covid malheureusement nous a stoppés net.

Les installations de Thassalia, « réseau de chaud et de froid à partir de l’eau de mer ». © Michèle Clavel

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APP - Comme vous rentrez d’un voyage en Côte d’Ivoire, pouvez-vous nous en dire plus sur votre mission dans ce pays que vous connaissez bien ?

Hugues PARANT - Je rentre en effet d’une mission très intéressante et prometteuse en Côte d’Ivoire. Grâce à notre ambassadeur, qui a impliqué tous ses services, dont l’AFD, j’ai eu un certain nombre de contacts avec Bruno Koné, ministre de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, Robert Beugré Mambé, ministre gouverneur du district autonome d’Abidjan, le maire du Plateau et le maire de San Pedro notamment.

Tous sont enthousiastes à l’idée de faire appel à une « expertise française d’aménagement ». Jusqu’à présent, ils ont eu en face d’eux soit des constructeurs – chinois, marocains ou français… –, soit des bureaux d’étude, soit parfois des architectes, mais jamais des gens capables de réfléchir en amont et de conduire le projet à terme, en faisant des partenariats public-privé (PPP) dans les meilleures conditions pour parvenir, au bout de dix ans, à un produit de sortie qui soit un vrai projet d’aménagement de ville neuve. Ils sont donc nombreux à être intéressés.

Le Plateau, à Abidjan, en est un exemple achevé. C’est un quartier que j’ai connu comme l’un des plus glorieux d’Afrique, du temps des investissements de l’Aga Khan et des fonds israéliens, sud-africains, européens. Aujourd’hui, le Plateau, qui s’est énormément dégradé, reste pourtant la plaque tournante d’Abidjan : environ 1,5 million d’Abidjanais y passent dans la journée alors qu’il ne compte que 7 000 habitants. C’est un vrai problème ! Le maire du Plateau fait ce qu’il peut avec ce qu’il a, mais il y a certainement une question foncière à régler. Le Plateau a été un phare pour l’Afrique et il peut le redevenir facilement. Il faut simplement restructurer tout cela, comme nous avons restructuré une partie de Marseille !

Dans la Côte d’Ivoire des années 1980, San Pedro a également représenté un espoir magnifique, avec un port en eaux profondes et des zones touristiques à développer. Aujourd’hui, cela s’est fortement ralenti pour des raisons historiques trop longues à développer ici, et donc la « squatterisation » a été massive. Résoudre ces problèmes en lien avec les populations est aussi un véritable enjeu d’aménagement.

Cette mission sous le pilotage de l’ambassadeur, qui connaît bien ces sujets, montre en tout cas qu’il y a un potentiel pour l’ingénierie française avec une locomotive d’aménageurs et, derrière, tous les métiers de la construction, de l’architecture, bureaux d’études, métiers du foncier aussi, avec les connaissances notariales et juridiques nécessaires et indispensables.

APP - D’où vous vient cet incontestable tropisme africain ?

Hugues PARANT - C’est d’abord une affaire familiale. Mon grand-père pendant la guerre de 1940 a eu l’occasion d’aller en Afrique et a été gouverneur de la France libre au Gabon. Il y est d’ailleurs mort en 1942. Cela a marqué l’histoire de la famille et mon père, orphelin de guerre, s’est cru pratiquement obligé de faire l’École nationale de la France d’Outre-mer.
Ensuite, pendant quelque quinze ans, notre vie de famille a été africaine, malgache d’abord, puis ivoirienne. Ma famille a été très marquée par cette expérience africaine mais pour ma part, je n’ai pas vraiment eu l’occasion de renouer avec l’Afrique avant d’être nommé et installé à Marseille.

Chacun sait que jusqu’à l’indépendance de l’Algérie en 1962, la Cité phocéenne était notre porte de sortie et notre porte d’entrée pour l’Afrique.
À Marseille, la population est en partie maghrébine et compte d’importantes communautés africaines, notamment comoriennes. Les populations africaines ont petit à petit bien compris qu’à Marseille il y avait quelque chose de différent. Cela plaît ou cela ne plaît pas, mais moi cela m’a enthousiasmé. Marseille est une ville assez unique et particulière, ce n’est plus tout à fait la France des pâturages et des vertes vallées, et bien entendu ce n’est pas tout à fait l’Afrique. C’est un pôle d’échanges entre plusieurs cultures des deux rives de la Méditerranée, entre pays méditerranéens et désormais entre l’Afrique et l’Europe.

APP - Comment la ville de Marseille peut-elle précisément devenir un « hub » incontournable pour tous ces échanges ?

Hugues PARANT - Il ne faut jamais oublier que nous sommes en France avec une importante histoire de centralisation, ce qui fait que Paris a toujours été jusqu’à maintenant le point de ralliement de populations d’Afrique du Nord, mais surtout d’Afrique subsaharienne francophone. Petit à petit, il y a eu une certaine diversification parce que les jeunes générations ont plutôt convergé vers la Russie pour certains et vers les États-Unis pour d’autres.

Pourquoi est-il pertinent aujourd’hui de vouloir faire de Marseille un « hub » euro-africain ? Parce que nous en avons la légitimité historique et géographique, le potentiel et la capacité et qu’aucune autre ville méditerranéenne ne peut jouer ce rôle : Barcelone n’est pas du tout tournée vers l’Afrique, Valence pas plus, Malaga encore moins ; les villes italiennes pas du tout et Le Pirée et Athènes sont plutôt tournés vers la Chine...

Marseille a donc une légitimité très forte et dispose de tous les atouts pour revendiquer ce statut de hub euro-africain. Pour autant, en a-t-elle une réelle volonté politique ? Tant qu’un certain nombre de gestes ne seront pas faits et que des liaisons aériennes directes ne seront pas établies entre Marseille et les grandes capitales africaines, sans passer par Addis-Abeba ou Rabat, Marseille ne sera pas le point focal de la relation euro-africaine.

APP - Mais les pouvoirs publics en ont-ils la volonté politique ?

Hugues PARANT - Je pense que cette volonté politique existe, mais encore faut-il qu’elle se manifeste. Et, bien entendu, cette relation ne doit pas se limiter à la ville de Marseille car il y a en réalité avec la ville toute une métropole et ses pôles d’excellence en matière de recherches scientifiques, de médecine, de santé, etc. C’est la plus grande métropole en Europe qui s’intéresse à l’Afrique, et elle est au cœur de cette région PACA – ou SUD, comme on commence à le dire – qui mise notamment sur l’innovation, le numérique et les énergies renouvelables.

Nous avons beaucoup de choses à apporter à l’Afrique, et l’Afrique a beaucoup de choses à nous apporter. Mais encore faut-il que des gens prennent le problème en main et s’y investissent vraiment. Le Président Macron a tendu une main à Marseille en évoquant cet avenir euro-africain comme jamais aucun autre Président avant lui. Mais je n’ai pas perçu jusqu’à présent beaucoup de réponses – si ce n’est celle du président de la Région – à ce sujet. Je n’ai entendu ni Marseille, ni la Métropole dire au Président : chiche !

Tout cela nécessite donc la mobilisation locale, la mobilisation nationale pour que des gestes soient faits, et la mobilisation européenne aussi, afin que la ville de Marseille et son potentiel soient pris en compte aussi bien par les Allemands que les Belges et les Italiens… C’est donc une mobilisation sur ces trois niveaux qu’il faut viser, mais cela pourrait avancer assez vite, car tous les éléments sont là. Encore faut-il pouvoir les mettre en perspective et en synergie.

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