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Étienne Giros, Président délégué du CIAN : « L’ouverture au secteur privé de l’aide publique pour l’Afrique est un plaidoyer que nous menons »

23 juin 2021
Étienne Giros, Président délégué du CIAN : « L'ouverture au secteur privé de l'aide publique pour l'Afrique est un plaidoyer que nous menons »
Dans son point d’actualité lors de l’AG du CIAN, qui s’est tenue récemment en phygital à Paris, Étienne Giros a tour à tour évoqué les conséquences de la Covid en Afrique, la nécessaire réforme de l’aide publique au développement, l’image de la France et de ses entreprises, la question de la dette et du financement de l’économie africaine. Tour d’horizon.

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par Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (APP)
@alfredmignot | @africa_presse

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Le Président délegué du CIAN (Conseil français des investisseurs en Afrique) a commencé son point d’actualité en évoquant d’abord brièvement les conséquences moins dramatiques que redouté de la pandémie de la Covid en Afrique. En effet, pour 1,2 milliard d’habitants, le nombre de morts se situe autour de 170 000, tandis qu’en France on recense 110 000 décès pour quelque 67 millions d’habitants.

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« La sinistrose n’est pas
de mise en Afrique »

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Côté économique, certains secteurs ont été durement touchés : le transport aérien, mais aussi les autres types de transports ; le tourisme, qui occupe une place prépondérante dans au moins dix pays d’Afrique et représente un grand nombre d’emplois, ainsi que d’importants investissements.

« Ce sont des secteurs vraiment au bord de l’asphyxie totale et qui ont besoin d’aide », a commenté le Président délégué du CIAN.
En revanche, a-t-il relevé, le secteur numérique, les télécoms, les services ont continué selon les pays évidemment, à fonctionner à peu près correctement. Certains « ont même fait assez paradoxalement une bonne année en 2020. Je le souligne parce que la sinistrose, je pense, n’est pas de mise en Afrique ! Il nous faut porter cette parole qui justifie encore plus les efforts à accomplir pour la relance, et nous incite maintenant plus que jamais à rester sur le Continent » a souligné Étienne Giros.

Une vue des participants à l’assemblée générale 2021 du CIAN. © AM/APP

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« L’aide publique au développement
doit absolument se réformer »

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La gouvernance de l’aide publique au développement est le second point d’actualité abordé par le Président délégué du CIAN, dont la position officielle est que « l’aide publique au développement doit se réformer pour augmenter son efficacité ».

Réfutant l’analyse radicale avancée par certains – il faudrait supprimer l’aide publique, au motif qu’elle a causé plus de déboires que de bienfaits –, à son avis « totalement erronée » Étienne Giros a argumenté la nécessité de réforme en citant une étude de la Banque mondiale, selon laquelle « 30 % de l’aide publique au développement n’arrive pas à destination in fine sur les objets de l’aide. Soit elle s’évapore, soit elle part dans des études, soit elle se dilue dans la lenteur… et donc il y a un réel problème d’impact ! ».

Il ne s’agit pas ici de stigmatiser quiconque, a souligné Étienne Giros, mais simplement de prendre en compte un problème d’efficacité. « Le message que nous portons, a-t-il poursuivi, est qu’il y a une manière d’améliorer l’efficacité de l’aide publique au développement. C’est d’y insuffler un peu de secteur privé. Le secteur privé n’est pas pestiféré, au contraire ! »

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La nécessité d’un « coup de pouce »
de démarrage au secteur privé

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Regrettant la posture idéologique archaïque mais répandue dans les milieux de l’aide au développement – « L’argent public ne doit pas aller au secteur privé » Étienne Giros a fait valoir le riche gisement de créativité et d’agilité qui caractérisent les entreprises du secteur privé. Mais celles-ci ont souvent besoin d’un fonds d’amorçage ou d’une aide pour démarrer, car les retours d’investissement sont très longs, parfois sur plusieurs décennies, comme on le sait bien pour les secteurs de l’énergie et de l’électricité – où des études ont montré la nécessité d’une subvention de démarrage de 30 % à 50 % de l’investissement, faute de quoi l’amortissement ne pourra se faire, même pas sur trente ans, du fait de la faiblesse du pouvoir d’achat local, ce qui empêche une facturation idoine.

D’autres secteurs que l’énergie et l’électricité relèvent de cette même problématique. Par exemple la santé, l’irrigation, les transports, le numérique : il leur faut un coup de pouce de démarrage, estime Étienne Giros. Ainsi, argumente-t-il, « la souplesse et l’inventivité d’une part, la nécessité d’un fonds d’amorçage, d’autre part, font que l’aide publique au développement et le secteur privé devraient se parler et travailler ensemble. Cela contribuerait à améliorer l’efficacité de l’aide publique, cela permettrait aux entreprises européennes ou françaises de se développer, en partenariat évidemment avec des entreprises africaines, et cela aurait un meilleur impact sur le terrain. »

Le Président d CIAN, Alexandre Vilgrain, et l’invitée d’honneur du déjeuner-débat, Anne-Laure Kiechel, Présidente-fondatrice de GLOBAL SOVEREIGN ADVISORY, Société de conseil économique et financier aux États, notamment africains. © AM/APP

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« Nous plaidons pour l’appel à projets
et non pas l’appel à candidatures »

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Outre l’argument idéologique – « L’argent public n’est pas là pour augmenter les bénéfices des investisseur » –, auquel le Président délégué du CIAN répond par la possibilité de rembourser la subvention si les résultats sont meilleurs qu’attendus, d’autres obstacles entravent une coopération optimale dans l’allocation des ressources de l’aide publique au développement. C’est le cas de l’aide déliée, ou encore l’interdiction de toute part de gré à gré et l’appel d’offre obligatoire.

« L’ouverture au secteur privé de l’aide publique pour l’Afrique est un plaidoyer que nous menons », relève Étienne Giros, précisant que « nous plaidons pour l’appel à projets et non pas uniquement pour l’appel à candidatures. Allons chercher les projets dans les cartons des entreprises privées et mettons-les au service du développement de l’Afrique. Bien que compliqué, c’est un beau combat. Et au moment où l’on parle beaucoup de la relance africaine et des nouveaux outils de financement, je pense qu’il y a là une voie pour mieux coopérer. »

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Les entreprises françaises en Afrique :
une meilleure image que… la France !

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L’image des entreprises françaises en Afrique est le troisième point abordé par Étienne Giros. Évoquant le baromètre annuel Africaleads de CIAN-Immar, dont l’édition 2021 a interrogé 2 400 leaders d’opinion représentant 13 pays d’Afrique, le Président délégué du CIAN a regretté qu’en termes d’image la France ne se situe qu’au septième rang, dépassée par tous les grands pays occidentaux et aussi par la Chine. En termes d’impact, le résultat est pire, puisque la France arrive seulement en neuvième position.

Quand on sait que la France est présente à peu près dans tous les domaines en Afrique – militaire, diplomatique, économique, culturel, linguistique, etc. – un tel résultat est « objectivement assez douloureux », observe Étienne Giros.

En revanche, « l’image des entreprises françaises est plutôt bonne » et nombreuses sont les marques citées spontanément et placées en tête de leur secteur d’activité.

Pour autant, il ne faut pas considérer que les images de la France et celle des entreprises sont dissociées car, relève Étienne Giros, « nous autres entreprises faisons partie de l’écosystème français, et ce problème d’image nous impacte aussi, bien que l’image de la France puisse être instrumentalisée par des adversaires politiques ou des compétiteurs économiques, qui utilisent ce vecteur pour leur propre agenda. »

Sandrine Sorieul, Directrice générale du CIAN. © AM/APP

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« Faire savoir
ce que l’on fait de bien »

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Ce constat est encore aggravé par le déficit de communication positive : « On ne sait pas le mettre suffisamment en avant, mais nos entreprises françaises en Afrique font des choses bien – sur la santé, la formation professionnelle, les RH avec la mise en avant des compétences locales… » – alors que d’autres opérateurs en Afrique n’ont pas choisi cette voie.
« Donc, nous n’avons pas à rougir de ce que l’on fait. C’est cela, notre sujet : dire ce que l’on fait de bien ! Cela pourrait être un très bon vecteur pour rehausser l’image de la France. Nous travaillons à cela. »

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Du Franc CFA à l’Eco,
une transition en cours

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Étienne Giros a ensuite évoqué rapidement la question de la transition du Franc CFA à l’Eco, dont la création fut annoncée en décembre 2019 par les présidents Macron et Ouattara. Démontant le discours de certains activistes, selon lesquels il ne se passe rien, l’annonce n’étant que du « bullshit », Etienne Giros observe qu’à ce jour la France a déjà initié le remboursement du compte de réserve de 5 milliards d’euros, versé aux banques centrales d’Afrique concernées.

Deuxièmement, les représentants de la France ont quitté les instances dirigeantes du CFA. « Ce qui n’est pas fait, relève-t-il, c’est le changement de nom, car il faut imprimer les billets, organiser la transition entre les vieux billets et les nouveaux, cela coûte du temps et de l’argent, c’est de la complication… mais je ne vois pas de frein majeur ou d’arrêt de la réforme. Elle va se faire. »

Ce que l’on observe, en revanche, c’est la difficulté de rallier d’autres pays que ceux de la zone franc, qu’il s’agisse du Ghana ou du Nigeria, dont le poids pèserait très lourd. L’autre question en suspens est celle d’arrimer l’Eco à l’euro, comme actuellement, ou à un panier de plusieurs monnaies.

Dernier point évoqué par Étienne Giros, le Sommet sur le financement des économies africaines qui a eu lieu à Paris sous l’égide du Président Macron, au mois de mai, et auquel le CIAN a été associé en amont par les pouvoirs publics français.

Rappelant que le FMI a décidé de lancer un programme de DTS (Droits de tirage spéciaux) de 650 milliards de dollars, mais que ces liquidités sont distribuées aux pays en fonction de leur participation au Fonds, Étienne Giros a précisé que l’Afrique ne pourrait donc percevoir que 33 milliards, dont 25 milliards pour l’Afrique subsaharienne.

Wilfrid Lauriano do Rego, Coordonnateur du Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA) et Étienne Giros, Président délégué du CIAN. © AM/APP

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La proposition de la France
de céder ses DTS à l’Afrique

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Très insuffisant pour relancer l’économie africaine, dont les besoins sont estimés par les organisations internationales à 285 milliards de dollars d’ici à 2025.
C’est dans ce contexte que La France a annoncé qu’elle allait transférer la totalité de son attribution de DTS à l’Afrique. La France a aussi plaidé pour appeler les autres pays du Nord à attribuer leur droit de tirage de DTS à l’Afrique, en visant l’objectif de 100 milliards.

Patrick Sevaistre, Président de la Commission Institutions européennes du CIAN. © AM/APP

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Concernant cette fois le traitement de de la dette des pays africains, Étienne Giros a souligné les difficultés engendrées par l’annulation des dettes, même avec l’accord des créanciers car, estime-t-il, plus personne ne voudra prêter à nouveau aux pays concernés. Il serait préférable de mettre en place des moratoires, et de prolonger les échéances de remboursements. « Cela donnerait évidemment une souplesse énorme aux pays bénéficiaires » a-t-il considéré.

Reste une difficulté à la gestion de ce dossier : la Chine, grand créancier de l’Afrique, n’est pas syndiquée à la communauté internationale des prêteurs (Club de Paris, notamment). Il conviendrait donc qu’elle rejoigne les instances internationales, cela afin d’assurer un traitement mutualisé de la gestion de la dette.

Quid, enfin, de la dette envers le secteur privé ? Si personne ne représentait le privé au Sommet de Paris, Étienne Giros observe cependant qu’il y a « un appel assez fort pour dire qu’il faut inclure certaines créances du secteur privé dans le panier de traitement de la dette publique ».
Cela constituerait une avancée d’importance de la coopération globale public-privé dans une prise de décision relevant de la gouvernance économique mondiale.

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DU WEBI 2 DU CAPP :
« L’état de la coopération économique
Europe-Afrique et comment la dynamiser »

(15 06 2021)

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« LES OUTILS DE LA CONFIANCE POUR ENTREPRENDRE EN AFRIQUE »

(21 04 2021)

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