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Henry MARTY-GAUQUIÉ : « Il nous faut une vision d’avenir en réponse à l’espoir des pays sud-MED en Transition démocratique »

Tous pays EUROMED-AFRIQUE | 15 avril 2011 | src.LeJMED.fr
Henry MARTY-GAUQUIÉ : « Il nous faut une vision d'avenir en réponse à l'espoir des pays sud-MED en Transition démocratique »
Marseille -

“Crises et sorties de crises en Méditerranée”, tel était le thème de l’Entretien de l’association Euromed-IHEDN, organisé à Marseille lundi 11 avril 2011. Henry Marty-Gauquié, l’unique conférencier, dont on sait qu’il est le Directeur représentant la BEI à Paris, mais qui s’exprimait à titre personnel, sut maintenir l’intérêt de l’auditoire pendant plus d’une heure, grâce à un exposé particulièrement exhaustif, à la fois analytique et prospectif… encore rehaussé par l’expression forte d’un nécessaire engagement d’avenir de la part de l’Union européenne vis-à-vis des pays sud-méditerranéens en Transition démocratique.
Voici le compte rendu quasi-intégral de cette conférence.

Photo ci-dessus : Henry Marty-Gauquié s’apprêtant à donner sa conférence, “Crises et sorties de crises en Méditerranée”, dans les cadre des Entretiens de l’association Euromed-IHEDN, à Marseille, le lundi 11 avril 2011. © LeJMED.fr - avril 2011


La crise ? quelle(s) crise(s) ?… Se voulant pédagogue, Henry Marty-Gauquié commença par rappeler la définition du mot “crise” : « mouvement caractérisé par une évolution décisive, en bien ou en mal ».
« En ce sens, la Transition démocratique en Méditerranée est bien une crise : elle s’inscrit dans un enchaînement de crises qui, chacune, a été un facteur aggravant de l’épisode suivant », déclara l’orateur, avant de détailler son propos.


L’analyse : une décennie de crises
successives dont les effets s’amplifient

La couverture d’une récente édition du mensuel « Le Courrier de l’Atlas », publié à Paris, que Henry Marty-Gauquié à montrée aux participants à la conférence, estimant que « l’allure, le maintien, le sourire tranquille de cette jeune femme égyptienne portent témoignage de la fierté reconquise par le peuple ». © DR

Au cours de la décennie écoulée, la Méditerranée a été le réceptacle des impacts successifs de plusieurs crises ayant toutes leur origine en dehors de la région, mais ayant agi comme autant de traumatismes collectifs.

Comment ne pas commencer par le 11 Septembre 2001 ? Celui-ci a généré, estime Henry Marty-Gauquié, une « crise identitaire, avec le repli sur soi des États et des peuples, conjugué à une sur-réaction – la doxa occidentale de la lutte contre le terrorisme - dont il est résulté un délitement de la coopération internationale et le ralentissement du projet européen ».

Effet collatéral, parmi d’autres, sur la Méditerranée : la Déclaration du Sommet de Paris (13 juillet 2008), acte fondateur de l’Union pour la Méditerranée, porte des références explicites à la question sécuritaire, thème qui était absent dans le cadre antérieur de la coopération euromed (le Processus de Barcelone, 1995), dont les visées affirmaient au premier rang l’ambition économique, sous le bénéfice des Accords d’Oslo.

Autre dommage collatéral du 11 Septembre 2001 : le prolongement des régimes autoritaires dans les pays du sud, car perçus par l’Occident comme des facteurs de stabilité, des remparts face au terrorisme et à l’immigration incontrôlée.


À ce traumatisme du début du millénaire sont venus s’ajouter trois autres crises de grande ampleur.

Une vue du public durant la conférence, dans l’amphithéâtre de l’Institut de médecine tropicale du service de santé des Armées, à Marseille. © LeJMED.fr - avril 2011

D’une part, la prise de conscience de l’enjeu climatique et de ses conséquentes tensions économiques : l’Union européenne applique les accords de Kyoto, mais elle est la seule économie régionale à le faire, tandis que les tensions entre États ont conduit à l’échec du Sommet de Copenhague, en décembre 2009, avec pour conséquence qu’aucun mécanisme international de solidarité n’a été mis en place en faveur des pays en voie de développement. Or, la Méditerranée sera particulièrement impactée par le réchauffement climatique. Pour des raisons que le bons sens suffit à percevoir d’évidence, mais qui ont aussi été mesurées par l’étude BEI/Plan Bleu, publiée en juillet 2008.

La crise de la sécurité alimentaire, corollaire de l’envol du prix des matières premières, a débuté en 2007 et perdure, provoquant en Méditerranée des tensions sociales, des émeutes populaires (Algérie, Syrie), prémisses de soulèvements qui, combinés à d’autres facteurs, aboutiront parfois à d’authentiques révolutions (Tunisie, Égypte).

La crise économique mondiale, qui se révèle en 2008, vient bien sûr aggraver la situation : les pays sud-méditerranéens, qui n’ont aucune responsabilité dans la crise financière, encaissent néanmoins de plein fouet les effets de la récession européenne du fait de l’effondrement de leurs flux extérieurs (chute du commerce extérieur, des IDE, du tourisme, des transferts d’argent des migrants…) ce qui déclenche une forte baisse de la croissance (perte de 4 % du PIB en moyenne, en une seule année) et la brutale dégradation des comptes publics.

Face à cela, la plupart des gouvernements nationaux ont réagi d’une manière « courageuse », estime Henry Marty-Gauquié, mais la dégradation économique est telle que la montée des tensions sociales débouchera sur les soulèvements et, quand ils réussissent, sur la Transition démocratique.

Côté Occident, poursuit le conférencier, le problème est que nos sociétés ont réagi de manière affective à chacune de ces crises, en projetant leurs peurs : « chacune de ces crises a d’abord été perçue comme une menace, et non comme un risque. Or, à une menace on oppose “la peur du changement“ ; à un risque, on peut répondre par une analyse, puis par des mesures préventives ou curatives. »

Et selon Henry Marty-Gauquié, ces réactions affectives expliquent que nos gouvernements ont été désorientés, d’où leur retard à définir une réponse raisonnée (cf. en particulier, l’automne 2008 en Europe) et l’incapacité à réorganiser en profondeur le concert mondial et la régulation des marchés, des produits et des acteurs.


Comment la combinaison des crises a abouti
à la Transition démocratique en Méditerranée

Après la conférence, lé débat… avec les membres de l’Association EuroMed-IHEDN, dans un restaurant marseillais de renom qui est aussi une librairie, « Les Arcenaulx » © LeJMED.fr - avril 2011

Il n’y a pas
de spécificité
méditerranéenne
dans le processus
de Transition
démocratique ;
en revanche,
des facteurs propres
à la Méditerranée
ont accéléré
son déploiement.

En effet, estime Henry Marty-Gauquié, la Transition démocratique en Méditerranée s’est déroulée selon un processus révolutionnaire classique, « ni marxiste, ni islamique » : si une situation de désespoir économique – cf. Mohamed Bouazizi, en Tunisie à Sidi Bouzid, et plus récemment en Syrie : dans le mouvement parti de Deraa, ville plutôt prospère, la dimension de désespoir économique est néanmoins présente, car cette localité a subi un important afflux de « réfugiés climatiques » fuyant la sécheresse du nord du pays – peut suffire à déclencher une émeute (comme en France en 1786), celle-ci ne débouche pas forcément sur une situation révolutionnaire. Sauf si cet ingrédient préalable se combine à d’autres facteurs, estime l’orateur, qui les a détaillés pour son auditoire :

 La fin de la peur chez un peuple qui prend conscience que le seul rempart d’une dictature est avant tout la peur qu’elle inspire (cf. France 1789, Budapest 1957, Berlin 1989...).

 Le ressenti d’un sentiment de collectif de dépossession, de confiscation à la fois économique (fortune des Trabelsi, famille de l’épouse Ben Ali, tout comme à Paris en 1789 l’opinion s’était révoltée à l’encontre de la fortune de la famille Polignac, proche de Marie-Antoinette) et politique (la fierté nationale est perçue comme soumise à d’autres intérêts que ceux du pays ; cf. Roumanie 1990).

 La force d’une jeunesse éduquée, moteur de la plupart des révolutions européennes du XIXe siècle (France 1789 et 1830 ; Allemagne 1830 ; Italie du Risorgimento) et de certaines autres révolutions du XXe siècle (Russie en 1905, Pologne, RDA et Tchéquie en 1989).

Ainsi, la Transition démocratique s’est faite en référence à des valeurs universelles, souligne le conférencier pour s’en féliciter : « Il s’agit de l’aspiration au « droit d’exister » économiquement (emploi, état de droit) et politiquement (dignité, respect, liberté, démocratie) ; il s’agit aussi de la volonté de reconquête d’une fierté nationale, surgissant des peuples et traduite par des slogans comme : “Nous vivons une nouvelle libération”, ou “C’est une seconde décolonisation”.

« Vous aurez aussi noté, souligne Henry Marty-Gauquié, qu’aucun mot d’ordre anti-occidental ou favorable à des références islamistes n’est apparu pendant ces événements – ce qui marque une grande différence avec la révolution iranienne – et qu’à ce jour, les mouvances islamistes ont été dans l’incapacité de récupérer les mouvements porteurs de la Transition démocratique… ».


Des facteurs spécifiques à la Méditerranée
accélèrent la transition démocratique

Si la Transition démocratique en Méditerranée s’est jusqu’ici déroulée selon un processus « classique », certains facteurs ont agi comme un accélérateur, a considéré Henry Marty-Gauquié.

Ce sont :
 Le mélange détonnant de la proximité géographique et culturelle avec l’Europe, combiné à l’asymétrie économique et à la circulation des images : ce mélange a renforcé le sentiment de frustration et accéléré la prise de conscience que la peur pouvait être surmontée. À cet égard, l’on peut considérer que les images des protestations en Grèce, Espagne et Portugal aux plans de rigueur en réponse à la crise économique ont sans doute contribué à influencer les populations du sud.

 L’absence de libertés politiques, conjuguée à la disponibilité de médias virtuels de l’Internet (comme les réseaux Twitter et Facebook, finalement peu contrôlables par un sous-système national, malgré les tentatives constantes des gouvernants) a renforcé la prise de conscience et accéléré la diffusion des mouvements. Ici, on touche d’ailleurs à l’une des conséquences des deux guerres du Golfe : la volonté des opinions de disposer de médias capables de véhiculer une « vision arabe » de l’actualité internationale (cf. la création de la chaîne TV Al Jazeera).

 La superposition de deux asymétries, économique et démocratique : les pays démocratiques du nord ont ostensiblement préféré soutenir les régimes autoritaires du sud, provoquant ainsi une dégradation forte de l’image de l’Europe parmi les opinions du sud. Ainsi, à la frustration économique, s’ajoute, au sud, une vexation politique face à l’obsession européenne du contrôle des frontières et de sa sécurité énergétique. Et ce, alors même que les dissensions internes à l’Europe l’empêchent de définir une véritable « politique de voisinage » adaptée aux besoins et aux spécificités de ses voisins du sud et de l’est, dont les problématiques ne sont pas comparables.


Les conséquences économiques de la crise mondiale
et de la Transition démocratique

Parfois, les études économiques prospectives prédisent véritablement l’avenir !…

Tel est le cas de l’étude réalisée pour la BEI par le FEMISE, sous la direction du Professeur Jean-Louis Reiffers, et rendue publique le 29 novembre 2010 : « Toutes les prémisses du soulèvement démocratique de janvier-février y étaient déjà évoquées ! », s’exclame Henry Marty-Gauquié, avant d’en condenser les enseignements pour son auditoire.

Sur les effets de la crise économique, schématiquement :

 les pays du sud n’ont pas été contaminés par la crise financière, mais ils ont fortement subi la récession des pays de l’OCDE, et particulièrement de l’Europe (au total, -2 à -4 points de croissance, mais pas de récession).

 Ils ont fait preuve de détermination dans leur réponse à la crise et démontré une résilience plus forte que les pays de l’OCDE. Après crise, ils conservent une capacité de croissance 2 à 3 fois supérieure à celle de l’UE et à celle des pays d’Europe orientale. À court terme, cependant, cette capacité de croissance se trouve obérée par les effets de la Transition démocratique, qui a entraîné une désorganisation économique certaine.

Les enjeux de l’après crise sont :

 Trouver 2 points de croissance en plus (jusqu’à 7-8%) pour financer les nouveaux emplois (50 millions à créer d’ici à 2030) et le retard en infrastructures (300 Mds € d’investissements nécessaires d’ici à 2030) ;

 Une croissance plus inclusive, assurant un meilleur partage des richesses entre les classe sociales et un meilleur équilibre des territoires, donc la réduction de la pauvreté et l’emploi aux jeunes, notoirement insuffisants .

 Une croissance plus innovante, fondée sur la refonte des systèmes d’éducation et de formation, une politique sélective des investissements directs étrangers (assurant le transfert des savoir-faire et la création de valeur locale), l’appui à l’innovation dans les entreprises (nouveau cadre fiscal, développement du secteur financier, instruments de garantie, etc.), la mise en relation universités-entreprises et la gestion des réseaux. Ceci pour enrichir le contenu qualitatif des emplois, notamment pour les jeunes diplômés

 Une plus grande intégration régionale pour nourrir la croissance (intégration sud-sud) et inscrire les économies du sud dans la chaîne de valeur euro-méditerranéenne, l’intégration sud-nord permettant de mieux sécuriser les emplois au sud.

De gauche à droite sur la photo : Mme Dominique Guillaume, Secrétaire générale du Club Top 20 (Chambre de Commerce et d’Industrie de Marseille Provence - CCIMP) ; le contre amiral (2S) Jean-François Coustillière, Directeur de l’Association EuroMed-IHEDN, organisatrice de la conférence ; deux autres membres de l’association. © LeJMED.fr - avril 2011

« Tout ceci, commente Henry Marty-Gauquié, suppose de profonds changements sociétaux – éducation, famille, fiscalité, justice… –, la modernisation des politiques publiques des grands secteurs économiques (urbain, énergie, eau, transports, secteur financier, etc.) et la redéfinition des systèmes de coopération régionale – processus de Barcelone, UpM, Dialogue 5+5, Accords d’Agadir – qui ont démontré leur insuffisance par rapport aux enjeux. C’est pour contribuer à élaborer ensemble des réponses opérationnelles à ces nombreux défis que la BEI et la Banque mondiale, avec l’appui de six gouvernements, ont mis en place dès 2009 le Centre de Marseille pour l’Intégration en Méditerranée (CMI), dont l’objet est d’accélérer la modernisation des politiques publiques de tous les secteurs précités. »


Les effets économiques de la Transition démocratique

Au plan économique, les effets immédiats de la Transition démocratique viennent s’ajouter à ceux de la crise, note Henry Marty-Gauquié.
En voici les ingrédients :

 De fait, là où il n’y a pas eu de destructions massives (cf. Libye), on constate au moins une perte d’attractivité et un arrêt brutal de pans entiers de l’économie. En Tunisie par exemple, cela s’est concrétisé par une chute de 44 % des revenus du tourisme, dont -75% de nuitées d’hôtel, en janvier-février 2011.

 D’autre part, on observe des prises de mesures, dans l’urgence, à caractère incontestablement social, mais ayant pour effet d’affecter durablement la compétitivité de l’économie : ce sont les subventions aux prix alimentaires (Syrie, Algérie, Égypte, Tunisie), la hausse des salaires publics (Syrie, Jordanie, Algérie), l’embauche massive de chômeurs. Par exemple en Égypte, le ministre des Finances Samir Radwan promet de créer 1 million d’emplois dès l’année 2011 ; en Tunisie, le gouvernement intérimaire a annoncé la « création » de 60 000 emplois en mars-avril, soit 20 000 fonctionnaires, 20 000 employés du parapublic et 20 000 emplois privés subventionnés.

 Enfin, les gouvernements de transition ont à gérer les perceptions et le ressenti de l’opinion publique : dans les pays à ce jour en train de réussir la Transition (la Tunisie et l’Égypte), l’opinion associe le secteur privé à la corruption-collaboration avec l’autocratie déchue, tout en mettant en cause l’impartialité de l’État dans sa conduite de la transition.


Annoncer une vision pour l’avenir
et gérer les attentes dans le temps

Que faire ?… Riche de son expertise des relations bilatérales et multilatérales avec les pays du sud, Henry Marty-Gauquié rapporte que, lorsque l’on interroge les représentants des pays du sud, « leur demande immédiate est celle d’un appui à la gestion de la transition. Cette attente recoupe trois thématiques “transversales” : comment conjuguer gouvernance et démocratie dans la mise en œuvre des politiques publiques ? Comment définir les priorités pour une “nouvelle croissance” avec ses multiples composantes, à commencer par l’accès aux biens publics essentiels (eau, énergie, transports, etc.), l’éducation, le soutien à l’innovation et à l’épanouissement du secteur privé porteur des créations d’emplois (TPE, PME…) ? Comment favoriser l’intégration, par la mobilité des personnes et des flux économiques, avec quelles institutions, nouvelles ou réformées ? »

Selon Henry Marty-Gauquié, la réponse devra s’articuler à la fois au plan économique et politique. Et vite !

Du point de vue économique, l’orateur considère que les actions à engager se décomposent en trois phases d’aide :
 Sur le très court terme : rétablissement urgent de l’équilibre des comptes publics (soit par une restructuration de la dette extérieure, soit par de l’aide à la balance des paiements, soit par des dons).

 Sur le court/moyen terme : mise en place d’outils au soutien à l’économie privée (augmentation des capitaux à risques, fonds de garantie PME, instruments de cautionnement mutuel, contre-garanties bancaires, etc.). Parallèlement, modernisation du cadre juridique, fiscal et administratif des entreprises.

 Sur le moyen/long terme : augmentation substantielle de l’aide remboursable (la BEI s’est engagée, dès le 3 mars 2011, à doubler son aide à la Tunisie et à soutenir 6 milliards d’investissements sur la région d’ici à 2013) ; appui à la modernisation des politiques publiques (CMI) ; mise en place de nouveaux instruments de coopération régionale.

Le phasage politique est crucial :

 Les gouvernements de transition ne sont pas à même de s’engager sur le moyen/long terme (ni politiquement, ni financièrement) ;

 Cependant, les besoins d’aide sont urgents ; ils doivent être apportés mais avec une conditionnalité démocratique ;

 C’est pourquoi, il faut présenter dès à présent une offre d’aide rénovée et annoncer une vision pour l’avenir, le tout assorti d’une conditionnalité démocratique phasée.

C’est ce qui a été fait en Europe après la chute du Mur :

 1990 : réunification allemande et prise en charge des nouveaux Länder par la RFA avec le soutien les fonds structurels européens ;

 1991 : création de la BERD et mise en place des instruments d’aide d’urgence pour l’ensemble des pays d’Europe centrale et orientale ;

 1993 : annonce du processus d’adhésion : définition de critères politiques (Conseil européen de Copenhague) et mise en place des instruments de préadhésion : PHARE et TACIS.

 2005 et 2007 : deux élargissements de l’Union


L’Union européenne peine à se mobiliser

Affaiblie par une décennie de repli des États et un axe franco-allemand peu opérant, l’Union européenne peine à se mobiliser (cf. Sommet UE-OTAN et UE sur la Méditerranée : 16-17 mars 2011) sur les enjeux externes ; si l’on observe une reprise de l’intégration économique en 2009-2010, celle-ci se fait principalement sur un enjeu interne à l’Europe : la réponse à la crise mondiale et la gestion de la crise des dettes souveraines, (mise en place des FESF et FESM).

Face à la Transition démocratique dans les pays Méditerranéens, la rénovation de l’offre, comme la définition d’une vision sont difficiles à définir : pas de marge de manœuvre budgétaire, pas de consensus sur les priorités, réaction toujours gouvernée par la peur, comme le montre la “gestion” de la problématique des migrants à Lampedusa. Donc, pas de nouvelle institution financière (le Rapport Milhaud n’a pas été examiné par les Chefs d’État le 17 mars) ; pas d’offre sur l’adhésion (incompatible avec les opinions publiques européennes).

Pour autant, une offre d’aide à court terme se dessine : la Haute Représentante pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité de l’Union, Mme Catherine Ashton, propose un « partenariat pour la démocratie et la prospérité partagée » et, lors de son voyage à Tunis les 11-12 avril, le Président Barroso annonce une aide d’urgence de 140 millions à la Tunisie et évoque une aide globale aux pays de la Méditerranée de 4 milliards d’euros en 2011-2013.

Cependant, s’il faut saluer ces progrès de court terme, il reste que l’Europe ne s’est pas encore prononcée sur une vision mobilisatrice de long terme ; le statut de « partenaire avancé » obtenu par le Maroc fin 2008 (et souhaité pour la Tunisie par le gouvernement Ben Ali) est, à l’évidence, insuffisamment mobilisateur pour les opinions.


Une piste à explorer : le statut de pays associé

Le statut de « pays associé à l’Union » (comme la Norvège ou l’Islande) présente plusieurs avantages :

 il est peu coûteux en comparaison d’un soutien à l’adhésion ;
 il offre une intégration économique, mais pas politique ;
 il est respectueux des efforts de transition, mais stipule clairement la conditionnalité de convergence politique et économique, reconnaît à ces pays le statut de pays « euro-compatible » et soutient financièrement leurs efforts.


La Transition démocratique : un vrai message d’espoir

Tant du point de vue politique qu’économique, la réussite de la Transition démocratique serait un vrai message d’espoir et de Paix en Méditerranée.

Du point de vue politique, la Transition réussie affirme :

 Le changement du « logiciel politique » des sociétés arabes : là où les sociétés étaient institutionnalisées et éduquées, les régimes autocratiques se sont rapidement effondrés sous l’effet d’un mouvement animé par des références universelles.

 La fin de la « séquence du 11 septembre » : pas plus que les régimes policiers, les islamistes n’ont vu venir la « révolution Twitter » et l’aspiration à des valeurs sur lesquelles ils n’ont pas de prise : liberté, dignité, droit des femmes, prospérité, etc.

 Le triomphe du « modèle turc » ? Dans les sociétés institutionnalisées (Tunisie), l’évolution tend à la reproduction du modèle institué par l’AKP turc, celui de la synthèse entre une bourgeoisie libérale (et occidentalisée) avec une classe moyenne pieuse (souvent d’origine rurale), mais acceptant la modernisation sociétale, au prix d’une laïcité modérée. « Il est vrai, note sur ce point Henry Marty-Gauquié, que le statut turc de pré-adhésion à l’UE en a été longtemps un puissant vecteur ».

Du point de vue économique, la Transition apporterait :

 Une croissance plus inclusive, porteuse d’emplois et d’un meilleur équilibre social et territorial, gages d’une baisse des tensions (internes et externes) ;

 Une croissance plus innovante, porteuse de plus d’équilibre entre le sud et le nord et, in fine, d’une meilleure intégration régionale, donc offrant un moteur de croissance durable pour l’Europe (comme ce fut le cas avec les PECOS depuis 1995) et plus de sécurité économique pour le sud (inscription dans la chaîne de valeur euro-méditerranéenne) ;

 Une baisse généralisée des tensions, donc une relance de la relation Europe-Méditerranée et… une réouverture du dialogue israélo-arabe (?), à condition que l’Europe et Israël changent, eux aussi, leurs « logiciels politiques ».


« On le voit, les montants financiers en jeu sont sans commune mesure avec le coût d’un échec de la Transition démocratique en Méditerranée », estime Henry Marty-Gauquié.

« En tout état de cause, il faudra prévoir : un effort d’accompagnement de vingt ans, des contradictions (repli identitaire des sociétés arabes, la tentation pour des politiques de préférence nationales, etc.), des incohérences dans la manifestation des besoins… Mais, au bout du chemin : une Méditerranée plus prospère, apaisée, ayant enfin une identité et une gouvernance régionale, sans laquelle la région restera toujours en marge de la mondialisation !

« Nous sommes face à des événements et à une occasion historiques ! À nous de ne pas rater cette chance, la dernière peut-être. Car si nous n’accompagnons pas les pays du sud méditerranéen en Transition démocratique, alors oui, nous pourrons craindre un rejet de nos valeurs, et une montée certaine de l’insécurité dans la région », conclut Henry Marty-Gauquié.


Alfred Mignot


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Corrélats
 La Déclaration du Sommet de Paris sur l’Union pour la Méditerranée (13 juillet 2008)

 Télécharger l’Étude BEI - Plan Bleu sur le changement climatique en Méditerranée (gratuit)

 Une ambitieuse étude du FEMISE pour la FEMIP :
« Quelle sortie de crise pour les pays Med ? »
(novembre 2010)

 L’Accord d’Agadir et l’Union pour la Méditerranée

 La création du Centre de Marseille pour l’Intégration en Méditerranée (octobre 2009)

 Le CMI met son action stratégique en phase avec la transition démocratique des pays sud-Med (avril 2011)

 Site du CMI de Marseille

 Philippe de Fontaine Vive, VP de la BEI, « patron » de la FEMIP :
« En Tunisie, la FEMIP renforce ses engagements dès 2011, jusqu’à 700 ou 800 millions d’euros »
(février 2011)

 Site de la Banque européenne d’investissement (BEI)

 Rubriques dédiées à l’action de la FEMIP (sur le site de la BEI)

 Pr Jean Marcou : « L’expérience turque de transition politique, un modèle pour l’Égypte post-Moubarak ? » (février 2011)

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