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Alfi Malek -

De la nécessité d’une nouvelle Constitution,
libérée de l’Article 2, pour une Égypte Nouvelle

Egypte | 27 février 2011 | src.LeJMED.fr
De la nécessité d'une nouvelle Constitution, libérée de l'Article 2, pour une Égypte Nouvelle
Paris -


Tribune Libre

De la nécessité d’une nouvelle Constitution
pour une Égypte Nouvelle

par Alfi MALEK


La révolution du 25 janvier est d’abord celle des jeunes universitaires Egyptiens, ouverte sur le monde extérieur et familiarisée avec les outils de l’Internet et les réseaux sociaux. C’est la révolution d’une jeunesse lassée par un régime corrompu, qui ne lui offrait aucune perspective d’avenir.

Aujourd’hui la transition est assurée par l’armée, et une commission révise la Constitution dans ses articles liés à la présidence, et son élection. Un article lié à l’état d’urgence sera aussi révisé. Cela étant, dans la Constitution, et depuis 1971, se trouve l’article 2 qui stipule que « l’Islam est LA source de la loi », en contradiction avec les Droits de l’Homme et la Charte des Nations Unies.

Des voix s’élèvent contre cet article, en Égypte, mais la présence d’Islamistes très organisés ne permettra pas son abolition. Les pressions Internationales sont-elles susceptibles d’imposer à l’Égypte de se mettre en conformité avec les traités qu’elle a signés ?

Le déclencheur de la révolution du Lotus Blanc :
la révolution du Jasmin et le meurtre de Khaled Said

Nous avons tous suivi ces derniers jours ce qu’il a été convenu d’appeler la révolution du Lotus Blanc, la révolution de la jeunesse égyptienne.
Car cette révolte est bien avant tout celle des jeunes, lassés par un régime corrompu, qui ne leur offrait aucune perspective d’avenir, lassés aussi par une société dominée par un discours religieux ambiant, rigide archaïque, étouffant,
Jeunesse pour beaucoup universitaire, ouverte sur le monde extérieur pratiquant couramment les outils de l’Internet, très familière de ses réseaux sociaux, facebook et twitter, grâce auxquels la révolution du 25 janvier a pu se faire.

Le déclencheur du mouvement égyptien a été bien entendu le succès de la révolte tunisienne. Mais, on le sait moins, un mouvement de contestation existait déjà sur facebook, qui s’était organisé, suite à un événement survenu à Alexandrie en juin 2010 : un jeune internaute, Khaled Said, qui avait sur sa page de facebook la photo de deux policiers en train de consommer de la drogue, a été retrouvé dans le cybercafé qu’il fréquentait, et sauvagement battu à mort par ces mêmes policiers.

Une page fut ensuite créée à la mémoire de ce jeune, intitulée « nous sommes tous Khaled Said ». Elle rassembla quelque centaines de milliers de jeunes. C’est de cette page qu’est parti le mouvement de contestation, et la première manifestation a été organisée le 25 janvier, jour de la fête de la police, sur la désormais célèbre Place El Tahrir

La suite des évènements est connue, et son succès est largement dû à sa médiatisation, à la présence permanente des médias et notamment de télévisions étrangères, qui ont empêché une répression sauvage des foules par un pouvoir pourri qui n’aurait probablement hésité devant rien.

Le succès de ce mouvement est le résultat de ces moyens modernes de communication, internet et les médias, radio et télévision.
Mais de là, où allons nous ?

« La loi islamique est la source » de la Constitution égyptienne

Moubarak a quitté le pouvoir, l’armée est censée assurer la transition, quelques-uns des anciens ministres ont été arrêtés, et seront jugés – notamment El Adly, ex-ministre de l’Intérieur, accusé de l’attentat du 31 décembre, à Alexandrie… Mais, la partie est loin d’être gagnée !

Une commission vient d’être mise en place pour réviser les articles de la constitution en rapport avec l’élection présidentielle. Ce sont les articles 76/77/88/93/179, ainsi que l’article 189, par lequel fut instauré l’état d’urgence après l’assassinat de Sadat, en 1980.

Le régime de Moubarak a eu recours à l’état d’urgence depuis, soit durant trente ans, pour mâter toute contestation dans le pays, et a fait de l’Égypte un état de non-droit. Les retentions arbitraires et la torture ont été très largement utilisées, durant ces trente dernières années, contre les mouvements islamistes, mais aussi pour mâter toute forme de contestation, jusque contre les manifestants du 25 janvier, dont beaucoup ont été arrêtés, mis en détention dans des conditions inhumaines, privés de nourriture, d’eau, les yeux bandés des jours durant, torturés ou assassinés dans les prisons. Il en a été peu question dans les médias.
Ce fut le cas de Wael Ghoneim, le correspondant de Google, à l’origine du mouvement du 25 janvier. Il fut arrêté dés le 26 janvier pour passer ensuite 12 jours en prison, les yeux bandés.

En ce qui concerne la Constitution, la réécriture des articles mentionnés représente donc un premier pas vers un peu plus de démocratie au niveau des futures élections présidentielles, peut-on du moins l’espérer.

Mais la constitution égyptienne contient depuis Sadat un article dont on a peu parlé jusque là et qui ne fait pas l’objet de révision, et c’est l’article 2 de la Constitution. Introduit en 1971, il disait en substance :

« L’Islam est la religion de l’État dont la langue officielle est l’arabe ; les principes de la loi islamique constituent une source principale de législation. »
En 1980, l’article 2 est modifié, et « une source » devient « la source », pour se concilier probablement les bonnes grâces des Islamistes d’alors, ce qui ne les empêcha pas de l’assassiner juste après.
Et l’article 2 n’en fut pas supprimé pour autant.

L’article 2, source de nombreuses discriminations

Les lois qui découlent de son application, dénient à toute autre communauté de croyance, ou de philosophie une égalité de droits.

L’article 2 est ainsi source de discriminations multiples, de nombreuses injustices, envers les minorités considérées comme des citoyens de deuxième zone, et ne pouvant exercer librement certaines professions, ou prétendre à des postes étatiques importants, ni exercer librement leur croyance, se marier sans conditions, changer de croyance, ou ne pas en avoir, etc.

Le statut de la femme, en vertu de la Charia, est inférieur à celui de l’homme. De ce fait, elle est privée de son libre arbitre, et de certains droits tels que le droit de voyager sans autorisation, de l’égalité dans l’héritage, du droit de divorcer, son témoignage en justice est égal la moitié de celui d’un homme, etc.

Tant que cet article ne sera pas supprimé de la Constitution, on imagine bien que l’Égypte ne pourra pas prétendre à la modernité, à laquelle aspire aujourd’hui sa jeunesse, qui vient de payer un lourd tribut pour revendiquer une autre Égypte, une Nouvelle Égypte.

La suppression de cet article constitue ni plus ni moins une mise en conformité de la Constitution avec la Charte des Nations Unies et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Aujourd’hui, beaucoup de voix se lèvent pour demander sa suppression en Égypte.
Une revendication au niveau national suffira-t-elle ? Probablement pas, du fait de la pression des courants Islamiques, bien que l’on observe à l’intérieur même de ces courants une certaine tendance « modernisante ».

L’appui de la Communauté Internationale et l’Europe en particulier, peut-il y contribuer, et réclamer à l’Égypte une mise en conformité de la Constitution avec les accords internationaux ratifiés dans le cadre des Nations Unies, et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ?

Aujourd’hui, le Sud de la Méditerranée bouge, et nous interpelle.
Comment répondre à cette attente ?

© Alfi MALEK pour LeJMED.fr
Paris, le 27 février 2011


Sur le même sujet :
Le référendum sur la Constitution de l’Égypte : des avancées réelles, mais encore bien incomplètes, une Tribune Libre d’Alfi Malek

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