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France, Tunisie, Maroc : les industries textiles pénalisées par des largesses stupéfiantes de l’UE

France | 25 février 2012 | src.leJMed.fr
France, Tunisie, Maroc : les industries textiles pénalisées par des largesses stupéfiantes de l'UE
Paris -

Sur les 2 000 entreprises du secteur textile-habillement tunisien, 400 sont à capitaux français ou mixtes tuniso-français, et on trouve une situation comparable au Maroc. Or, l’Union européenne accorde des largesses absolues – zéro droits de douane – à certains pays comme le Pakistan ou la Turquie, qui réexporte en Europe ses importations de textile chinois, parfois en l’état… Au bénéfice de qui ? Au détriment de qui ?

Photo ci-dessus : Jean-François Limantour. © Alfred Mignot


Tribune Libre – Titre original :

N’oubliez pas la Tunisie et le Maroc !

par Jean-François Limantour
Texaas Consulting

Le thème de la réindustrialisation de la France est au cœur de la campagne électorale. Chacun y va de son couplet, de gauche à droite de l’échiquier politique, avec des slogans tels que « Achetez Français » ou « Made in France ». Ce sont parfois d’ailleurs les mêmes qui, dans le passé, prônaient l’internationalisation des moyens de production et soutenaient le processus d’ouverture béante de nos frontières à l’Asie, au nom de la mondialisation.

Depuis le début des années 1980, le secteur textile-habillement français a ainsi été lourdement mis à contribution, contraignant de nombreuses entreprises à mettre la clé sous le paillasson ou à délocaliser la fabrication pour pouvoir conserver dans l’hexagone la création et la commercialisation des vêtements, et sauver des dizaines de milliers d’emplois.

Pour l’essentiel, ce mouvement de délocalisation a été mené vers le Maghreb, principalement pour des raisons de proximité et de compétitivité des coûts de facteur. Il a été conduit avec succès. En 2011, le Maroc et la Tunisie étaient respectivement les 5e et 6e fournisseurs extra-européens de la France en habillement et constituaient les deux premiers marchés extra-UE d’exportation de l’industrie textile française : Tunisie n°1, Maroc n° 2.

Sur les 2 000 entreprises du secteur textile-habillement tunisien, 400 sont à capitaux français ou mixtes tuniso-français et on trouve une situation comparable au Maroc. Ces entreprises françaises implantées au Maghreb sont créatives et exportatrices, développent des stratégies de valeur ajoutée et de marques, créent et conservent des emplois qualifiés en France.


La Turquie, cheval de Troie du textile chinois en Europe

A l’évidence, ce modèle économique performant doit être soutenu et dynamisé. Or, c’est tout le contraire. En voici deux exemples : depuis le 1er juillet 1996, la Turquie est en « union douanière » avec l’Union européenne. Ce régime très préférentiel permet à la Turquie d’exporter sans droits de douane vers les marchés européens des vêtements fabriqués avec des tissus asiatiques et même de réexporter en l’état à droits nuls vers l’UE des vêtements chinois, indiens, vietnamiens... importés par les entreprises turques. Ceci explique pour partie les succès de la Turquie, second fournisseur de l’Europe aussi bien en textile qu’en habillement, derrière la Chine.

Indéniablement, les entreprises implantées au Maghreb, tant françaises que tunisiennes et marocaines, ont ainsi du « plomb dans les sacoches » face aux concurrents turcs. Voilà pourtant des années qu’elles demandent à être mises sur un pied d’égalité avec les Turcs. Pourquoi la Turquie est-elle mieux traitée par la Commission européenne ? Au nom de quels principes traite-t-on plus mal la Tunisie et le Maroc, pays amis de la France et soi-disant de l’Union européenne ?

Autre exemple récent et scandaleux : celui du Pakistan. Le 1er février 2012, l’OMC a autorisé l’Union européenne, à la demande de celle-ci, à importer à droits nuls des produits pakistanais, notamment des vêtements, pour aider le Pakistan victime de graves inondations... il y a deux ans ! La demande de l’Union européenne, approuvée par l’OMC, est d’autant plus contestable et injustifiée que ces inondations n’ont absolument pas affecté les exportations pakistanaises. Le Pakistan a en effet accru sensiblement ses exportations de textile-habillement vers l’UE en 2010 et en 2011.

En 2010, le Pakistan s’est hissé à la sixième place comme fournisseur de l’UE en textile-habillement, pour une valeur de 2,6 milliards d’euros, en augmentation de 13,6 % par rapport à 2009. Au cours des 11 premiers mois de 2011, les exportations d’habillement du Pakistan vers l’UE ont augmenté de 27 % et celles de textiles de 22 % !!!

Une fois de plus, le secteur est mis à contribution et sert de monnaie d’échange pour des problèmes qui ne le concernent pas. Les principales victimes de cette décision absurde seront les exportateurs français et maghrébins... et leurs salariés, y compris en France. En France, du côté des « responsables » politiques de tous bords, personne n’a protesté. Quel silence assourdissant !


Jean-François Limantour
Texaas Consulting

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