Gregory CLERC, DG Groupe Castel, devant le CIAN : « La réussite en Afrique repose sur la constance, l’humilité et la confiance dans les talents locaux »
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par Alfred MIGNOT, Directeur de AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse
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Face aux entrepreneurs du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN), Gregory Clerc ouvre son intervention avec l’humour et la modestie d’un dirigeant « débarqué au pied levé », puisqu’il remplaçait le premier orateur prévu, le dirigeant malgache Hassanein Hiridjee, Président du Groupe Axian, retenu sur la Grande Île par les manifestations ayant conduit à la chute du président Andry Rajoelina.
« Je sais que vous ne m’attendiez pas forcément comme orateur, confie‑t‑il, mais je vais essayer de partager avec vous ce que signifie, à notre échelle, réussir durablement sur le continent africain », déclare pour commencer Gregory Clerc.
Le mot « réussite », tempère-t-il aussitôt, « doit toujours s’accompagner d’humilité ». Je me considère comme un Africain positif », explique‑t‑il. « L’Afrique n’est pas seulement le continent de demain ; elle est aujourd’hui déjà un territoire de transformation structurelle et d’opportunités concrètes. »
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Castel, une empreinte
durable sur le continent
Créé en 1949 dans le Bordelais, le Groupe Castel s’est imposé comme « premier producteur de vin en Europe et troisième au monde ». Mais son cœur battant se trouve désormais au sud du Sahara : « Nous opérons dans 22 pays africains, avec une présence industrielle qui englobe 23 régions », précise Gregory Clerc.
Le groupe y revendique plus de 100 000 emplois directs et indirects dans l’industrie des boissons (brasserie, vin, autres boissons) ainsi que dans les filières agro-industrielles intégrées (sucre, verre, logistique).
Cette intégration verticale constitue, selon lui, « la clé de notre modèle ». Elle permet au groupe de se protéger des crises monétaires, comme celle de 2023 en Angola, où « la dévaluation de 68 % de la monnaie nous a frappés de plein fouet … Nous avons tenu grâce à la réactivité des équipes locales et à notre volonté de renforcer le contenu local pour réduire la dépendance aux importations », précise‑t‑il.
Un an plus tard, les activités ont retrouvé leur niveau d’avant-crise. Pour lui, « c’est la preuve qu’en Afrique, la réussite repose avant tout sur la constance ».
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« Rester, même dans
les moments difficiles »
À ceux qui envisagent de se retirer du Continent, Gregory Clerc oppose une stratégie sans ambiguïté : « Nous sommes arrivés en Afrique en 1966 et nous ne l’avons jamais quittée. C’est cette constance qui fait notre force. »
Il poursuit : « La nature a horreur du vide. Quand une entreprise se retire, il y a toujours quelqu’un pour prendre sa place. » Le dirigeant cite l’exemple de sociétés internationales qui, après avoir quitté l’Afrique pour des raisons conjoncturelles, « cherchent aujourd’hui à revenir ».
Pour Castel, cette permanence s’accompagne d’un ancrage humain : créer des emplois, former des cadres africains, préparer la relève. Autant de dimensions que le groupe considère comme « des investissements de long terme, au même titre que les usines. »
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L’essor d’une nouvelle
génération africaine
« L’africanisation n’est pas un mot que j’aime beaucoup », dit Gregory Clerc, « mais la montée en puissance des talents africains, ça oui, je la revendique ! »
Il raconte les programmes de formation de brasseurs et d’ingénieurs, élaborés par Castel en partenariat avec des écoles belges : « Nous commençons souvent avec des jeunes sans diplôme, recrutés localement, que nous accompagnons jusqu’aux meilleures écoles du monde. » Le résultat est, selon lui, spectaculaire : « Le taux de réussite avoisine 100 %. Ces collaborateurs formés deviennent les directeurs industriels de demain, et surtout, ils restent en Afrique. »
Cette fidélité, il la voit comme la conséquence d’une relation de confiance : « Nous démontrons que nous croyons en eux. Ils nous le rendent au centuple. »
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Une RSE ancrée dans le réel,
pas dans le marketing
Gregory Clerc revendique une vision exigeante de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : « Je distingue la vraie et la fausse RSE », lance‑t‑il, déclenchant des sourires dans l’assistance. « La fausse RSE, c’est celle où l’on prend des photos d’expatriés ramassant des plastiques sur une plage. La vraie RSE, c’est celle qui transforme concrètement les territoires où nous opérons. »
Parmi les projets qu’il cite : le soutien à 18 000 agriculteurs indépendants à Madagascar, la réduction de 10 % de la consommation d’eau en deux ans dans les usines africaines du Groupe Castel, ou encore des programmes de valorisation des déchets industriels. « La quantité d’eau économisée équivaut à une colonne continue de camions‑citernes de l’Afrique du Nord à l’Afrique du Sud », illustre‑t‑il.
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« L’Afrique bouge, et nous
devons bouger avec elle »
Gregory Clerc insiste sur la transformation en cours : gouvernance améliorée, montée en compétence des administrations fiscales, urbanisation dynamique et accélération digitale.
« La jeunesse africaine est aujourd’hui éduquée, connectée et entreprenante », se réjouit‑il. « Nos propres concours, comme le Prix Pierre Castel, révèlent chaque année des projets d’une qualité exceptionnelle. »
S’il reconnaît des défis politiques et diplomatiques, il reste confiant : « Le continent connaît des cycles, et il faut savoir les traverser. L’essentiel est de garder le cap. »
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Un optimisme
pragmatique
« Je suis un Africain positif, répète‑t‑il. Oui, il y a des turbulences, mais il ne faut pas perdre de vue l’essentiel : l’Afrique est jeune, ambitieuse et pleine d’avenir. Ceux qui persévèrent y trouveront des réussites durables. »
En conclusion et sous les applaudissements nourris des participants, le Président Étienne Giros a salué une intervention « inspirante et concrète », louant « le regard d’un chef d’entreprise ancré sur le terrain et qui redonne tout son sens à l’investissement durable en Afrique. »
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