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Jawad Kerdoudi, Président de l’IMRI : Comment le Maroc et l’UE pourront-ils surmonter l’arrêt défavorable de la CJUE sur les accords de pêche ?

7 mars 2018
Jawad Kerdoudi, Président de l'IMRI : Comment le Maroc et l'UE pourront-ils surmonter l'arrêt défavorable de la CJUE sur les accords de pêche ?
La forte coopération développée entre l’Union européenne (UE) et le Maroc depuis presque un demi-siècle sera-t-elle contrariée par l’arrêt rendu le 27 février par la Cour de Justice de l’UE (CJUE), stipulant que l’accord de pêche conclu entre Rabat et Bruxelles « n’est pas applicable aux eaux adjacentes de la région du Sahara » ? Sur quelles bases peut-on trouver un compromis qui conviendrait aux deux protagonistes, et cela avant l’échéance des actuels accords de pêche, en juillet 2018 ?

Une contribution de Jawad Kerdoudi
Président de l’IMRI

(Institut Marocain des Relations Internationales)

Rappelons tout d’abord que le Maroc depuis son indépendance a construit un long et fructueux partenariat avec l’Union européenne. Après l’Accord commercial de 1969, furent signés l’Accord de Coopération en 1976 et l’Accord d’Association en 1996. Le Maroc a obtenu également en 2008 le statut avancé lui permettant d’intégrer le marché unique européen. Des accords spécifiques concernant l’agriculture et la pêche ont également été conclus entre le Maroc et l’Union européenne. En outre, une large coopération s’est établie entre les deux parties concernant plusieurs secteurs dont le sécuritaire, au travers des problématiques d’immigration et de terrorisme.

Des péripéties juridiques plus ou mois cohérentes

L’Accord de pêche est entré en vigueur en 2014 et prendra fin en juillet 2018. Il prévoit la possibilité pour les bateaux européens de pêcher dans les eaux territoriales marocaines, moyennant une redevance annuelle de 30 millions d’euros versés par l’Union européenne et 10 millions d’euros versés par les armateurs européens.

Cependant, les ennemis de notre intégrité territoriale ont tenté ces dernières années d’attaquer les accords signés entre le Maroc et l’Union européenne en matière d’agriculture et de pêche, contestant leur application aux Provinces du sud marocain. C’est ainsi qu’une plainte a été déposée par l’ONG Western Sahara Campaign UK auprès des services de douane et de l’environnement britannique. La Cour de Justice de l’Union européenne a été saisie de ce dossier, et l’avocat général de cette Cour Melchior Whathelet a émis le 10 janvier 2018 un avis selon lequel l’accord de pêche entre le Maroc et l’Union européenne serait invalide.

L’Arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 27 février 2018 conclut à la validité de l’Accord, dès lors qu’il n’est plus applicable au Sahara occidental et aux eaux adjacentes à celui-ci. De plus, l’arrêt de la Cour ne fait aucune mention du Polisario, confirmant ainsi la validité de l’arrêt émis le 21 décembre 2016 en vertu duquel le mouvement séparatiste n’est pas considéré comme le représentant légitime de la population du Sahara Occidental. De plus, n’a pas été remise en cause « la capacité juridique et politique du Maroc à conclure des accords internationaux incluant le Sahara ».

« La même intention d’interprétation
et de s’adapter à cette décision »

La première réaction du Maroc à travers les Ministres de la Pêche et des Affaires Étrangères a été de dédramatiser l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne. C’est ainsi qu’ils ont déclaré que le contrat actuel de pêche allait suivre son cours jusqu’en juillet 2018. En outre, le Maroc est prêt à négocier un nouvel accord de Pêche conformément au mandat donné le 19 février 2018 par le Conseil de l’Union européenne à la Commission.

Cette position du Maroc a été confortée par l’exécutif européen du fait du communiqué publié le jour même de l’Arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne. En effet, ce communiqué indique que les deux parties ont « La même lecture, la même intention d’interprétation et de s’adapter à cette décision ».

Le communiqué réaffirme l’intérêt des deux parties à préserver le partenariat dans le domaine de la pêche, et à conclure les arrangements juridiques nécessaires. Cette position commune suit la même logique que celle émise le 21 décembre 2016 relative à l’Accord agricole Maroc/UE. Il s’agirait de trouver une formule conforme à la volonté du Royaume et aux arrêts rendus par la Cour de Justice de l’Union européenne.

Le Maroc ferme sur « ses constantes nationales »

Cependant, la position du Maroc est devenue plus ferme à l’issue du Conseil de gouvernement du 1er mars 2018. En effet, le Porte-parole du gouvernement a déclaré « Le Maroc ne conclura aucun Accord de pêche avec l’Union européenne que sur la base de sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire de Tanger à Lagouira ».

Il a précisé : « En cas d’atteinte à ces constantes, le Maroc n’est nullement disposé et n’acceptera de conclure aucun accord ou de continuer dans aucun engagement dont l’actuel Accord de pêche avec l’UE, en dehors de ce cadre ». Il a ajouté que le Maroc demeure attaché à son partenariat avec l’UE. Le Chef de gouvernement a ajouté de son côté : « Partant de ses constantes nationales dans ses relations extérieures, le Maroc demeure flexible dans ses négociations et ses relations de coopération et ses partenariats avec les autres pays du monde ».

En conclusion, on ne peut qu’approuver la position ferme de Chef de gouvernement dans le traitement de l’Accord de pêche entre le Maroc et l’Union européenne. Tout autre position serait néfaste à notre intégrité territoriale. Il faut espérer qu’à l’instar de l’Accord agricole, une formule puisse être trouvée entre négociateurs marocains et européens pour sortir par le haut de ce problème, et ce avant juillet 2018.

À noter que les produits exportés à partir des Provinces du sud marocain ne représentent que 8 % du total des exportations marocaines sur l’Union européenne. Il serait dommage que l’Union européenne mette en cause tout son partenariat avec le Maroc pour cette quantité négligeable.

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SUR LE MÊME SUJET :

Le partenariat stratégique entre l’Europe et le Maroc surmontera-t-il la crise des « poissons de la discorde » devant la CJUE ? (Tribune Libre, Emmanuel Dupuy)

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