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Emmanuel Cotsoyannis, DG Miarakap, au Barreau de Paris : « À Madagascar, les PME se heurtent à un plafond de briques »

4 avril 2020
Emmanuel Cotsoyannis, DG Miarakap, au Barreau de Paris : « À Madagascar, les PME se heurtent à un plafond de briques »
Les PME peuvent-elles aujourd’hui prospérer sur la Grande Île ? C’est la question explorée par Emmanuel Cotsoyannis, directeur général du fonds d’investissement à impact Miarakap, dédié aux PME et startups de Madagascar, lors de la conférence mensuelle africaine organisée en mars (avant confinement) par la Commission Afrique-OHADA, à la maison du Barreau de Paris.

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Thomas Radilofe, AfricaPresse.Paris (AP.P)
@PresseAfrica | @TRadilofe

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À Madagascar, les PME – qui comptent moins de 100 salariés et enregistrent un chiffre d’affaire annuel inférieur au million d’euros, selon la définition avancée par Emmanuel Cotsoyannis - n’intéressent encore que trop peu les institutions financières du pays.

« Avec des taux de croissance qui tournent autour de 20 % et des chiffres d’affaire annuels compris entre 10 millions et 700 millions d’euros, les 45 plus grandes boîtes malgaches captent toute l’attention des banques commerciales de l’île », a déploré le directeur général du fonds d’investissement à impact Miarakap.
« Au-delà de l’appui financier offert à ces mastodontes, le secteur bancaire limite ses activités à l’achat de bons du Trésor et au financement du secteur agricole exportateur – notamment celui de la vanille, qui représentait, l’année dernière, 800 millions de dollars d’exportations », a-t-il poursuivi.

La microfinance aussi ignore les PME

Du côté des institutions de microfinance, le développement des PME ne semble pas susciter plus d’engouement. « La microfinance, avec un taux de pénétration à Madagascar qui s’élève à 30 % – contre 6 % environ pour les banques – ne soutient encore que très peu les PME. Ces institutions, très actives dans les milieux ruraux, financent surtout le petit secteur informel », a expliqué Emmanuel Cotsoyannis.

« Faute de financements, de nombreux entrepreneurs sont contraints de contracter des crédits fournisseurs ou engagent des fonds familiaux, pour mener à bien leurs projets. Ce plafond de verre – voire de brique – auquel se heurtent encore les PME pénalise le dynamisme économique du pays », a indiqué le directeur général de Miarakap.
Bien qu’un long chemin reste encore à parcourir, un climat favorable au développement de ces entreprises tend, néanmoins, depuis quelques années, à s’instaurer à Madagascar.

Quand la peur de se faire enlever
motive les grands patrons malgaches…

« Contrairement aux autres structures accompagnées par le groupe Investisseurs et Partenaires (I&P), Miarakap est parvenu à lever des fonds localement, notamment auprès des plus grandes boîtes malgaches », a expliqué Emmanuel Cotsoyannis. En soutenant le développement de l’entrepreneuriat, les grands patrons à Madagascar – craignant pour leur sécurité – souhaitent rompre avec le monopole qu’exercent leurs groupes sur l’économie.

« Jusqu’à la fin de 2018, des grands chefs d’entreprises malgaches – souvent d’origine indo-pakistanaise – étaient victimes d’enlèvements, essentiellement économiques », a indiqué le directeur général de Miarakap. « Ces patrons disent aujourd’hui ne plus vouloir être perçus comme étant les seuls à avoir réussi et manifestent le désir de soutenir l’entrepreneuriat malgache », a ajouté Emmanuel Cotsoyannis.

Vers une meilleure valorisation
de l’entrepreneuriat malgache

Conscients de la nécessité d’offrir des emplois aux 500 000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail à Madagascar, les banques commencent également à s’intéresser aux PME. « Étonnamment, nous avons réussi à convaincre les banques malgaches de nous financer. Ces institutions prennent conscience du fait que les plus grandes boîtes de l’île – qui comptent entre 500 et 6 000 salariés – ne pourront pas absorber cette cohorte de jeunes. Ils se tournent donc, de plus en plus, vers les PME », a expliqué le directeur général de Miarakap.

En plus de créer des emplois, le financement de ces entreprises permet de faire rayonner la Grande Île à l’international, en mettant en lumière de jeunes talents. « Madagascar est peut être l’un des futurs eldorado du digital en Afrique. L’île regorge de talents. À titre d’exemple, Miarakap finance la start-up malgache HaiRun Technology, lauréate de la compétition d’Intelligence Artificielle « AI for Good 2018 » organisée par France AI et la Croix Rouge Française », a fait savoir Emmanuel Cotsoyannis.

Malgré le développement d’un climat aujourd’hui davantage favorable à l’entrepreneuriat, et au-delà du manque de financements, les PME sont encore soumises à des contraintes fortes qui font obstacle à leur épanouissement sur la Grande Île.

L’informel et l’accès aux ressources :
deux freins majeurs au développement des PME

« Le poids colossal du secteur informel à Madagascar a des conséquences fiscales majeures sur les PME » a déploré Emmanuel Cotsoyannis. « Lorsque vous êtes formalisés, vous pouvez avoir accès à des financements, contrairement à vos concurrents, qui ne le sont pas. Cependant, en contrepartie, vous perdez 35 % à 40 % de marge dans la TVA », a expliqué le directeur général de Miarakap.

L’accès difficile aux ressources – en grande partie dû au manque d’infrastructures – freine également le développement des PME. « Supposons que vous êtes à la tête d’une entreprise de transformation agricole à Madagascar. Le problème n’est pas de vendre, mais de s’approvisionner, car il n’y a pas d’agriculture intensive sur l’île. De plus, le mauvais état des routes rend difficile l’acheminement des collectes », a déploré Emmanuel Cotsoyannis.

Malgré le dynamisme démographique du pays, la disponibilité des ressources humaines fait également défaut à Madagascar. « Bien qu’il y ait près de 500 000 jeunes demandeurs d’emploi chaque année, il est très difficile de trouver des salariés compétents, notamment pour les fonctions de management », a expliqué le directeur général de Miarakap.

Ainsi, pour pallier ce manque de main d’oeuvre qualifiée et espérer dynamiser son économie au travers des PME, la Grande Île – comme bien d’autres pays du continent – devra s’atteler à reconstruire son système de formation des jeunes, qui, ces vingt dernières années, s’est effondré.

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