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« Coding For Employment », l’ambitieux programme de la BAD pour former au codage 32 millions de jeunes Africains (BearingPoint / J.-M. Huet, L. Ploen, F. Rieux)

12 mai 2022
« Coding For Employment », l'ambitieux programme de la BAD pour former au codage 32 millions de jeunes Africains (BearingPoint / J.-M. Huet, L. Ploen, F. Rieux)
L’enseignement et la formation techniques et professionnels au digital en Afrique comptent déjà des initiatives d’excellent niveau et à fort impact. Mais pour combler son déficit de financement de l’éducation d’ici à 2030, l’Afrique a besoin d’au moins 40 milliards de dollars par an. Face à ce défi, la BAD a lancé un ambitieux programme…

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Une contribution de
Jean-Michel HUET, associé BearingPoint,
Lennart PLOEN, manager BearingPoint,
Florence RIEUX, consultante BearingPoint

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Assurer les moyens matériels nécessaires à la digitalisation de l’Enseignement et la Formation Techniques et Professionnels (EFTP) en Afrique, démocratiser l’accès aux équipements et infrastructures de base est un préalable indispensable à la digitalisation de la formation professionnelle en Afrique.

Un rapport de l’UNESCO de janvier 2021 (1) affirme qu’en Afrique subsaharienne, en 2019, 89 % des apprenants n’avaient pas d’ordinateur à la maison. Le manque de moyens matériels prive actuellement les pays africains des solutions les plus innovantes de formation via le numérique, ou au numérique.
Par exemple, en raison de leurs contenus en 3D, les technologies immersives consomment bien plus de données que des contenus en 2D et imposent des capacités de bandes passantes plus importantes qui demeurent extrêmement rares sur le Continent.

Néanmoins, le manque d’équipement peut être en partie contourné. Pour les plus de 350 millions de personnes en Afrique subsaharienne qui n’ont pas accès à l’électricité mais vivent dans des zones couvertes par le réseau mobile, les solutions solaires off grid permettent le rechargement des appareils comme des tablettes numériques, et la possibilité de fonctionner sans réseau (en sauvegardant les données jusqu’à la prochaine connexion à Internet) est intégrée d’emblée à beaucoup d’applications de formation sur mobile.

De même, pendant la pandémie de COVID-19, pour atteindre les jeunes ruraux sans accès à Internet, le gouvernement sénégalais a diffusé des cours à la télévision et à la radio, en plus de cours d’EFTP en ligne.

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Des dépenses publiques
élevées mais insuffisantes

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La digitalisation et l’amélioration à long terme des conditions matérielles de l’EFTP en Afrique exigeront surtout de lever des financements. Le secrétariat du Partenariat Mondial pour l’Education (Global Partnership for Education) estime que l’Afrique a besoin d’au moins 40 milliards de dollars par an pour combler son déficit de financement de l’éducation d’ici 2030 – un montant loin d’être atteint (2).

De manière générale, les dépenses en matière d’éducation et de formation doivent être augmentées sur le continent africain – alors même qu’elles sont déjà extrêmement élevées pour les ménages comme pour les pouvoirs publics. L’éducation sollicite en effet environ 17 % des dépenses publiques des pays africains, contre environ 12 % en Europe et en Amérique du Nord, et 14 % au niveau mondial (3). Selon le rapport Perspectives économiques africaines 2020 publié par la Banque Africaine de Développement, le niveau d’investissement des gouvernements africains dans l’éducation s’élève à 5 % du PIB(4), ce qui en fait le deuxième plus élevé de toutes les régions du monde.

Mais ces coûts très élevés sont principalement des dépenses de fonctionnement – pour la rémunération des enseignants (5) – et non d’investissement, ce qui met en cause la pérennité des structures éducatives dans les années à venir.

L’aide au développement pourrait être l’un des leviers d’augmentation des financements de l’EFTP, qui est, par nature, « souvent très coûteux », et qui apparaît comme le parent pauvre des financements du secteur éducatif en Afrique, le primaire absorbant la plupart des coûts, suivi du tertiaire et du secondaire (6).

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Adopter une pédagogie appropriée
à l’enseignement numérique et par le numérique

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Les potentialités du digital ne pourront être vraiment exploitées qu’à condition d’accompagner les moyens matériels d’une mode d’enseignement approprié.

Par exemple, la formation axée sur l’acquisition de compétences (FAC) semble particulièrement adaptée à l’enseignement du numérique au niveau de l’EFTP en Afrique, car elle s’effectue par de courts modules distincts, évalués séparément, ce qui permet aux élèves d’assimiler plus facilement les notions, mais aussi d’intégrer et de quitter le système de formation quand ils le veulent, en faisant valoir les acquis qu’ils ont déjà validés – ce qui peut être certifié électroniquement.

Les plateformes d’apprentissage en ligne ou e-learning, la gamification, l’apprentissage sur mobile ou encore les ressources éducatives libres sont autant d’instruments susceptibles de servir la formation par le digital au niveau de l’EFTP en Afrique, notamment avec une organisation modulaire de l’enseignement.

Enfin, pour former efficacement par le digital, il est impératif de proposer du contenu en langue locale ainsi que des emplois du temps flexibles et adaptés aux contraintes d’élèves de l’EFTP ayant une vie active en parallèle.

En outre, le renforcement des capacités du personnel éducatif et des formateurs, afin d’accompagner la transformation du rôle et des compétences du professeur, fait partie des évolutions pédagogiques nécessaires à l’introduction du numérique dans l’EFTP.

Le Yaba College of Technology (YCT) du Nigeria propose ainsi, grâce à une collaboration avec le Commonwealth of Learning, des cours en ligne pour améliorer les capacités des enseignants en matière d’apprentissage basé sur la technologie, et a également adapté un processus d’évaluation de la performance des enseignants afin d’encourager la pédagogie innovante. Le fait de lier la formation continue à la progression de la carrière accroît l’ouverture du personnel de l’EFTP à l’adoption de nouvelles méthodes d’enseignement (7) : dans un monde où les changements sont plus rapides que jamais, les professeurs eux-mêmes demeurent des apprenants, tout comme leurs étudiants.

Enfin, l’apprentissage des compétences numériques peut dès aujourd’hui s’effectuer en Afrique au-delà des enceintes des établissements d’EFTP traditionnels, car l’enseignement et la formation techniques et professionnels au digital en Afrique comptent déjà des initiatives d’excellent niveau et à fort impact, notamment adossées à des partenariats entre institutions publiques et entreprises privées.

Citons l’une des plus vastes et des plus ambitieuses : dans le cadre de son initiative pour l’emploi des jeunes en Afrique, et en partenariat avec la Fondation Rockefeller, Microsoft et Facebook, la Banque Africaine de Développement (BAD) a lancé le programme « Coding For Employment » en 2018. Son objectif est de développer les compétences numériques chez les jeunes africains et de faire émerger une nouvelle génération d’innovateurs sur le Continent (8). Le programme est déployé via 130 centres d’excellence à travers l’Afrique. Coding For Employment doit ainsi former 32 millions d’hommes et de femmes et permettre de créer plus de 9 millions d’emplois.

……

1 - UNESCO, Passerelles entre Stratégie continentale de l’éducation pour l’Afrique (CESA) et l’ODD 4 en Afrique (janvier 2021),
https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000375419_fre.

2 - Partenariat Mondial pour l’Education, « 5 raisons d’investir 5 milliards de dollars : entretien avec Atsuko Toda », 10 juillet 2021,
https://www.globalpartnership.org/fr/blog/5-raisons-dinvestir-5-milliards-de-dollars-entretien-avec-atsuko-toda

3 - Agence Française de Développement, L’éducation en Afrique subsaharienne : idées reçues, 2018,
https://www.afd.fr/sites/afd/files/2018-01/education-afrique-subsaharienne-idees-recues.pdf

4 - Peter Anti Partey, « COVID-19 et éducation en Afrique subsaharienne : 5 mesures à prendre pour aller de l’avant », Partenariat Mondial pour l’Education, 8 janvier 2021,
https://www.globalpartnership.org/fr/blog/covid-19-et-education-en-afrique-subsaharienne-5-mesures-prendre-pour-aller-de-lavant

5 - UNESCO, Qui paie pour quoi dans l’éducation – Les véritables coûts révélés grâce aux comptes nationaux de l’éducation, 2016,
https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000246341/PDF/246341fre.pdf.multi

6 - UNESCO-UNEVOC, Technical and vocational education and training for disadvantaged youth, 2021
https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000378367/PDF/378367eng.pdf.multi

7 - UNESCO, Passerelles entre Stratégie continentale de l’éducation pour l’Afrique (CESA) et l’ODD 4 en Afrique (janvier 2021),
https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000375419_fre ?

8 - Voir https://coding4employment.org/

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ARTICLE de la même série et des mêmes auteurs :

Les solutions numériques, un moyen pour relever le défi de l’éducation et de la formation professionnelle en Afrique

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