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Désiré YASSIGAO, Président CAEEFCPT (RCA) : « Il faut rendre l’agriculture plus attractive pour les jeunes actifs et les femmes voulant s’autonomiser »

28 juillet 2021
Désiré YASSIGAO, Président CAEEFCPT (RCA) : « Il faut rendre l'agriculture plus attractive pour les jeunes actifs et les femmes voulant s'autonomiser »
La visite à Paris, le 22 juillet, de Mme Sylvie Baïpo-Témon, ministre des Affaires étrangères de la République Centrafricaine, est l’occasion de rappeler le contexte économique très incertain de ce vaste pays, où l’agriculture devrait jouer un rôle essentiel pour l’emploi inclusif des populations et briser enfin le cercle vicieux de l’urgence humanitaire.

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Une contribution de Désiré YASSIGAO
Président de la CAEEFCPT
(Chambre d’Agriculture, d’Élevage,
des Eaux, Forêts, Chasses, Pêches et du Tourisme ) de RCA,
Membre de la CPCCAF

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Rappelons d’abord que la RCA est un territoire de 623 000 Km2, peu peuplé (5 256 000 habitants) mais disposant d’abondantes ressources naturelles. Cependant, ces importantes potentialités centrafricaines restent très peu valorisées, car moins de 6 % des terres arables sont cultivées chaque année et seulement 56 % environ des terres de pâture sont exploitées… alors même que le secteur agricole (agriculture, élevage, pêche, chasse, forêt) contribue pour 52 % au PIB, 42 % des valeurs des exportations, 70 % des emplois actifs et 75 % de la consommation alimentaire nationale.

Mais, insuffisamment doté en capital technique et opérationnel moderne, ce secteur se compose plutôt d’une agriculture pastorale de subsistance, qui souffre de l’enclavement du pays et du déficit d’infrastructures et de réseaux de transport. Aussi, l’économie centrafricaine demeure entièrement dépendante des matières premières, dont elle ne profite pas autant qu’elle devrait, compte tenu de l’absence de transformation locale des produits.

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Un État fragile à la sécurité instable

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Le contexte centrafricain est ainsi celui d’un État fragile, par défaut de capacités et en l’absence d’investissements structurants : les interventions en RCA relèvent aujourd’hui surtout de l’humanitaire et de l’urgence, alors qu’il conviendrait d’y mener des actions structurantes de plus long terme, menant au développement économique. À cela s’ajoute l’instabilité sécuritaire et politique du pays, dont les conséquences viennent renforcer les difficultés structurelles de l’Afrique centrale : cette instabilité de long terme, avec des périodes de violence récurrentes, a ainsi fortement nui au potentiel économique de la RCA, qui est dans une situation sensiblement plus critique que dans les autres pays de la zone.

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Assurer l’employabilité des personnes
et accompagner les entreprises

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C’est pourquoi, pour assurer la relance économique en RCA, qui est la condition même du retour à un État stable et pourvoyeur de services de qualité, il faut développer des actions de formation technique et professionnelle, permettant d’assurer l’employabilité des personnes, en particulier les jeunes et les femmes, et l’accompagnement des activités et des entreprises par les structures représentatives du secteur privé local.

La RCA compte en effet une écrasante proportion de micro, petites et moyennes entreprises, mais qui demeurent largement informelles et très insuffisamment valorisées / mal intégrées aux chaînes de valeur de la sous-région et internationales.

Fondée sur une logique de “centrafricanisation” de l’appui apporté dans le cadre de projets de coopération économique, ces actions doivent alors passer par une double démarche :

o Renforcement du capital humain, moyennant l’augmentation du niveau technique / des compétences professionnelles des ressources humaines locales (personnel qualifié), grâce au transfert de compétences et de savoir-faire entre structures intermédiaires françaises et centrafricaines, sur le modèle du “compagnonnage” CPCCAF (jumelage) ;

o Pérennité et renforcement des capacités (techniques, financières et organisationnelles / institutionnelles) des acteurs locaux dans les domaines visés (formation technique, professionnelle et entrepreneuriale), sur les secteurs considérés (agriculture, élevage et pisciculture), afin d’assurer dans la durée la sécurité économique / alimentaire / sanitaire des populations dans les régions considérées par le projet.

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Les stigmates encore vivaces
de la crise de 2012-2015

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On rappellera que la grave crise que le pays a subi de 2012 à 2015 a occasionné un dysfonctionnement profond des exploitations agricoles, avec la perte des moyens de production, la destruction des récoltes, des champs, du petit bétail et, in fine, le déplacement de la population dans la brousse.

Aussi, pendant cette crise, les services publics d’appui-conseil et de recherche ont perdu l’essentiel de leurs moyens d’intervention. Malgré les efforts qui ont pu être faits récemment, la situation sécuritaire reste aujourd’hui très volatile : les structures publiques chargées de l’appui et du conseil aux entreprises ont ainsi les plus grandes difficultés pour accomplir leurs missions car, en l’absence de moyens humains, matériels et financiers, détruits pendant la crise de 2012-2015, elles ne sont pratiquement plus opérationnelles sur le terrain.

Par ailleurs, les actions d’accompagnement des producteurs sont désormais assurées peu ou prou par des ONG nationales et internationales, qui agissent sous la double thématique de l’urgence et de l’humanitaire, moyennant des actions à visée rapide, mais sans réelle portée sur les problèmes structurels.

Aussi, il faut souligner que la population active agricole centrafricaine est vieillissante : les jeunes délaissent de plus en plus les activités agricoles pour des activités commerciales et de transport ; ce, alors même que l’agriculture représente le plus important bassin de l’emploi pour les jeunes. C’est pourquoi, compte tenu du fait que l’agriculture doit aussi nécessairement moderniser ses modes de production, il faut nécessairement veiller à rendre l’agriculture plus attractive pour les jeunes actifs et les femmes voulant s’autonomiser au plan économique.

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41 % de la population exposée
à l’insécurité alimentaire

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Les enjeux sont ainsi de taille, avec une combinaison de facteurs à impact négatif sur la relance de la production agricole et alimentaire : la baisse importante du niveau de la scolarisation et la forte dégradation des infrastructures de transport (routes, pistes rurales, chemins vicinaux) qui ne favorisent pas la relance des activités agricoles ; soit une baisse de la production, une disponibilité irrégulière des produits, la hausse des prix et une hausse des importations alimentaires – en particulier, poulet congelé, poisson, produits maraîchers.

L’analyse du Cadre Intégré de Classification (CIC) de la sécurité alimentaire réalisée par le Cluster sécurité alimentaire, pour la période de septembre 2020 à avril 2021, révèle ainsi que 1 930 0000 personnes en RCA, représentant 41 % de la population analysée, font face à un niveau élevé d’insécurité alimentaire ; ce à quoi s’ajoute la crise du Covid-19 qui se poursuit dans la région.

Pour remédier à cela, il faut donc engager des actions structurantes, pouvant véritablement contribuer à une relance durable de la production alimentaire en RCA, grâce à la sécurisation alimentaire et un développement économique fondés sur un secteur privé agricole rendu à la fois dynamique, attractif et performant.

Une prise en main urgente des problématiques liées à la biodiversité et à la lutte contre le changement climatique, dont les agriculteurs et éleveurs restent les premiers acteurs opérationnels sur le terrain, est également vitale afin d’éviter un « assèchement » des ressources naturelles et donc l’exode des populations. Enfin, la logique de proximité doit nécessairement pouvoir contribuer à l’égalité des chances, en favorisant particulièrement les jeunes et les femmes, et à la résilience économique attendue en réponse à la crise du Covid19.

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SUR LE MÊME THÈME :

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