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Hippolyte Éric Djounguep : Comment la dégradation de la situation du Cameroun implique « l’urgence des réformes des institutions politiques »

7 janvier 2021
Hippolyte Éric Djounguep : Comment la dégradation de la situation du Cameroun implique « l'urgence des réformes des institutions politiques »
Le tableau économique et social ne cesse de s’assombrir au Cameroun, estime le géopolitologue et chercheur Hippolyte Éric Djounguep, qui passe ici en revue les marqueurs attestant de la dégradation, voire de la régression, de la situation du pays. Pourtant, malgré la guerre civile et les frappes de Boko Haram, des solutions existent, affirme-t-il…

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Une contribution de Hippolyte Éric Djounguep
Consultant et Chercheur en géopolitique et géostratégie à l’École Supérieure des Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication (ESSTIC, Yaoundé)

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Au Cameroun, les années se suivent et se ressemblent désormais. L’année 2020 a été une année éprouvante de plus comme les précédentes d’ailleurs, marquées qu’elles continuent d’être par le déclassement avancé d’un pays pourtant si riche et porteur d’une flamme unique dont l’incandescence prochaine pourrait marquer la renaissance de l’Afrique.

Sur le chemin vers l’éveil de ce sursaut camerounais qui pointe à l’horizon, les épreuves cathartiques de l’année 2020 se déclinent ainsi : l’enlisement de la situation dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, empêtrées qu’elles sont encore dans une guerre civile ; la régression sociale du pays, illustrée notamment par l’accentuation de l’appauvrissement de l’écrasante majorité du peuple ; la dégradation de la situation économique et du climat des affaires ; l’ensauvagement de l’ensemble de l’appareil d’État, lequel a institutionnalisé la répression et les violations graves des droits et libertés fondamentales de manière décomplexée et persistante.

L’inconditionnelle pandémie…

L’année 2020 a été marquée par l’irruption de la pandémie de la COVID-19 au Cameroun. L’apparition de cette pandémie a pu mettre en évidence les ombres et les rais de lumière de la société camerounaise.
D’un côté, la COVID-19 a confirmé l’impréparation notoire du gouvernement à anticiper les catastrophes ou à y faire face avec l’efficacité qu’on est en droit d’attendre de toute administration publique responsable.

Cette situation est d’autant plus regrettable que la pandémie est loin d’avoir été maîtrisée et que l’avenir immédiat pourrait s’assombrir, non seulement en raison de la propagation en cours de nouvelles variantes du virus, mais aussi de l’urgence à disposer de ressources financières adéquates pour le déploiement, en temps utile, de vaccins.
La survenance de la COVID-19 a permis aussi de montrer le sens de la solidarité et de la générosité du peuple, de donner la mesure de ce qu’il peut réaliser quand il est uni autour d’une cause et mobilisé derrière un leadership légitime et inspirant confiance.

Dans le cadre de l’initiative citoyenne et non partisane, Survie Cameroon-Survival Initiative (SCSI), lancée le 3 avril 2020 par le principal leader de l’opposition camerounaise Maurice Kamto – qui ne cesse de revendiquer sa victoire à la dernière élection présidentielle d’octobre 2018 –, a été conçue et rendue opérationnelle une opération humanitaire d’urgence et d’envergure historique, laquelle a permis de porter assistance aux populations camerounaises désorientées et abandonnées à elles-mêmes face à la pandémie de la COVID-19. Cette opération a été rendue possible grâce à la mobilisation sans précédent des Camerounais de l’intérieur et de la diaspora.

L’impact de la Covid-19 sur l’économie

L’impact économique de la COVID-19 a été désastreux pour le pays. Elle a entraîné la fermeture de nombreuses entreprises et provoqué le placement en chômage technique d’environ 54 000 travailleurs, ainsi que le licenciement de quelque 14 000 personnes, dans un environnement où très peu de Camerounais ont un emploi. Dans l’édition de mai/juin 2020 de sa note de conjoncture sur les répercussions de la COVID-19 sur les entreprises, le Groupement interpatronal du Cameroun, GICAM, estimait à 3 139 milliards de FCFA par rapport à 2019, la perte en chiffres d’affaires des entreprises, et à 521 milliards le manque à gagner correspondant pour l’État en termes de recettes fiscales et autres.

Dans l’ensemble, les entreprises expriment dans leur grande majorité leur insatisfaction par rapport aux mesures de soutien annoncées par le gouvernement. Elles attendent de l’État un soutien plus conséquent dans les domaines fiscal et financier, sous forme de facilités diverses.

C’est ce qui semble échapper au régime de Yaoundé, pourrait-on dire ; n’a-t-il jamais compris le rôle moteur essentiel de l’entreprise dans l’économie moderne et le développement d’un pays ?

Un État très mal en point

Il suffit pour tout comprendre, de constater que le Cameroun s’est abonné aux derniers rangs de tous les classements mondiaux : qu’il s’agisse de l’indice de perception de la corruption de Transparency International, du Doing Business de la Banque mondiale, de l’Indice Mo Ibrahim de la gouvernance, ou encore des divers classements des meilleures universités et institutions de recherche en Afrique et dans le monde. Aucune oreille attentive n’est prêtée aux milieux d’affaires nationaux.

L’État peine à honorer sa dette intérieure et pénalise en cela les entreprises locales ; il ne fait pas confiance aux entrepreneurs locaux dans l’octroi des marchés publics d’importance. On se demande alors avec qui le régime en place veut-il développer le Cameroun, si telle est son intention ? Selon Maurice Kamto, « les désillusions des projets structurants, qui sont autant de grands échecs, là où l’on attendait les « grandes réalisations », les « grandes réussites » et les « grandes opportunités » en vue d’une « émergence » fantasmée, ont achevé de dénuder un régime autiste, prédateur vorace et sans boussole ».

Tristes records et régression sociale

À l’heure du bilan, on doit se contenter du néant et les Camerounais n’ont que tristesse et désolation devant la surévaluation des coûts des projets et le dépassement des délais dans la réalisation des infrastructures, voire l’abandon de certaines d’entre elles dans la forêt des chimères. En guise d’illustration il suffit de citer : en matière énergétique le projet de barrage de Bini-Warak dans la partie septentrionale du pays, et dont les travaux sont bloqués depuis 2018 en raison de l’incapacité de l’État du Cameroun à verser les 4 milliards de F CFA de frais d’assurance sur l’emprunt obtenu auprès du bailleur chinois ; la palme d’or des autorités camerounaises pour le coût au kilomètre de route le plus cher au monde : 7 milliards de FCFA, contre environ 2 milliards de FCFA en moyenne, selon les données de la Banque Mondiale ; l’autoroute reliant la capitale économique Douala à la capitale politique et administrative Yaoundé, soit environ 205 kilomètres, commencée en 2014, ainsi que les 11 kilomètres de la bretelle Yaoundé-Aéroport de Yaoundé Nsimalen, entamés la même année 2014, demeurent des arlésiennes ; la fin de la construction est annoncée pour 2024 et, entre-temps, le coût de construction de chaque kilomètre sera passé à 42 milliards. Un nouveau record absolu.

Le Rapport sur l’indice de développement humain 2020 publié par le Programme des Nations Unies pour le développement, qui analyse les données couvrant l’année 2019, donc avant l’apparition de la COVID-19, est révélateur à plusieurs égards. Il montre en particulier que le Cameroun est un pays profondément inégalitaire qui se situe largement au-dessus de la moyenne des pays à indice de développement humain comparables, tant à l’échelle mondiale qu’en Afrique subsaharienne.

Le rapport fait enfin état d’un indice de pauvreté multidimensionnelle catastrophique, avec 64,6 % de la population vivant soit en situation de pauvreté multidimensionnelle, soit considérées comme des personnes vulnérables à la pauvreté multidimensionnelle. La régression sociale s’accentue à un rythme effrayant, la pauvreté se concentrant de plus en plus dans les régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du pays.

L’accès à l’eau potable reste partout au Cameroun une gageure ; la disponibilité de l’électricité, même dans les localités supposément connectées au réseau électrique, est intermittente ; l’accès aux soins de santé de base demeure hors de portée pour la plus grande majorité de nos citoyens des villes comme des compagnes. Ce qui explique le nombre très exorbitant des évacuations sanitaires de quelques privilégiés et des pontes du régime, aux frais du contribuable.

Des solutions existent…

Le tableau économique et social ne cesse donc de s’assombrir, du fait des insuffisances du leadership du pays en proie à la guerre civile d’une part et de la recrudescence des frappes de Boko Haram d’autre part. Et pourtant, des solutions existent et sont à la portée et à la mesure tant de des ressources que du génie des populations.

Un Cameroun libéré de la pauvreté reste en effet possible. Un Cameroun reprenant les chemins de la croissance et solidaire demeure possible. Ce Cameroun-là n’est certes pas celui qu’offre le régime, qui est plus que jamais incapable de donner à la Nation un cap qui vaille, en particulier à la jeunesse nombreuse et si talentueuse.

Ce tableau peu reluisant d’un pays doté d’innombrables ressources révèle l’urgence d’un changement politique indubitable. Oui, l’urgence des réformes des institutions politiques avant tout autre réforme. Et Christian Penda Ekoka, ancien conseiller économique du Président Biya au pouvoir depuis 1982 de dire : « Le monde va très vite, le Cameroun trop lentement. »

Pour ce dernier « le régime en place et ses affidés sont des forces rétrogrades, ce sont des forces obscurantistes. Des forces rétrogrades de conservatisme féodal, villageois et religieux. Ennemies de l’émancipation de la femme et de la jeune fille, ennemies du progrès et ennemies de la science et de la technologie ». Il affirme en outre que : « Il y a des moments où l’histoire donne rendez-vous à un peuple. Et je pense que l’histoire a donné rendez-vous au peuple camerounais. Un vent nouveau est en train de souffler. Le peuple a pris conscience de sa place dans la société. »

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