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France, Allemagne, Japon…
tout le monde
veut sa part d’Afrique !

20 juillet 2017
France, Allemagne, Japon… tout le monde veut sa part d'Afrique !
À Nairobi le 28 août 2016, lors de la Ticad VI (conférence japonaise dédiée au développement de l’Afrique), le Japon s’est engagé à investir 27 milliards sur les trois prochaines années.


Sur la photo : le Premier ministre japonais Shinzo Abe entouré de plusieurs officiels participant à la pré-conférence ministérielle au Kenyatta International Convention Centre. (© UN)

par Alfred Mignot, @alfredmignot (08/11/2016, 1072 mots)

Ces derniers mois, deux acteurs majeurs ont fait connaître leurs ambitions africaines : le Japon avec force, l’Allemagne avec timidité. La France, quant à elle, mise sur le sommet de Bamako, en janvier prochain, pour se relancer.

Fin août à Nairobi (Kenya), les Japonais ont créé la surprise : à l’occasion de la Ticad VI (conférence japonaise dédiée au développement de l’Afrique), le pays du Soleil levant s’est engagé à investir quelque 27 milliards d’euros en Afrique sur les trois prochaines années, dont 10 dans les infrastructures du continent. Soixante-treize accords ont été conclus entre sociétés africaines et japonaises, couvrant des secteurs tels que l’énergie, la nourriture et les infrastructures, mais aussi la santé, la finance et la sécurité.

Le Japon accélère en Afrique pour y contrer la Chine

« Il est évident que la force du secteur privé sera essentielle si l’Afrique veut poursuivre sa croissance », a déclaré le Premier ministre japonais Shinzo Abe, devant une trentaine de chefs d’État lors de la session de clôture de la Ticad, organisée pour la première fois sur le sol africain, et non au Japon comme c’est le cas depuis l’édition inaugurale de 1993.

Cette confirmation et amplification de l’engagement japonais - lors de la Ticad V, en 2013, le pays du Soleil levant s’était déjà engagé à hauteur de 24 milliards d’euros d’aide, sur cinq ans - s’explique par un double objectif : d’une part, le Japon veut profiter de la diversification en marche de l’économie africaine, car elle offre des opportunités à divers secteurs d’excellence nippons, notamment l’énergie, l’assainissement des eaux, la planification urbaine ou encore la prévention des catastrophes naturelles ; d’autre part, le Japon vise à combler son retard sur son grand voisin chinois en Afrique, où les échanges commerciaux avec le Japon ne s’élevaient qu’à 24 milliards de dollars en 2015, bien loin des 179 milliards de dollars d’échanges du continent avec le géant chinois.

La Chine, maintes fois décriée pour ses contrats léonins, ses méthodes managériales et l’importation massive de travailleurs chinois au détriment de la main-d’œuvre locale, aurait néanmoins rendu « un service considérable à la croissance africaine ». C’est en tout cas l’opinion de Lionel Zinsou, ancien Premier ministre béninois et coprésident de la Fondation AfricaFrance, qui explique sa position dans un entretien exclusif accordé à La Tribune (lire ici).

L’Allemagne, encore timide et empêtrée dans ses contradictions

Très récemment, c’est Angela Merkel qui a affiché les ambitions allemandes en Afrique. À la mi-octobre, la chancelière a bouclé une tournée africaine consacrée à la sécurité et aux migrants avant de recevoir, à Berlin, les présidents du Tchad et du Nigeria.

Mais, autant son précédent voyage de trois jours au Nigeria, en Angola et au Kenya, en juillet 2011, avait été placé sous le signe de la coopération économique, autant le marathon de ce mois d’octobre aura porté l’accent sur les questions ­sécuritaires et migratoires.

En fait, contrainte par les critiques féroces à l’encontre de sa politique d’accueil massif des immigrés et l’échéance qui se rapproche d’élections législatives, en septembre 2017, la chancelière se sera finalement montrée plutôt timorée, y compris dans l’aide apportée au Niger, avec un modeste chèque de 17 millions d’euros, loin du « plan Marshall » espéré par le président Mahamadou Issoufou.

Pourquoi une telle timidité ? Lors d’un séminaire entre cercles de réflexion français et allemands, qui s’est tenu le 22 octobre à Berlin et dont le quotidien La Croix s’est fait l’écho, un consensus a émergé sur le fait qu’Angela Merkel négligeait naguère encore de bâtir une réelle politique « de voisinage » avec le flanc sud de l’Europe - on se rappelle qu’en 2007 elle avait sabordé l’Union de la Méditerranée, qui avait accouché en 2008 de l’Union pour la Méditerranée.

Aujour­d’hui, avec les yeux dessillés par la crise des migrants, elle semble disposée à prendre en compte la proximité prégnante des pays du Sud méditerranéen et, au-delà, du continent africain. Mais elle se trouve confrontée à un problème de taille : son opinion publique y est profondément hostile, elle « résiste à une politique étrangère forte », estime Martin ­Koopmann, directeur exécutif de la ­Fondation Genshagen. Reste que la France devrait s’estimer avertie : la chancelière ne considère plus l’Afrique subsaharienne comme le pré carré de l’Hexagone. Et pousser son avantage un jour lui sera d’autant plus facile que l’Allemagne est déjà, depuis plusieurs années, le premier partenaire économique de l’ensemble de l’Afrique du Nord, tandis que la France ne tient la première place qu’au seul Maghreb.

La Fondation AfricaFrance assurera-t-elle le réveil français ?

Des « opérateurs qui étaient assoupis dans des échanges assez mous »... lorsque Lionel Zinsou parle ainsi, on ne peut certes s’empêcher de penser à la France. Chacun sait, en effet, que tandis que la Chine gagnait d’immenses parts de marché, la France en perdait énormément : de 10,1 % en 2000 à 5,8 % en 2012, alors que pendant ce temps, la part de la Chine passait de 10,5 milliards de dollars en 2000 à plus de 200 milliards en 2013, ce qui fait de l’Empire du Milieu le premier partenaire commercial du continent, avec 13,5 % des échanges commerciaux.

Reconquérir ses parts de marché, c’est l’ambition affirmée - et assumée - par la France dès la création en 2013 de la Fondation AfricaFrance, voulue par le président Hollande, et dont l’action culminante lors de ce quinquennat devrait se produire au sommet France-Afrique de Bamako, les 13-14 janvier 2017. Et, osons le dire, ce devrait être un succès, car au moment où nous écrivons, déjà 50 États - l’Afrique en compte 54 - ont annoncé leur participation au plus haut niveau. En fait, si l’on peut s’autoriser ici un peu d’optimisme, c’est que le « galop d’essai » du sommet, les Rencontres Africa 2016 qui se sont tenues en septembre à Paris, ont remporté un énorme succès : plus de 2 000 entreprises participantes, des milliers de rendez-­vous d’affaires en tête-à-tête...

Eh oui, vous avez bien lu : entreprises. C’est le mot-clé qui régit le nouveau type de coopération entre la France et l’Afrique : moins institutionnelle, délibérément décentralisée et entrepreneuriale. « AfricaFrance est avant tout un réseau social d’entreprises », résumait d’une phrase Lionel Zinsou à La Tribune. On saura donc les 13-14 janvier à Bamako si l’Afrique comptera parmi les (trop) rares succès de ce quinquennat qui s’achève.
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Cet article a été publié une première fois sur le blog EuroMed-Afrique d’Alfred Mignot, sur LaTribune.fr, le 8 novembre 2016.

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