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Denis DESCHAMPS, DG CPCCAF : « Face au grand jeu des puissances, l’Afrique ne doit surtout pas se passer de la Francophonie Économique ! »

1er mai 2022
Denis DESCHAMPS, DG CPCCAF : « Face au grand jeu des puissances, l'Afrique ne doit surtout pas se passer de la Francophonie Économique ! »
Dans le cadre de l’Exposition universelle de Dubaï, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a organisé une conférence sur la thématique « Investir en francophonie ». L’occasion d’évoquer ce qui devrait être fait pour soutenir les organisations intermédiaires qui, comme la CPCCAF, appuient les entrepreneurs francophones, dans leur pays comme à l’international. Car en francophonie comme ailleurs, le développement économique est d’abord l’affaire des entreprises…

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Une contribution de Denis DESCHAMPS,
Délégué général de la CPCCAF,

Conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones

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La crise sanitaire de la Covid-19 pendant plus de deux ans, puis récemment la guerre en Europe orientale (Ukraine), ont mis l’accent sur l’interdépendance des économies. Sont ainsi apparues comme particulièrement vulnérables, celles qui se sont découvertes trop dépendantes de l’extérieur (comme l’Europe occidentale par rapport à la Chine « atelier du monde », ou sinon par rapport à la Russie et son gaz …) ou bien qui ne se sont pas suffisamment diversifiées (comme en Afrique, où l’intégration régionale poussée par la ZLECAf est encore largement en devenir et où la subsistance des populations et des animaux dépend toujours d’un nécessaire approvisionnement par l’étranger…).

Pour sortir de cette situation de déséquilibre et d’instabilité, parce que génératrice d’insécurité alimentaire et pouvant déboucher sur des conflits armés, il faut nécessairement agir sur le long terme, c’est-à-dire conduire au renforcement concerté des économies fragilisées par la crise.

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Développer les chaînes
de valeur africaines

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Sur le continent africain – celui-ci recouvrant aujourd’hui plus de 80 % de la francophonie et une part importante des économies considérées comme étant les moins « avancées » –, il convient alors de s’inscrire dans la logique du développement des chaînes de valeur locales, autrement dit de « l’industrialisation » des économies africaines, en lien avec les secteurs privés africains, en même temps que de la transition numérique et également de « l’économie positive » (inclusivité vis-à-vis des jeunes et des femmes, développement durable, économie circulaire…).

En dépit du poids indéniable du commerce mondial dans la croissance, tout cependant ne peut pas être envisagé de ce seul point de vue mercantile, comme peuvent le faire certaines puissances (en particulier, la Chine, la Russie…), qui proposent certains de leurs « services » contre des matières premières, toujours très abondantes en Afrique, mais dont les pays du continent ne tirent malheureusement que peu de profits et trop peu d’emplois qualitatifs, faute d’usines de transformation pour les produits locaux et aussi parce que les prix de ces matières restent toujours imposés par les marchés mondiaux.

Aussi, une approche des pays occidentaux (Europe, USA, Canada…) qui se ferait seulement sous cet angle « commercial », ne saurait constituer une solution adaptée et acceptable pour le développement, quand on sait, par exemple, que les produits alors vendus ne valorisent pas le « local », dans une l’Afrique où ne se font, par exemple, que 5 % des échanges économiques européens.

Pour agir sur le développement et la croissance globale, il faut donc que les francophones réunis par l’OIF, compte tenu notamment de leur important potentiel économique, puissent s’organiser afin de contribuer ensemble et de manière coordonnée à la reconversion des territoires, moyennant la mise en œuvre de la diversification et de la durabilité des productions locales, et également grâce au soutien indispensable au petit artisanat et aux « petits métiers » de proximité.

Or, de ce point de vue, le rôle opérationnel des structures qui accompagnent localement le secteur privé et les entreprises innovantes est très certainement aussi essentiel, voire plus, que ce que peuvent faire de leur côté les administrations et les politiques.

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Le rôle majeur des acteurs privés
pour le développement

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C’est d’ailleurs pourquoi l’aide publique au développement devrait pouvoir s’ouvrir plus largement au secteur privé et à ces structures intermédiaires qui, comme les chambres du réseau CPCCAF (Conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones), accompagnent les entreprises moyennant des solutions simples et adaptées, passant par la mise en place du renforcement des capacités d’intervention des entreprises et activités qui investissent et contribuent au développement et à la croissance économique.

Pour qu’elle ait un réel impact, la francophonie économique doit donc d’abord se traduire par des actions associant les institutions et pouvoirs publics avec le secteur privé, pour développer sur le terrain, en Afrique particulièrement, des chaînes de valeur durables, conduisant aussi à créer des emplois pour les jeunes et les femmes.

Car ce n’est pas autrement que par l’augmentation du pouvoir d’achat des populations locales, liée à l’autonomisation des femmes et l’inclusion économique des jeunes, que l’on parviendra finalement à la constitution de classes moyennes soutenant le développement endogène des pays concernés, et à l’augmentation des échanges commerciaux réguliers entre communautés d’affaires et territoires économiques francophones.
Avec le soutien de ses partenaires, et plus particulièrement de l’OIF, la CPCCAF veille ainsi à mettre la francophonie économique au niveau des entreprises.

Pour cela, en tant qu’organisation d’intérêt public émanant du secteur privé, elle s’emploie à renforcer les capacités et compétences des chambres (chambres de commerce, d’industrie, des métiers, d’artisanat, des mines, d’agriculture…) et organismes intermédiaires de son réseau international, pour que ces structures d’appui aux entreprises puissent le plus efficacement :

– former les entrepreneurs, futurs entrepreneurs et exploitants ;
– accompagner le développement et la croissance des entreprises, en particulier à l’international, pour parvenir à établir une véritable francophonie des affaires.

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PPP, Franco-fil et autres
actions sur mesure

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Ce faisant, la CPCCAF joue, depuis son origine en 1973 à Dakar, un rôle estimable – mais sans doute insuffisamment pris en compte par les pouvoirs publics – pour conserver, sinon accroître les positions de la francophonie économique en Afrique, alors que celle-ci paraît désormais largement ciblée par des intérêts concurrents (Chine, Turquie, Inde, Russie, Israël…).

L’action qui doit être menée pour développer la francophonie des affaires passe aussi par la mise en place de passerelles comme le dispositif Franco-Fil (concours visant les jeunes entreprises francophones innovantes et durables ; formations et événements reliés aux objectifs du développement durable de l’ONU…) et d’autres actions « sur mesure », qui sont mises en œuvre par l’OIF, comme l’organisation des missions économiques et commerciales francophones.

Également, d’autres solutions et actions doivent pouvoir être envisagées par les agences et bailleurs internationaux du développement, comme par exemple le recours plus systématique aux partenariats publics-privés (PPP) et le choix de passer par des procédures d’appels à projets (voire de « gré à gré ») plutôt que des appels d’offres.

Mais bien sûr, tout cela suppose que les enjeux de sécurité soient bien pris en considération, s’agissant particulièrement de l’Afrique, qui est un continent resté longtemps en marge des affaires du monde : 2-3 % du PIB mondial pour 16 % de la population de la planète… sachant que l’Afrique comptera 2,5 milliards d’habitants en 2050 contre 1,2 milliard aujourd’hui). Mais l’Afriqu se situe maintenant au cœur du « grand jeu » entre puissances, qui peuvent y trouver un dérivatif pour leurs tensions (16 Etats africains sur 54 sont dans des conflits armés soutenus, qui mobilisent 62% des casques bleus de l’ONU) et se concurrencent encore et toujours pour l’accès aux richesses en matières premières du Continent

À cet égard, on rappellera ici que 130 millions d’hectares de terres arables n’appartiennent plus aux Africains, dont 32 États sur les 54 qui le composent (c’est-à-dire plus du quart de l’ONU) font partie des 33 derniers États classés par le PNUD. Par ailleurs, depuis 1960, l’Afrique a connu 167 coups d’État et au cours des 100 dernières années, le désert du Sahara s’est accru de 10 % (Cf. le rapport du GIEC) : on ne saurait donc verser dans l’afro-optimisme qui n’est pas autre chose que l’« Afrique rêvée » de certains militants, mais on ne peut pas / on ne doit pas non plus envisager de se passer de la francophonie économique.

De ce point de vue, on peut affirmer que :

il faut mener des actions concertées par la francophonie et menées avec les pays africains, visant à renforcer la part de l’Afrique dans la valeur ajoutée mondiale ;

– il faut donner une meilleure visibilité à l’Afrique, en multipliant les outils de mesure et d’analyse (comme, par exemple, le Baromètre des PME africaines réalisé par la CPCCAF avec ITC – le Centre de commerce international) qui permettent de « dérisquer » les projets d’investissement sur le continent ;

Il faut faire confiance aux entreprises et au secteur privé, qui sont certainement mieux à même que d’autres (généralement en uniforme…) pour mener leur pays à la réussite.

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CMAAP 3 / REPLAY - S.E. Mme Ruth TSHOMBE, Ambassadrice RD CONGO, Lionel ZINSOU, Mohamed ZOGHLAMI : les industries créatives sont « un gisement d’emplois et de ressources très important pour l’Afrique »

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CMAAP 2 / REPLAY - « Comment contribuer au développement de l’agriculture africaine ? », avec S. E. Mme Liliane MASSALA, Ambassadrice du Gabon, et S. E. André-Magnus EKOUMOU, Ambassadeur du Cameroun

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CMAAP 1 / REPLAY - « COMMENT MIEUX FINANCER L’AFRIQUE ? », avec SE Maurice BANDAMAN, Ambassadeur de La Côte d’Ivoire »

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