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Comment blockchain et cryptomonnaie(s) panafricaine(s) pourraient contribuer à l’essor de l’Afrique : un extrait du livre « Afrique et Numérique » de J.-M. Huet et coauteurs de Bearing Point (2/2)

26 février 2021
Comment blockchain et cryptomonnaie(s) panafricaine(s) pourraient contribuer à l'essor de l'Afrique : un extrait du livre « Afrique et Numérique » de J.-M. Huet et coauteurs de Bearing Point (2/2)
Dans ce second extrait du livre « Afrique et Numérique » que viennent de publier Jean-Michel Huet et ses coauteurs* de Bearing Point, il s’agit d’identifier les facteurs numériques générateurs de confiance que peuvent procurer la technologie blockchain ainsi que la mise en place de cryptomonnaie(s) panafricaine(s) au bénéfice des économies africaines.

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Par Jean-Michel HUET, Associé Bearing Point responsable de l’Afrique, et les coauteurs :
Saleh Cherqaoui, Olivier Darondel, Ludovic Morinière, Sarah Calvados, Marwane El BoukFaoui, Melissa Etoke, Eyaye, Lennart Ploen, Ludivine Le Marc, Miriame El Mazzoudi

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« La Blockchain, une technologie
pour améliorer la microfinance en Afrique ? »

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L’accès au financement serait une raison pour l’entrepreneur du secteur informel de passer au secteur formel.

À l’heure actuelle, l’accès au financement pour un salarié ou un entrepreneur n’est pas évident dans la majorité des pays africains. En effet, les banques sont souvent très frileuses en Afrique et les taux d’intérêt élevés voire usuriers. La microfinance semble être une voie alternative car elle démocratise le financement en le rendant accessible à un plus large nombre. De plus, elle apporte une solution aux problèmes qu’impliquent les emprunts informels chez les ménages les plus pauvres.

La formalisation de microprêts bancaires appuyés sur la technologie blockchain permettrait ainsi de garantir la transparence et fluidité des paiements des débiteurs et d’assurer le transfert des créditeurs et ainsi la naissance et l’enregistrement de micro et petites entreprises.

Aujourd’hui, banques, institutions de microfinance (IMF) et opérateurs de télécommunication ont montré qu’ils sont capables d’utiliser les données des téléphones mobiles pour tirer des signaux et des conclusions sur les comportements qui déterminent le remboursement des prêts. Les décisions de prêt étant prises en quelques minutes, les approches algorithmiques ont servi de catalyseur pour une plus grande inclusion financière, permettant à des millions de personnes non bancarisées de faire croître leur entreprise ou de lisser leurs flux de revenus.

Dans cette perspective, la technologie Blockchain a le potentiel de stimuler la croissance de la microfinance et de fournir des solutions plus efficaces dans quatre domaines clés :

1. Les clefs de vérification cryptées de type Token offrent une façon nouvelle et innovante de vérifier l’identité d’un emprunteur.
2. L’utilisation de la blockchain permet de créer très facilement des historiques de crédit partagés et fiables.
3. Le partage et la maintenance des données sensibles sont plus sécurisés.
4. Des flux de capitaux moins coûteux et plus rapides à destination des emprunteurs.

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Cas d’usage 1 : Kiva Protocol

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La blockchain pour renforcer l’inclusion financière en réduisant l’asymétrie d’information entre prêteur et créancier.

Kiva protocol est un système d’identification numérique conçu sur la blockchain afin de donner à ses utilisateurs de services de microcrédits la propriété complète et sécurisée de leurs données et informations personnelles.

Le système de blockchain permet de saisir tous les événements de crédit dans un seul grand livre, l’accès au portefeuille numérique étant contrôlé par l’individu. Par exemple, si une personne a vérifié son historique de crédit auprès d’un prêteur local ou d’un partenaire Kiva sur le terrain et souhaite demander un prêt à une banque nationale, elle peut accorder à cette banque un accès unique à son historique de crédit.

Cependant, ni le gouvernement, ni aucune autre institution ne peuvent accéder à l’information sans l’approbation du propriétaire. Le système est également très peu coûteux à exploiter, ce qui élimine le type de frais qui pourraient empêcher les personnes ou les institutions d’utiliser d’autres rapports de solvabilité.
Les individus peuvent soit accéder à leur portefeuille numérique par une application sur leur smartphone, soit via une institution de microfinance ou d’un « agent » du gouvernement qui travaille déjà dans leur communauté. Ces agents pourront utiliser l’application en ligne ou hors ligne.

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Cas d’usage 2 : Stellar au Nigeria

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La blockchain pour rendre les transferts de fonds plus rapides et moins coûteux.

Une des sources premières de devises dans la majorité des pays africains provient des diasporas et ceci malgré les frais très élevés de transferts d’argent et le manque de sécurité de ces derniers. La digitalisation sécurisée des flux monétaires via la blockchain permettrait donc potentiellement d’augmenter le volume de flux injectés par les diasporas et surtout d’en avoir la visibilité.

Au Nigeria, le réseau de transfert de paiement sur la plateforme de Stellar permet de transférer de l’argent à moindre coût entre institutions. Leur mécanisme de synchronisation a été spécialement conçu pour les envois de fonds et les paiements. Il permet aux utilisateurs d’émettre d’autres actifs (par exemple, une représentation numérique d’un dollar ou d’un peso) et de les échanger très facilement et instantanément au sein du réseau.

Contrairement à presque tous les autres systèmes de blockchain, Stellar peut se connecter à des points de terminaison du monde réel, afin que les gens puissent transformer leurs représentations numériques de l’argent en quelque chose qu’ils peuvent réellement dépenser. Ainsi les communautés qui comptaient principalement sur les transferts d’argent liquide à l’intérieur et à l’extérieur de leurs villages peuvent désormais transférer de l’argent instantanément et en toute sécurité, où qu’elles se trouvent.

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La cryptomonnaie, chance ou menace
pour la stabilité monétaire en Afrique ?

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Le cas d’usage le plus classique de la blockchain est la cryptomonnaie. Par définition, une cryptomonnaie…
• n’a pas de gouvernance et c’est en partie en cela qu’elle est garante de confiance,
• peut s’ériger comme concurrente des autres monnaies et ainsi avoir un effet déstabilisateur.

Or, de nombreux pays africains souffrent de taux d’inflation très élevés, ce qui s’explique souvent par une politique monétaire trop expansionniste et résulte en une perte de confiance dans la monnaie nationale. Se pose donc la question : en quoi une cryptomonnaie pour apporter ou non des bénéfices à la stabilité monétaire ?

Face à la prolifération du Bitcoin dans les marchés financiers internationaux, beaucoup de gouvernements se sont montrés méfiants à l’égard de cette nouvelle monnaie virtuelle, fluctuante, indépendante et surtout très spéculative.

Par exemple, face au risque spéculatif qu’affichaient les cryptomonnaies, le gouvernement algérien statue dans l’article 117 de la loi des finances de 2018, la définition précise des monnaies virtuelles et leur interdiction d’entrée sur le territoire algérien. Cette interdiction formelle de l’entrée de cryptomonnaies s’explique par le caractère spéculatif du bitcoin qui pourrait déstabiliser la monnaie nationale.

Or, l’Algérie étant une économie exportatrice de matières premières, elle doit garantir une certaine stabilité de sa monnaie. Pour garantir cela et ne pas perturber son fonctionnement économique, le gouvernement algérien doit avoir le contrôle sur sa politique monétaire et donc sur sa monnaie. Le bitcoin – la cryptomonnaie la plus célèbre et la plus répandue – est, par définition, non maîtrisable car gouvernée par aucun organe de contrôle. Il s’apprécie et se déprécie en fonction du marché.

La spéculation latente à toute cryptomonnaie pourrait porter préjudice au maintien de la monnaie nationale et même la dévaloriser jusqu’à causer sa disparition. Une monnaie, comme outil de stratégie économique nationale, s’émancipe ici dangereusement de tout contrôle par la cryptomonnaie.

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L’idée de l’Afro, une cryptomonnaie panafricaine
déclinée par groupes de pays convergents

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À défaut de vouloir déstabiliser, la Fondation Afro défend l’idée d’une cryptomonnaie panafricaine détachée de toute banque centrale et qui fonctionnerait sur une base de « Proof of stake » et non de « proof of work ». Ceci permettant de limiter l’énergie consommée par un réseau blockchain « proof of work ». C’est en se réappropriant l’idée d’une émancipation monétaire et économique que la fondation Afro a créé l’Afro, une cryptomonnaie panafricaine libre de toute gouvernance centralisée.

En prenant la forme d’une organisation non gouvernementale, la fondation Afro affiche la claire volonté de rendre la gouvernance monétaire et économique aux mains des gouvernements africains. Pour cela, l’objectif de la fondation est d’établir un taux de change fixe indexé à 80 % sur l’or et à 20 % sur un panier de devises. Cela permettrait ainsi une stabilité monétaire et la réduction du risque inflationniste dont de nombreux pays, indépendants monétairement, sont victimes.

Cependant, quelle portée l’adoption de l’Afro aurait-elle sur la gestion de la politique monétaire, notamment avec l’entrée en vigueur de l’Eco ? En effet, si l’économie d’un État est fondée sur une monnaie qui lui est extérieure, alors il ne peut avoir d’autonomie monétaire et il est donc limité dans la gestion de ses finances publiques.

D’après la théorie des « Zones monétaires optimales » de Mundell-Fleming qui en reprenant l’image du triangle des incompatibilités, une fixité des taux de change et une libre circulation des capitaux ne peuvent cohabiter avec une autonomie de la politique monétaire. L’effet peut même devenir pervers en retirant toute potentielle influence sur la politique monétaire par le pays en la soumettant à une indexation à 80 % sur l’or. La quantité d’Afros serait donc limitée par des stocks d’or détenus en Afrique. Or les réserves d’or sont principalement détenues par les grandes puissances occidentales, la Russie et la Chine.
On pourrait potentiellement penser à une indexation sur un panier de biens « africains » représentatif de la consommation locale. Or, à défaut d’être un continent homogène, il est nécessaire de garder conscience des disparités et divergences entre les pays africains.
En ce sens, l’idée de la création de plusieurs Afros, pour chaque zone monétaire regroupant des pays convergents, pourrait être une alternative intéressante. La question clé reste l’indexation de la cryptomonnaie pour stabiliser son évaluation. Par exemple, elle pourrait être liée à un panier de biens représentatifs de la zone utilisatrice de la monnaie qui n’est pas trop vulnérable aux influences extérieures, et peu volatil.

Si un État décide d’introduire une cryptomonnaie pour bénéficier des bénéfices de celle-ci (transferts rapides d’argent, visibilité sur les flux financiers, coûts de transaction réduits, …) exclusivement à l’échelle nationale ou bien à l’intérieur d’une union monétaire, la cryptomonnaie pourrait simplement être indexée à la monnaie réelle utilisée (et émise par la Banque Centrale).

Ceci est par exemple un concept en développement en Afrique de l’Ouest avec le « e-CFA » ou en Tunisie avec le e-Dinar.
Cette nouvelle cryptomonnaie nationale permettra de garantir une autorité monétaire nationale indépendante tout en permettant une totale transparence des flux monétaires domestiques et par conséquent l’établissement d’une confiance par définition. Pourtant, une indexation à la monnaie nationale implique bien sûr qu’une stabilité monétaire dépend purement de la bonne politique monétaire de la Banque Centrale.
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Afrique et numérique
Comprendre les catalyseurs du digital en Afrique

Jean-Michel HUET et coauteurs :
Saleh Cherqaoui, Olivier Darondel, Ludovic Morinière, Sarah Calvados, Marwane El BoukFaoui, Melissa Etoke, Eyaye, Lennart Ploen, Ludivine Le Marc, Miriame El Mazzoudi.
Préface de Rémy Rioux, DG de l’AFD
329 p., janvier 2021, Pearson France éditeur
www.pearson.fr

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SUR LE MÊME SUJET (1/2) :
« La blockchain, catalyseur des échanges financiers entre acteurs économiques africains » : un extrait de l’ouvrage « Afrique et Numérique » de J.-M. Huet et coauteurs (1/2)

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