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Hippolyte Éric Djounguep et Jean-Claude Félix-Tchicaya : « Aujourd’hui l’Afrique des peuples dispose bien plus que par le passé d’excellentes cartes à jouer »

15 août 2020
Hippolyte Éric Djounguep et Jean-Claude Félix-Tchicaya : « Aujourd'hui l'Afrique des peuples dispose bien plus que par le passé d'excellentes cartes à jouer »
Pour certains analystes, les commémorations des soixante ans des indépendances de nombreux pays africains sont l’occasion d’établir un constat mitigé, voire affligé, face à l’apparente modestie du chemin parcouru. Mais aussi le moment d’affirmer une espérance nouvelle, car l’Afrique paraît disposer de plus d’atouts que jamais…

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Une contribution de

Hippolyte Éric Djounguep, Analyste géopolitique, spécialiste de l’Afrique à l’École Supérieure des Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication (ESSTIC, Yaoundé),

et de

Jean-Claude Felix-Tchicaya, Praticien chercheur à l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE, Paris) dans les domaines de la géopolitique, la géostratégie et la sociologie

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Le continent est rendu à un tournant de son histoire. Il s’agit de ce moment où chaque peuple doit trouver au fond de lui le ressort et le sursaut indispensables pour choisir le cours de son destin. Par la vigilance collective et le sens du devoir patriotique, les peuples s’emploient à soustraire l’Afrique d’un autre désastre sociopolitique et économique.

C’est dans la tristesse et la désolation que plusieurs pays africains sont en train de célébrer cette année 2020, celle des soixante ans d’indépendance, traversés par de nombreux soubresauts.
Certains gouvernements en place continuent d’imposer aux citoyens des crises politiques générant des crises économiques, sociales et sanitaires, des guerres civiles violentes et barbares qu’ils ont eux-mêmes déclenchés ou suscités à la suite des mouvements protestataires, et dont le tribut est lourd et déplorable à plusieurs égards et surtout chez les enfants et les femmes.

Les témoignages des dégâts sont accablants : la multiplication des massacres de populations civiles innocentes ; le drame de milliers de réfugiés et la détresse de millions de déplacés internes ; la multiplication des candidats à l’exil et à l’immigration.
La destruction des infrastructures et le désastre socio-économique qu’engendrent ces crises à répétitions jalonnent l’histoire post-indépendance du Continent. Et tout ceci se passe sous le regard indifférent de certains dirigeants arrogants et méprisants.
C’est l’occasion aussi d’honorer une fois de plus la mémoire de toutes les victimes de ces guerres atroces, de cette permanence de la calamité, du déshonneur, du mépris de l’humaine condition et de l’effroi. Il est plus que temps que des solutions pérennes soient apportées à ces situations insoutenables, trop nombreuses sur le Continent.

Quid de la citoyenneté
et de l’ambition panafricaine ?

Que devient l’unité nationale dans ces pays traversés par de multiples fractures politiques, sociales et économiques créées et entretenues par ceux-là même dont le rôle aurait dû être de rassembler et d’unir les peuples ?
La haine ethnique en particulier qu’engendre l’ethnocentrisme, le népotisme et le clanisme, domine désormais les propos de nombreuses personnalités prétendant agir ou parler au nom de l’État, ainsi que ceux de personnes qui, au regard de leur trajectoire, auraient dû être les penseurs éclairants des sociétés des États africains.

Le tribalisme d’État est désormais banalisé et décomplexé. Il se manifeste aussi bien dans les discours qu’à travers divers actes, au point où des rapports internationaux le dénoncent ouvertement. Au-delà de son aspect commémoratif, voire festif, l’anniversaire des soixante ans d’indépendance de plusieurs États africains doit se concevoir comme un moment d’interpellation de la conscience individuelle et collective sur la signification que l’on donne au statut de citoyen et sur l’ambition panafricaine.

Ne nous y trompons pas, personne ne viendra changer ou développer l’Afrique à la place des Africains. Le destin des Africains dépend des seuls Africains. Aucune puissance « amie », si généreuse soit-elle, ne peut aimer l’Afrique plus que les Africains eux-mêmes.

Cependant, ces régimes illégitimes, aveuglés par le pouvoir et dépassés par la gestion du quotidien, continuent d’instrumentaliser l’appareil étatique contre tous ceux qui émettent un avis discordant, y compris même lorsqu’ils mènent des actions de salut national. Ces régimes poussent la déraison et l’absurde au point de refuser toutes contributions et apports pertinents venant d’un potentiel concurrent politique. Chaque fois, ils manœuvrent le changement de la constitution pour s’assurer le maintien au pouvoir.

Par exemple, l’expérience sociologique d’un Kenyan dans la compréhension des conflits ou des mouvements populaires à travers la domination d’une élite politique peut être illustrée par le fait que la constitution ait été modifiée plus d’une vingtaine de fois entre 1963 et 2019, et chaque fois limitant la liberté des citoyens d’une part et favorisant l’élargissement du pouvoir exécutif et de l’élite politique d’autre part.

Dans ce contexte où tout est fait pour pousser certains à la résignation et aux replis divers et variés, les peuples semblent prendre appui sur le sacrifice de leurs héros nationalistes et l’exceptionnelle volonté de faire société et de construire un État, qui a permis l’aboutissement des indépendances en 1960, pour garder espoir, et œuvrer sans relâche pour une Afrique fière, respectueuse de son héritage historique, dotée d’une conscience panafricaine élevée et du sens aigu de l’intérêt général.

« Un élan nouveau se fait jour »

Les résistances africaines sont plus fortes que jamais surtout en cette période délicate, où certains régimes en place croient pouvoir tirer avantage de la pandémie de la Covid-19 pour distraire les peuples de leur lutte courageuse pour le changement, et continuer d’arrêter, de torturer et d’emprisonner les activistes des sociétés civiles et politiques, loin de l’attention des Africains et de la communauté internationale.

Des expressions et des grandes mobilisations populaires des printemps arabes en Afrique dans les années 2010-2011 en Tunisie et en Égypte germe encore et encore la résilience des peuples et leur désir d’œuvrer à l’avènement de sociétés beaucoup plus inclusives, démocratiques et prospères, comme on a pu l’observer au Burkina Faso, en RDC, en Algérie, au Soudan, au Bénin, au Togo, au Mali, en Guinée, au Cameroun, en Éthiopie… ces deux dernières années.

La géopolitique des peuples – non réactionnaire, non extrémiste et non réinventrice des vielles chimères – en œuvre, dans un contexte pandémique où bien des indicateurs et autres diagnostics sont au rouge, s’impose le devoir d’offrir un signe et une parole qui disent les enjeux et les ambitions d’une Afrique sortie de trop de torpeur politique. Elle est l’expression de la démocratisation de toutes les strates de la société.

Dans cet élan nouveau, les capacités et les aspirations humaines ne se situent plus à la périphérie d’un monde où les enjeux mercantilistes occupent le centre. D’où l’urgence de dé-confiner notre compréhension de ce monde nouveau qui s’impose légitimement, mais surtout bruyamment.

La géopolitique des peuples est une évidence de plus en plus perceptible au travers des événements qui se succèdent. Les bouleversements en cours dans le monde révèlent un avenir incertain avec moult rebondissements. Les dynamiques qui se mettent en place dans la conquête sans cesse renouvelée qu’offrent les différentes mutations traduisent l’expression d’une multitude des mondes.
Loin des partis uniques, historiques et même iniques qu’a connu l’Afrique, la géopolitique des peuples trouve tout son sens dans la valorisation des différences et des ressemblances par l’intérêt qu’on y prête. Elle se caractérise par la déportation des débats 2.0 dans l’espace public qui entraîne l’occupation massive de la voie publique.

« Un avenir rendu possible
vient transformer notre quotidien »

L’avenir n’est pas enfermé dans un passé récent aussi tragique soit-il, mais au contraire c’est l’avenir rendu possible qui vient transformer notre quotidien. Nous voici donc au « grand soir » des illusions perdues et au « petit matin » des espérances les plus fortes. Toutefois, l’examen des rapports de puissance à l’échelle internationale montre aujourd’hui que l’Afrique des peuples dispose bien plus que par le passé, d’excellentes cartes à jouer dans ce contexte de redéfinition et d’une élaboration nouvelle de l’ordre mondial avec tout nouveaux acteurs qui montent en puissance.

Il fait de moins en moins de doute aujourd’hui que le continent africain est l’un des seuls à posséder encore intact, pour l’essentiel, toutes ses chances pour affronter avec succès les mutations rendues inévitables à l’échelle mondiale. Dans la mesure où les modèles de développement sont appelés à être réinventés, les pays africains se trouvent face à un boulevard d’opportunités qu’ils ne doivent pas manquer de saisir en toute intelligence. Cette capitalisation exige encore une fois d’eux une claire compréhension de leur intérêt commun en tant qu’espace géopolitique. Il n’y aura pas de nouvelle Afrique sans le renouvellement de biens des équipes dirigeantes et de nouvelles pratiques.

Relevons en effet que les promesses non tenues, les trahisons à l’égard des pays en question par certains partenaires politiques face à de nombreux États souvent attentistes et complices qui ont sérieusement affecté l’évolution du continent africain tout au long des soixante dernières années. Ce qui est essentiel et mérite d’être souligné, c’est l’incroyable résistance et résilience dont l’Afrique fait preuve.
Alors, quelle est la réponse de l’Afrique face à ce constat quasi « d’échec » de soixante ans d’un ordre venu d’ailleurs et imposé ? Comment exploiter les potentiels civilisationnels du Continent pour produire une alternative à l’homo œconomicus dominant ?

Le redécollage de l’Afrique ne pourra se faire que dans un environnement ouvert à une communication pluraliste dans une perspective d’enrichissement mutuelle des dirigeants et des peuples. L’intercession et la puissance géopolitique, grâce aux réseaux numériques, conduisent à de grandes mobilisations socio-dynamique, économique et politique aptes à former une opinion publique donc le discernement et la participation sont de plus en plus aiguisés et affutés pour se préserver du cheval de Troie des minorités extrémistes et populistes ; et à la construction et l’avènement du nouveau monde. Pas de nouveau monde sans une nouvelle Afrique.

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