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Hippolyte Éric Djounguep : « Il est temps que l’Afrique émergente prenne la place qui lui revient dans le concert des nations »

4 février 2021
Hippolyte Éric Djounguep : « Il est temps que l'Afrique émergente prenne la place qui lui revient dans le concert des nations »
Dans l’optique de l’affirmation de l’Afrique sur la scène internationale, le seul précepte senghorien de « l’ouverture à la civilisation de l’Universel » n’est-il pas devenu obsolète ? Le temps n’est-il pas venu pour l’Afrique, riche d’atouts innombrables, de s’affirmer en elle-même et pour elle-même, notamment en fortifiant l’Union africaine ? Arguments.

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Une contribution de Hippolyte Éric DJOUNGUEP
Consultant et Chercheur en géopolitique et géostratégie à l’École Supérieure des Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication (ESSTIC, Yaoundé)

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En se fondant sur l’évolutionnisme, très présent dans les sociétés humaines, l’intégration, en Afrique comme ailleurs dans le monde post-moderne, repose sur les logiques et les dynamiques de positionnement de l’organisation supranationale comme pôle d’équilibre et de régulation dans la mondialisation.

Les évolutions précédentes de l’actualité africaine facilitent la compréhension de la volonté de l’Union africaine de se poser en un pôle d’influence pertinent, capable d’offrir des avenues de différenciation et de résistance vis-à-vis du « suprématisme occidental » dans la globalisation actuelle.

Une insuffisance économique,
malgré un fort potentiel

Une part considérable de la communauté africaine est faite de pays très appauvris et sous-développés : 14 pays dans le top 20 des pays les plus pauvres de la planète se trouvent en Afrique. Il s’agit de pays à l’économie très peu compétitive et au niveau d’endettement très élevé, d’une « grande pauvreté chronique » au sein de l’espace panafricain.

Cette situation de pauvreté n’est logiquement pas de nature à favoriser un positionnement optimal de l’Union africaine (UA) au sein même de la communauté internationale et corrélativement la volonté panafricaine d’influer la structuration des enjeux du monde contemporain. Cette condition alarmante est un inconvénient majeur pour l’Union africaine dans le jeu de puissance à l’échelle mondiale.

Il est vrai que certains pays, tels l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Égypte, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie ou encore le Maroc travaillent peu ou prou à rendre leurs économies florissantes et consistantes, mais cette action n’a pas encore l’envergure souhaitée pouvant déterminer l’indépendance de l’institution.

Une autre entrave à un positionnement éminent et pertinent de l’UA comme pôle d’équilibre au sein de la communauté internationale est à rechercher dans le sens du déficit de construction d’un espace économique panafricain intégré. Cet état de choses, qui est la preuve manifeste des « atermoiements observés dans la gestion du volet économique », peut être observé en ce qui ressort de la disparité des échanges dans cet espace et dans l’absence d’un opérateur institutionnel panafricain chargé de la programmation économique (13 % des échanges commerciaux entre pays africains). L

L’espace panafricain regorge de facultés et potentialités non-négligeables – outre les matières premières, que la quasi-totalité des pays africains ne parviennent pas à transformer – et importantes en termes d’échanges économiques et commerciaux. Il est donc susceptible de peser de façon sensible dans la géoéconomie mondiale.

Une Afrique, 5e puissance mondiale
Le bloc-Afrique

Seulement, il semble plus judicieux de s’inscrire dans une optique prospective, en ouvrant un horizon spécifique. L’urgence de repenser le rôle de l’important bloc-Afrique dans la construction d’une puissance dans l’espace mondial.

L’Union africaine ne saurait se prévaloir que d’une démographie galopante – une population estimée aujourd’hui à près de 1,5 milliard d’individus, dont le taux d’alphabétisation n’atteint pas 50 %, avec moins de 35 % d’Africains ayant accès à un logement décent, tandis que moins de 20 % en âge de travailler disposent d’un emploi décent – et des ressources extractives (les pays africains perçoivent en moyenne 6 % des royalties sur les extractions minières) pour polir son rayonnement.

Le défi de la transformation des matières premières sur le continent, du progrès technologique et des mobilités intra-africaines sont les axes indissociables au progrès de l’Afrique.

L’examen des rapports de puissance à l’échelle internationale montre aujourd’hui que l’Afrique dispose bien plus que par le passé, d’excellentes cartes à jouer dans un contexte de ralentissement de la croissance occidentale et de la montée en puissance des pays émergents.

Les indicateurs macroéconomiques sont plutôt satisfaisants et placent le continent dans le « BIG five » des puissances mondiales avec un PIB à hauteur de 4 854 milliards de dollars, soit le 5e rang après la Chine, les États-Unis, l’inde et le Japon.

La plus vaste zone de libre-échange au monde

Une population estimée à près de 1,5 milliard d’habitants répartie sur un territoire vaste de 30,5 millions de kilomètres carré. C’est la plus vaste zone de libre échange commerciale et économique depuis le 1re janvier 2021.

Renforcer qualitativement et quantitativement des mesures destinées à accélérer les intégrations régionales, la promotion de la paix et de la sécurité, la construction des infrastructures, la promotion du capital humain par un encadrement adéquat de la jeunesse et des femmes notamment, sont autant de chantiers stratégiques sur lesquels des progrès significatifs doivent être accomplis pour améliorer le niveau de vie.

Il est agréable de se rendre à l’évidence de ce que l’une des « armes » de la stratégie de puissance de l’Union africaine dans le monde réside dans l’« accroissement de la puissance économique ». Or l’Afrique est le plus grand réservoir des matières premières dans le monde : 1/3 des réserves d’uranium, de bauxite et de fer ; 65 % des réserves de gaz et 45 % des réserves de pétrole ; 95% des réserves mondiales de coltant et cobalt se trouvent en Afrique.

Le rayonnement du continent au plan international reposerait aussi sur sa capacité dissuasive.

La constitution des armées nationales jouissant d’une grande marge de manœuvre au plan tactique et stratégique pour faire face aux défis sécuritaires contemporains.

Le continent dispose des armées composées dans l’ensemble de 5 millions de soldats et de 7 millions de réservistes. Structure quantitative dissuasive apparente, mais qui doit édifier tous les leviers possibles d’efficacité et surtout de souveraineté. Au regard de ces données reluisantes et très optimistes, l’Afrique va-t-elle continuer à accepter de figurer au bas de l’échelle des classements économiques mondiaux en évoluant avec chacun de ses États pris en rang dispersé, ou s’engagera-t-elle enfin à unir ses efforts pour occuper, en l’état actuel, la 5e place mondiale qui pourrait être la sienne en termes de PIB ?

Au cœur de tous les enjeux globaux à venir

Il convient de relever que l’insertion d’une réflexion sur l’Afrique peut paraître saugrenue, voire incongrue, dans le cadre de la péroraison de cette analyse. Pourtant, au moment d’évoquer la thématique de l’Afrique au sein même de l’UA et dans la gouvernance mondiale, la déclaration issue du Sommet de la Francophonie de Kinshasa (2013) affirme que « L’Afrique est un nouveau pôle de croissance. Elle représente l’avenir… ».

Dans la même perspective, Alain Joyandet, ex-ministre français chargé de la coopération, reconnaît que « sans l’Afrique, la Francophonie n’a pas d’avenir ». Il ne s’agit pas là de simples affirmations fantaisistes et flatteuses. Aussi semble-t-il particulièrement important d’achever cette réflexion sur la dynamique de formation d’une puissance Union africaine dans le champ politique mondial en y questionnant le rôle des États membres.

Dans cette perspective, l’on ne peut que s’offusquer du fait que certains pays soient encore à l’arrière ou à la traîne de l’évolution du monde, en termes de développement économique, de progrès démocratique, de récession des conflits et autres crises politico-sociales, et bien d’autres. Cette situation n’est pas de nature à permettre à l’Union africaine de capitaliser sa présence dans la globosphère.

Les enjeux premiers

Au sein de la « famille » africaine, il est important pour les États de se constituer en un puissant groupe d’influence susceptible de catalyser et de dynamiser la construction de l’Afrique-puissance postcoloniale sur la scène internationale.

Il est temps pour l’Afrique de prendre enfin la place qui lui revient au sein de la communauté internationale, en termes de prise d’initiatives, de prises de parole et de position, de propositions constructives pour un développement et une coopération mutuellement avantageuse, d’investissement idéel, axiologique et philosophique, etc.

En effet, les pays africains peuvent utiliser la tribune de l’UA pour parler davantage au monde et pour y investir leur imaginaire, leurs valeurs, se réappropriant ainsi le « potentiel d’influence » dans le monde. Il est nécessaire pour l’Union africaine de ne plus donner l’impression d’être dans le concert des nations juste pour constituer une « clientèle » pour les « G7, G7+1, G20 », ou simplement pour poursuivre ensemble les relations avec les anciennes métropoles – française, britannique, portugaise ou belge en l’occurrence.

L’heure n’est plus à une présence africaine dans le concert des nations uniquement motivée par l’adhésion ensemble à ses valeurs ou par des affinités historiques tissées par la colonisation. Les pays africains ne doivent plus se limiter à l’idée senghorienne « d’une ouverture, par la langue (…), à la « civilisation de l’Universel » au sein de laquelle l’Afrique peut faire rayonner sa propre culture... ». Il est important pour les pays africains de rentabiliser leur présence dans le concert des nations, ce qui leur sera d’une utilité non négligeable dans l’optique de l’émergence de l’Afrique sur la scène internationale.

Une telle assertion est d’autant plus importante et digne d’intérêt qu’une Union africaine forte ne se fera qu’avec des États forts ou ne se fera pas. Nul ne peut en avoir plus conscience que les Africains eux-mêmes, qui doivent donc pouvoir mettre tout en œuvre pour en tirer le plus grand profit.

Le continent doit prendre un nouveau départ. Le contexte socio-économique global actuel est largement favorable à ce nouveau départ. La synergie des compétences et des aspirations entre les dirigeants, les forces vives, la société civile, les intellectuels et la diaspora sont une urgence pour relever le défi de la souveraineté et du rayonnement du continent.
Dans cette aspiration d’influence, aucun Africain ne doit perdre de vue de ce que représente le potentiel continental au XXIe siècle. Il ne saurait y avoir un nouveau monde sans une nouvelle Afrique émergente.

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