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Comment l’Afrique contribue à l’émergence des facteurs clés pour un modèle réussi des Switchs nationaux de paiement (Rapport Bearing Point, 3/4)

3 avril 2021
Comment l'Afrique contribue à l'émergence des facteurs clés pour un modèle réussi des Switchs nationaux de paiement (Rapport Bearing Point, 3/4)
Après deux premiers extraits d’une étude Bearing Point à paraître, et portant sur l’interopérabilité des moyens de paiement et les grandes tendances des Switchs nationaux, voici le chapitre dédié aux facteurs clés d’un modèle réussi, observable notamment dans des pays africains : Nigeria, Maurice et Tanzanie, ou encore le Kenya, inspirateur du modèle indien…

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Une contribution de Jean-Michel HUET, Associé Bearing Point,
avec Olivier Darondel, senior manager,
Marouane Znagui, manager,
Chloé Chevrand, consultante BearingPoint
Extrait du rapport de Bearing Point à paraître en avril 2021

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BearingPoint a réalisé une étude approfondie de plusieurs modèles de switching dans le monde et en a dégagé des facteurs clés de succès et les principaux écueils à éviter afin de mettre en œuvre un modèle de « switching » adapté et performant.

Pour commencer, il est primordial de favoriser au maximum l’adhésion claire et tangible de l’écosystème en impliquant les parties prenantes (banques, institutions de microfinance, fintechs, établissements de monnaie électronique etc.). En Inde par exemple, les banques participantes ont fourni 100 % du capital de départ et détenaient 10 des 15 sièges au conseil d’administration du nouveau switch.
De même, le Switch nigérian est un modèle à gouvernance hybride, détenu par toutes les banques du pays, y compris le Banque Centrale. Les parties prenantes ont donc un intérêt évident dans le succès du nouveau système.

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Prioriser l’adhésion
des parties prenantes

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À l’inverse, le choix d’une solution technologique ne permettant pas une bonne maîtrise des coûts d’intégration des parties prenantes peut limiter leur adhésion.
En Jordanie, les changements de spécifications techniques ont entraîné des surcoûts et donc un délai de deux ans entre la création du switch et son interfaçage avec les différentes entités. Il est important de ne pas mettre en place un modèle trop complexe et coûteux dès le début, mais plutôt de prioriser l’adhésion des parties prenantes avant de développer peu à peu des fonctionnalités et cas d’usage plus complexes. La cible technique se trouve à l’équilibre entre un modèle suffisamment avancé et récent, mais également suffisamment proche de l’existant pour minimiser les coûts et délais d’intégration.

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Des « basiques » à faible coût,
obligatoires et gratuits

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Dans la même logique, il est donc primordial de déployer les services permettant des cas d’usage basiques avant de s’orienter vers des services plus innovants. Le modèle de l’Inde illustre bien cette montée en puissance de l’innovation : de services « basiques » à faible coût et obligatoires pour toutes les banques, vers des services beaucoup plus innovants et qui n’ont pas été rendus obligatoires, comme le schème de cartes monétiques RuPay ou encore le système de paiement de factures Bharat Billpay.

De même, une adhésion rapide et effective de l’écosystème doit passer par la mise en place de mesures incitatives comme la gratuité de certains services et non uniquement de mesures répressives. C’est ce modèle qu’a choisi l’Inde en offrant un accès gratuit aux banques à la base de données biométriques Aadhaar, ou encore la Jordanie en offrant une gratuité des transactions pour les banques durant les deux premières années suivant le lancement du switch.
Le modèle mauricien va encore plus loin, le gouvernement ayant instauré une gratuité totale pour les parties prenantes, favorisant une adhésion rapide et complète de l’écosystème.

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Le canal USSD, une bonne alternative
hors connexion Internet

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Par ailleurs, un écueil majeur à éviter serait de ne pas tenir compte des habitudes de consommation locales. Certains pays ont par exemple priorisé le lancement de services de wallets disponibles uniquement depuis des smartphones, via une application mobile.

Dans des pays où le taux de pénétration des smartphones est faible comme dans de nombreux pays africains – 55 % en moyenne sur toute l’Afrique Subsaharienne en 2020 (Source : Statista), moins de 10 % dans certains pays –, ce modèle peut limiter drastiquement l’adhésion de la population à ces services et donc avoir un impact limité sur l’inclusion financière des populations.

Dans de tels pays, le canal USSD est une bonne alternative permettant d’offrir des services financiers depuis un mobile sans nécessiter une connexion Internet ou un smartphone. De plus, il est essentiel de faire évoluer le modèle en fonction des besoins de la population et des innovations du marché.
Pour cela, il est possible de collecter des retours utilisateurs afin de toujours adapter le modèle aux besoins de la population et des commerçants, et de chercher continuellement des innovations à l’international à l’image de l’Inde qui s’est inspirée du modèle de M-Pesa au Kenya et en Tanzanie pour son module basé sur le canal USSD, et de l’Australie pour la mise en place de son module « fast paiement » (Paiement rapide).

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Service d’intérêt national
et taux d’interchange modérés

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Une bonne communication est également primordiale pour le succès d’un tel système. Concernant la communication spécifique au système de switching, il est important que le switch ne soit pas seulement considéré comme une activité génératrice de revenus et de gains, mais aussi comme un service d’intérêt national. La mise en place de taux d’interchange trop élevés peut donner l’impression que l’entité de gestion est à vocation lucrative et être rédhibitoire pour les populations.

Il est donc nécessaire de limiter les ambitions financières du switch, pour ne pas les laisser supplanter l’intérêt national. Plus largement, une sensibilisation sur l’avantage des moyens de paiement digitaux par rapport au cash est essentielle pour faire adhérer les clients grand public et les commerçants, notamment au travers de campagnes gouvernementales d’éducation financière. Ces derniers vont en effet devoir changer drastiquement leurs habitudes de consommation, principalement dans des pays où l’usage du cash couvre parfois plus de 90 % des transactions.

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Faire adhérer les commerçants,
l’exemple du Nigeria

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Un point d’honneur doit être donné à la sensibilisation des commerçants : ces derniers peuvent en effet être résistants au changement, les moyens de paiement digitaux pouvant être vus comme une nouvelle source de complexité et de taxation par l’État qui peut être évitée par l’utilisation du cash.

Une proposition de valeur forte est nécessaire pour contrer cette vision, faire adhérer les commerçants et changer leurs habitudes de fonctionnement pour aller vers une plus grande utilisation des moyens de paiement digitaux. Ces derniers sont en effet des parties prenantes essentielles pour le bon fonctionnement d’un switch de paiement.

De même, il peut être rédhibitoire de ne pas accompagner le switch d’une communication claire sur l’utilisation des données et la sécurité des fonds. Des populations ayant toujours utilisé des moyens de paiement scripturaux peuvent présenter des inquiétudes concernant les moyens de paiement digitaux, ceux-ci impliquant notamment une collecte des données personnelles.

Le Nigeria, notamment, a su accompagner sa politique d’une communication forte sur les avantages de l’utilisation des moyens de paiements électroniques et sur les risques qui y sont associés. La Central Bank of Nigeria a notamment lancé plusieurs campagnes d’information sur la protection du code PIN et des données de cartes bancaires dans une logique de sensibilisation à la prévention de la fraude.
Ce point est d’autant plus important dans des pays où les populations présentent des méfiances vis-à-vis des fournisseurs de services financiers, dues à des scandales ou des faillites.
C’est le cas par exemple de l’Irak, où la faible adhésion des populations aux services financiers formels est largement due à un manque de confiance envers les institutions financières. Il est donc primordial de communiquer sur l’utilisation des données et la sécurité des fonds, en s’appuyant sur un cadre réglementaire précis.

Enfin, un tel système ne serait possible sans un cadre réglementaire adéquat permettant de soutenir l’écosystème tout en limitant les risques. Ainsi, la réglementation doit venir accompagner le switch et limiter les risques associés aux moyens de paiement digitaux (sur les questions d’AML/CFT notamment). La réglementation doit également favoriser l’enregistrement des nouveaux clients avec un processus en ligne (e-KYC) ou par exemple une approche à plusieurs niveaux – approche où les clients qui ont un usage du wallet en-dessous d’un certain montant peuvent s’enregistrer plus rapidement et plus facilement (en fournissant moins de documentation par exemple). Si ces derniers souhaitent effectuer des transactions au-dessus d’un certain montant mensuel ou annuel, ils devront présenter les documents complémentaires requis.

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SUR LE MÊME SUJET

L’interopérabilité des moyens de paiement digitaux régulés par switchs et schèmes nationaux, un enjeu primordial pour l’inclusion financière en Afrique(Rapport Bearing Point, J.-M. Huet & coauteurs, 1/4)

L’Afrique participe des innovations autour des Switchs nationaux de paiement, outils des futurs écosystèmes financiers des pays (Rapport Bearing Point, J.-M. Huet & coauteurs, 2/4)

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