« DE LA FRANCOPHONIE », de Christine Desouches : le livre du désenchantement d’une ambition politique collective à refonder
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par Alfred MIGNOT avec Desk AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse
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Forte d’une expérience de plus de vingt-cinq ans comme cadre supérieur au cœur de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), l’auteure, universitaire, livre un essai à la fois documenté, critique et porteur d’espoir.
Dès les premières pages, Christine Desouches rappelle que la Francophonie ne se réduit pas à une simple communauté linguistique. C’est, argue-t-elle, un projet politique, né dans le sillage des indépendances africaines, porté par des figures comme Senghor, Bourguiba ou Sihanouk, et longtemps regardé avec suspicion comme un instrument néocolonial. La France elle-même, sous De Gaulle, s’est d’abord tenue à distance, avant que François Mitterrand puis Jacques Chirac ne s’en emparent pour en faire un espace de concertation politique de premier plan.
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Un espace en crise d’identité
L’ouvrage revient sur les grandes étapes institutionnelles – du sommet de Versailles en 1986 à celui de Villers-Cotterêts en 2024 – et analyse la lente affirmation d’une Francophonie multilatérale, solidaire et humaniste. Mais Desouches ne cache pas sa préoccupation : la Francophonie, aujourd’hui, traverse une crise de légitimité et d’efficacité. L’enthousiasme des années Bamako ou Ouagadougou semble loin, alors que certians États membres, désormais dirigés par des juntes militaires, remettent en cause les valeurs fondatrices de démocratie et de droits humains. L’OIF, autrefois acteur diplomatique reconnu, apparaît désormais comme un acteur secondaire, peinant à faire respecter ses propres normes.

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Plaidoyer pour un sursaut
L’auteure pointe sans détour les ambiguïtés de la Francophonie : l’élargissement à des États peu – voire pas du tout – francophones, la difficulté à sanctionner les manquements démocratiques sans être accusée d’ingérence, la tentation de réduire la Francophonie à un simple espace linguistique alors qu’elle fut pensée comme un levier politique et économique.
À l’heure où les fractures Nord-Sud se creusent, où de nouveaux acteurs internationaux s’imposent, Christine Desouches appelle ainsi à une clarification des critères d’appartenance et à une redéfinition des objectifs de l’OIF.
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Un essai tonique et salutaire
Ce livre est aussi une profession de foi. La Présidente de l’ASOM croit aux valeurs de la Francophonie et plaide pour un sursaut collectif, afin que l’organisation reste un acteur pertinent dans la reconfiguration du monde. Elle invite la France à défendre plus fermement la place du français dans les institutions internationales et à s’engager pour une Francophonie dynamique, capable de favoriser le dialogue entre le Sud et l’Occident fracturé.
« De la Francophonie » est un essai précis, sincère et tonique, qui mêle l’analyse institutionnelle à un regard personnel d’actrice et d’observatrice privilégiée. Il s’adresse autant aux spécialistes des relations internationales qu’aux citoyens soucieux de l’avenir du multilatéralisme francophone. Un livre qui invite à la réflexion et à l’action, à un moment charnière pour la Francophonie.
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* ASOM : Académie des Sciences d’Outre-mer (Paris)
https://www.academieoutremer.fr/
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