Hippolyte Éric Djounguep : « L’alternance démocratique, ultime solution pour une paix durable au Cameroun »
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Une contribution de Hippolyte Éric Djounguep,
Consultant en géopolitique et Chercheur à l’École Supérieure
des Sciences et Techniques de la Communication (ESSTIC,Yaoundé)
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La situation se dégrade de plus en plus dans les régions anglophones du Cameroun. Le bilan de cette guerre aujourd’hui est presque inestimable. La violence, la destruction, les assassinats et l’horreur sont le quotidien des populations. La communauté internationale s’inquiète d’un risque de généralisation de la guerre civile au regard des affrontements qui opposent les séparatistes d’une part et l’armée régulière d’autre part, et de tout autre foyer de tensions politico-sociales et sécuritaires qui naissent sur l’ensemble du territoire.
Les conséquences sont incommensurables et le conflit ne fait que s’enliser dans un cycle infernal de la terreur devenue endémique.
Un bilan socioéconomique insoutenable
Les conséquences de cette guerre civile sont horribles. En voici quelques chiffres : plus de 700 soldats et plus de 5 000 civils tués, une cruauté et une barbarie révélées par des images insoutenables. L’exode des réfugiés est massif, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays : selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, 45 000 Camerounais se sont exilés au Nigeria ; parmi eux, les 4/5 sont des femmes et des enfants dont la scolarisation est sévèrement compromise.
À l’intérieur des régions en proie au conflit, plus de 75 000 personnes déplacées ; des enlèvements et massacres de plusieurs dizaines de chefs traditionnels, de chefs d’entreprises, de hauts responsables et commis de l’administration. Bref, environ 737 000 Camerounais ont dû fuir leur domicile, dont 439 000 au Sud-Ouest et 298 000 au Nord-Ouest, un décor véritablement catastrophique de villages incendiés et ravagés.
En référence à une étude détaillée du Groupement Inter-patronal du Cameroun (GICAM) du 13 septembre 2018, nous avons retenu quelques chiffres : un manque à gagner en termes de chiffres d’affaires de 269 milliards de FCFA ; un manque à gagner immédiat de 6 milliards de FCFA de recettes fiscales pour l’État au titre de l’acompte de l’impôt sur les sociétés ; des pertes d’emplois dans le secteur formel des entreprises agro-industrielles évalués à 8 000 emplois, à ajouter aux 6 400 emplois perdus sur les sites en arrêt de production des agro-industries du fait de cette guerre civile.
D’autres indicateurs encore démontrent la forte dégradation de la situation économique du pays : chute conséquente des recettes d’exportations, évaluée à 20 %, car 45 % du cacao camerounais provient du Sud-Ouest et 75 % du café arabica du Nord-Ouest ; le taux de chômage dans l’agriculture est en hausse de 23% : à titre d’exemple, notons que la CDC (Cameroon Development Corporation, 2e employeur du pays après l’État), n’a plus que 3 sites fonctionnels sur les 20 au total.
Et encore : en 2020, le pays a connu un ralentissement économique énorme avec un taux de croissance de 2 % et un taux d’inflation de 3,5 %. Ce qui voudrait dire que le taux de croissance est de - 1,5% en réalité. Face à ce désastre qui s’enracine, des solutions techniques et opérationnelles existent bel et bien.
Pour une sortie de crise définitive…
Ces solutions se déclinent en trois principaux points : L’instauration immédiate d’un cessez-le feu ; la libération immédiate de tous les prisonniers de la crise anglophone ; l’ouverture d’un dialogue politique inclusif impliquant tous les acteurs pour débattre de toutes les questions, y compris celle de la forme de l’État ainsi que celle de la réforme consensuelle du système électoral, afin de permettre aux populations de se doter de dirigeants légitimes.
Il faut en effet dialoguer avec tous les Camerounais sans exception, y compris ceux qui défendent, pour le moment, la thèse de la sécession. L’urgence de la rotation du pouvoir par une alternance démocratique comme ultime solution pour une paix durable au Cameroun.
Car l’univers en soi est contre les corps statiques. Tout corps statique ne peut que rompre l’équilibre et perturber l’évolution et la révolution du cosmos. Le principe de rotation en soi est d’ordre cosmologique. Tout corps, tout organe, toute organisation sociale, toute structure qui ne bouge pas, qui n’est pas dans une dynamique de renouvellement, est voué à l’étouffement et à la mort… et le régime de Yaoundé est statique depuis 1982.
Il n’a su se renouveler malgré les différentes transitions économiques, politiques et même philosophiques qui, jadis se sont présentées. Un tel régime est voué à sa propre chute et ne doit pas entraîner avec lui l’ensemble de la nation.
L’insécurité au Cameroun ne se limite pas, hélas ! aux seules régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Elle continue de sévir dans les régions septentrionales du pays où les populations de l’Extrême-Nord, en particulier, subissent les assauts devenus endémiques de la secte Boko Haram. Ces crises ont des conséquences humaines, économiques et sociales désastreuses. Chaque jour qui passe en amplifie la dimension et la profondeur. La routine de la désolation, de l’insécurité, s’installe dans l’indifférence générale. Le feu et le sang des populations spoliées et amoindries s’entremêlent dans un enfer ardent.
Aujourd’hui, en plus de la guerre civile et du terrorisme, le Cameroun fait face à un afflux important de refugiés. En 2019, le Cameroun comptait déjà plus de 370 000 réfugiés fuyant les crises dans les pays voisins, selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
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DU MÊME AUTEUR
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