Forum Afrique du CIAN - Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire aux entreprises françaises : « Investissez en Afrique ! »
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par Bruno FANUCCHI pour AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse
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Même si l’on peut douter que la double crise sanitaire et économique liée à la pandémie de coronavirus, qui frappe le monde entier depuis plus d’un an et demi, soit définitivement derrière nous, les pays d’Afrique les plus touchés doivent se préparer à relancer des économies qui ont été brutalement mises à l’arrêt ou sont rentrées en récession, le vaste secteur de l’économie informelle ayant été frappé de plein fouet et de nombreux Africains ayant perdu leurs emplois du jour au lendemain.
« Nous mettons beaucoup d’argent dans les plans de relance, mais la situation est bien différente dans les pays africains (…) Il y a un grand risque de voir le Continent décrocher et rester derrière avec un niveau de croissance plus faible », a ainsi souligné Bruno Le Maire dans une entrevue accordée en amont à Nicolas Beytout, le patron de L’Opinion, et diffusée lors du Forum du CIAN.
Alors que « l’Europe, observe Bruno Le Maire, a mis en moyenne 25 % de son PNB pour soutenir l’économie des entreprises et les salariés », à ce jour les pays d’Afrique n’ont certes pas eu la possibilité de mobiliser des ressources comparables.
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Le Sommet sur le financement
« a donné de vrais résultats »
Le Sommet sur le financement
« a donné de vrais résultats »
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Dès lors, que peut-on faire pour venir au secours de l’Afrique et permettre aux économies du Continent de faire face ? Le Sommet pour le financement des économies africaines, qui s’est tenu à Paris le 18 mai « a donné de vrais résultats » et a marqué « notre volonté de renforcer le coopération et les liens entre la France et les États africains », se félicite le ministre de l’Économie et des Finances en confirmant que le président Emmanuel Macron a proposé que les pays riches, comme le fera la France, cèdent leurs DTS (Droits de tirage spéciaux) aux pays d’Afrique, et ces liquidités viendront s’ajouter à la modeste part revenant statutairement à l’Afrique, soit 33 milliards de dollars.
Avec ce dispositif de transfert des DST, l’objectif est ainsi d’« atteindre les 100 milliards de dollars en faveur du Continent et des pays qui n’ont pas pu faire de plans de relance et protéger leurs économies, à la mesure de ce que nous avons fait ».
« Nous avons mis le doigt sur la nécessité fondamentale d’apporter un soutien aux PME africaines. Il y a un tissu au secteur privé africain de PME, de TPE, de jeunes entrepreneurs africains qui est absolument exceptionnel », ajoute le ministre français, en rendant hommage à « l’excellent travail fait par l’Agence française du Développement (AFD) dirigée par Rémy Rioux, et qui investit énormément sur ce soutien au secteur privé africain ». D’où son message lancé aux entreprises françaises : « Investissez en Afrique ! ».
« Je vois beaucoup de grandes entreprises, poursuit-il, qui investissent en Afrique dans le transport, dans l’assainissement de l’eau, dans le bâtiment… c’est très bien, mais si l’on pouvait avoir davantage de PME qui investissent elles-aussi en Afrique », ce serait magnifique « même si l’export est toujours un risque »
Sur la gestion de la crise sanitaire, Bruno Le Maire se fait bien sûr plus modeste, observant que « personne n’a de leçon à donner à personne car on a tous avancé en tâtonnant : elle a pris tout le monde de court et il a fallu s’adapter et prendre des décisions au jour le jour dans des conditions parfois difficiles ». Dont acte !
« Ce qui est évident, en revanche, c’est que les États africains ont besoin de vaccins et la priorité immédiate, c’est de leur donner des vaccins », enchaîne-t-il, confirmant la promesse faite par la France - dans le cadre de l’initiative Covax - d’apporter 60 millions de doses dans l’immédiat, puis d’arriver à tenir l’engagement pris par le G7 d’« apporter un milliard de doses dès 2022 aux États africains. C’est cela l’urgence absolue ! »
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« Plus de 30 millions de personnes
ont déjà perdu leur emploi »
« Plus de 30 millions de personnes
ont déjà perdu leur emploi »
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« Il faut prouver que notre relation avec l’Afrique n’est pas qu’amicale et d’intérêt, elle est capitale », avait d’ailleurs souligné en ouverture du Forum Alexandre Vilgrain, président du CIAN (Conseil national des investisseurs en Afrique) en rappelant que ce Forum de Paris « n’a qu’ un seul but : développer nos entreprises sur le Continent qui est notre nouvelle frontière ».
Président de la BAD (Banque africaine de développement),Akinwumi Adesina (Photo © AM/APP) dresse dans la foulée un bilan des conséquences désastreuses de la pandémie sur les économies africaines, avec des chiffres réellement inquiétants : depuis le début de la crise, « plus de 30 millions de personnes ont déjà perdu leur emploi et plus de 30 millions d’autres sont tombés dans la pauvreté » sur le Continent qui a connu un taux de croissance négatif de – 2,1 % en moyenne, le plus bas depuis vingt-cinq ans. Et lance ce cri d’alerte : « Si l’on ne fait pas attention, cette année 39 millions d’autres vont perdre leur emploi ou tomber à leur tour dans la précarité ».
Car les dernières données économiques sont plus qu’inquiétantes. « Le PIB de l’Afrique a baissé entre 145 et 190 milliards de dollars », observe le patron de la BAD, en assurant cependant : « On n’est pas découragés. Mais, d’ici à 2030, l’Afrique subsaharienne a besoin de 245 milliards de dollars en financements additionnels et l’ensemble du Continent de 480 milliards de dollars au total » pour faire face et remonter la pente.
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« Magnifique » perspective ouverte
par la ZLECA, etime Akinwumi Adesina
« Magnifique » perspective ouverte
par la ZLECA, etime Akinwumi Adesina
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Dans cette perspective, il y a aussi des nouvelles qui peuvent changer la donne. Il s’en explique. « La chose la plus importante qui vient de nous arriver en Afrique, c’est l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA). C’est magnifique », se réjouit-il.
« Nous savons qu’il nous faut investir dans les infrastructures, ajoute-t-il, et nous avons créé un forum d’investissement en Afrique dont la première édition en 2018 a mobilisé 38,7 milliards de dollars de manifestations d’intérêt d’investissement en moins de 72 heures et 40,1 milliards en 2019 ». Et Akinwumi Adesina de rappeler les annonces faites la semaine dernière lors de l’assemblée générale de la BAD : « Pour opérationnaliser la ZLECA, nous avons préparé avec le secteur privé un pipeline de 230 projets pour 208 milliards de dollars ».
S’adressant enfin très directement aux investisseurs français réunis au Forum du CIAN, il leur a posé cette unique et simple question : « Si vous ne faites pas d’investissements en Afrique, je vous demande : où en ferez-vous ? ».
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Nicolas Dufourcq : « Il faut absolument
que l’on développe l’Afrique »
Nicolas Dufourcq : « Il faut absolument
que l’on développe l’Afrique »
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Nicolas Dufourcq, Directeur général de BPIFrance (Photo © AM/APP), rappelle quant à lui que, si « BPIFrance a lancé dès 2013 un plan Afrique », dans les années 2000 les PME françaises ont « raté » la Chine et les pays émergents… Il espère donc que cette fois-ci, « on ne vas rater l’Afrique, où il y a des opportunités d’affaires très importantes pour nos entrepreneurs, et pas seulement en Afrique francophone ».
« Après toutes ces années de guerre, où les entrepreneurs français s’étaient retirés de Côte d’Ivoire et furent souvent remplacés par des entrepreneurs libanais, Abidjan est redevenu un hub. Maintenant, le temps du retour et de l’investissement est venu », souligne-t-il, au lendemain de l’événement entrepreneurial Inspire & Connect - Africa organisé avec succès en juin à Abidjan, par Bpifrance.
Nicolas Dufourcq a aussi brièvement rappelé les outils efficaces mis à disposition des entreprises, comme les prêts sans garantie – « On en fait à peu près 600 millions par an » – et le crédit-export. « Nous faisons ainsi du crédit aux Africains qui achètent des biens d’équipement aux entreprises françaises. Cela concerne beaucoup les États souverains, mais aussi de plus en plus le secteur privé, avec des contrats entre 10 et 75 millions d’euros, pour une production de l’ordre de 300 à 400 millions d’euros pas an », confie-t-il , précisant : « Notre objectif est de changer de braquet et d’aller dans les années qui viennent sur 500 à 700 millions d’euros par an ».
Avant de conclure : « Je n’ai pas rencontré un seul entrepreneur à Abidjan qui ne me dise : C’est formidable ce qu’il y à faire ici. Ils sont tous unanimes (...) Si l’on pense à nos intérêts nationaux, il faut absolument que l’on développe l’Afrique. La Côte d’Ivoire par exemple, c’est 26 millions d’habitants, dont 4 millions de jeunes qui n’ont ni emplois ni formation et qui sont dans la rue ».
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Le PM ivoirien Patrick Achi : pour
« le développement spectaculaire du secteur privé »
Le PM ivoirien Patrick Achi : pour
« le développement spectaculaire du secteur privé »
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C’est d’ailleurs le Premier ministre ivoirien Patrick Achi (Photo © AM/APP) qui devait conclure la séance plénière du Forum, en intervenant en visioconférence à partir de son bureau à la Primature d’Abidjan.
Après être sortie d’une période très difficile, « la Côte d’Ivoire a connu de 2012 à 2019 un taux de croissance de 8 % par an, rappelle-t-il en donnant quelques statistiques en référence : « Dans le même temps, nous avons été capables de multiplier par deux notre PIB/habitant, de réduire notre taux de pauvreté ramené de 55 % à 39 %, de multiplier par trois notre taux d’investissement, passant de 8 % à 23 % » et de créer 8 millions d’emplois, ce qui représente le « défi majeur » dans un pays jeune où 70 % de la population a moins de 35 ans.
Mais « la croissance ne se mange pas », comme disent avec humour les Ivoiriens et comme le rappelle fort à propos Pascal Airault, de L’Opinion, qui interviewe à distance le chef du gouvernement ivoirien.
Soulignant la « très bonne résilience de l’économie ivoirienne » dans la crise actuelle, le Premier ministre se prévaut encore d’avoir rapidement mis en place « un plan de riposte sanitaire et un plan de riposte économique qui ont donné des résultats patents » et pris « des mesures de relance » qui ont permis d’injecter 2,5 milliards d’euros, soit 5 % du PIB, pour soutenir les entreprises et les populations les plus vulnérables.
En Côte d’Ivoire, « toute notre stratégie est fondée sur le développement spectaculaire du secteur privé, appuyé par le secteur public », conclut le Premier ministre car « l’État ne crée pas d’emplois ni de richesses, c’est le secteur privé ». C’est pourquoi « nous accordons une importance vitale au secteur privé, même s’il reste encore sous le contrôle de filiales de multinationales » et que l’« on n’a pas eu beaucoup de succès dans le développement de l’entrepreneuriat national ».
Pour l’instant…
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