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Christophe LECOURTIER, DG de Business France (3/3) : « Avec l’Afrique, nous sommes complètement dans la logique du codéveloppement et des partenariats pluriels »

9 mai 2019
Christophe LECOURTIER, DG de Business France (3/3) : « Avec l'Afrique, nous sommes complètement dans la logique du codéveloppement et des partenariats pluriels »
Après avoir décrit dans le premier volet* de cet entretien exclusif la genèse de la création des Team France Export, puis le mode de fonctionnement de ces TEF installées dans chaque Région**, Christophe LECOURTIER, DG de Business France, aborde ici le positionnement de son organisation vis-à-vis de l’Afrique, réaffirmée comme région stratégique prioritaire.

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Propos recueillis par Alfred Mignot, AfricaPresse.Paris (AP.P)
@alfredmignot | @PresseAfrica

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Avec la Team France Export, vous avez conduit une réforme dont l’objectif revendiqué est de « faire mieux et plus avec moins ». Comment ?

Christophe LECOURTIER - Nous inscrivons clairement mon projet et notre stratégie dans une logique où l’État, dans les années à venir, va réduire assez sensiblement, de l’ordre de 10 %, ses dotations à Business France – 10 % sans tenir compte de l’inflation !
Pour moi, c’est une conviction que pour une organisation publique comme la nôtre [Business France est un EPIC, établissement public à caractère industriel et commercial, ndlr], l’enjeu n’est pas de demander toujours plus d’argent à l’État, mais d’essayer de mieux répondre à ce pour quoi l’on existe, à mieux satisfaire nos clients – entités publiques et entreprises. Ainsi dans le cas d’espèce, j’ai considéré qu’en créant cette Team France Export on pouvait réussir à faire beaucoup mieux pour les entreprises, beaucoup mieux pour la nation, et en demandant moins d’argent à l’Etat.

Je n’ai vraiment pas d’état d’âme avec cela, mais Il est vrai que cela a imposé de notre part un certain nombre de réorganisations – de redéploiements, dans notre jargon. Ne serait-ce que pour construire les Team France Export, près d’une centaine de nos collaborateurs ont rejoint les régions. C’est assez conséquent. À la fin de cette année, nous aurons supprimé à peu près 13 % de nos effectifs à l’étranger, là où l’on était en plus grand nombre, avec presque un millier de collaborateurs. Dans certains pays, nous avons carrément fermé nos bureaux, mais nous choisissons par appel d’offres des partenaires privés. Ils deviennent à part entière des membres de la Team France Export. Reliés eux aussi aux mêmes outils informatiques, ils travailleront avec les mêmes standards que nous, à Paris et en Régions, et donc nous créons à l’étranger un réseau qui n’est plus 100 % Business France, mais un réseau public-privé.

Vous attendez plus de valeur ajoutée de ce cocktail public-privé ?

Christophe LECOURTIER - Je tiens beaucoup à ce cocktail, car je suis un grand adepte de la mixité culturelle, du métissage entrepreneurial, si je puis dire, et je pense que l’on a toujours à apprendre d’un autre modèle économique, d’autres modes opérationnels. Certes, nous faisons certaines choses probablement mieux que certains partenaires privés à l’étranger, mais il y a aussi nombre de domaines où ces acteurs sont en avance sur nous. Donc en nous réunissant tous dans le même réseau, et en travaillant sur les mêmes standards – pour éviter des différences de niveau qui troubleraient les entreprises françaises quand elles vont à l’étranger –, nous allons générer un enrichissement de l’ensemble, et pas du tout une perte de substance ou d’identité.

Quelle place accordez-vous à l’Afrique avec cette nouvelle stratégie des Team France Export ?

Christophe LECOURTIER - Notre stratégie africaine s’inscrit dans notre stratégie mondiale. D’abord, dans une logique de choix d’allocation de ressources qu’un DG doit faire dans une organisation, j’ai choisi de proposer au gouvernement que nous maintenions nos moyens et nos dispositifs en Afrique. Avec la Chine et l’Allemagne, l’Afrique est l’une des seules régions du monde où nous avons choisi de ne pas diminuer notre présence et même, si l’occasion se présente, de l’augmenter.

Dans un premier temps, elle va d’ailleurs s’accroître grâce justement à la création de partenariats publics-privés dans toute une série de pays où nous ne sommes pas présents. Nous sommes actuellement en train d’identifier des acteurs privés qui peuvent être nos relais.
Dans un deuxième temps, on pourra très bien imaginer de renforcer tel ou tel de nos postes en Afrique – à ce jour, nous sommes implantés dans une douzaine de pays –, et le cas échéant même d’ouvrir un nouveau bureau.

Pourquoi ce choix de maintenir, voire d’augmenter la présence de Business France en Afrique ?

Christophe LECOURTIER - D’abord parce qu’il y a une demande d’Afrique chez les entrepreneurs, on le voit bien. Aujourd’hui, et pour plusieurs raisons, on ne peut certes pas dire que la France en termes commerciaux a conquis l’Asie, ni même l’Amérique latine, qui sont deux zones émergentes. En revanche, il y a le sentiment largement partagé chez nos entrepreneurs que la proximité géographique et culturelle nous donne peut-être l’occasion de mieux défendre nos intérêts en Afrique. C’est une opinion que je partage pleinement.

Le deuxième paramètre à prendre en compte, que le Président de la République a particulièrement bien développé dans son discours de Ouagadougou en novembre 2017, c’est que nous avons tous un intérêt bien senti à ce que l’Afrique se développe.
Cela se fera vraiment dans une logique gagnant-gagnant, pour nous comme pour les pays africains, au sens où nos entreprises ont des chances de pouvoir participer au développement économique de ces marchés de relative proximité, à la fois pour en retirer des bénéfices mutuels mais aussi pour éviter, grâce au développement, les chocs liés à la démographie et à une immigration difficile à contrôler, comme on a pu le constater au cours de ces dernières années.

Donc avec l’Afrique, vous situez votre action dans une perspective d’engagement de long terme, et de codéveloppement, voire de coproduction ?

Christophe LECOURTIER - Oui, nous sommes complètement dans cette logique de codéveloppement, de partenariats pluriels – comme le montrent les récentes initiatives prises par ailleurs, telles Digital Africa et Choose Africa – et nous espérons (dé)montrer qu’il ne s’agit pas de recréer, ni de susciter ou de soutenir une nouvelle vague que je ne qualifierai pas de néocoloniale, mais en tout cas une démarche qui consisterait essentiellement à ce que le bénéfice des échanges internationaux profite uniquement à nos entreprises.

Nous sommes convaincus que si l’on veut atteindre les objectifs d’un développement endogène et plus inclusif, et donner des perspectives à la jeunesse africaine pour créer une dynamique vertueuse où plus de gens travaillent – donc aussi plus de gens consomment et peuvent voir leurs niveaux d’études et de vie s’élever –, il faut susciter des projets communs d’entreprises françaises et africaines. Cela permettra d’apporter notre savoir-faire, notre technologie, et en même temps de développer le tissu économique africain.

Est-ce le message que vous allez porter au prochain forum Ambition Africa, dont Business France est l’opérateur, et dont la deuxième édition est déjà programmée à Bercy, les 9 et 10 octobre prochains ?

Christophe LECOURTIER - Notre relation avec l’Afrique ne peut plus être fondée seulement sur de l’export qui ne bénéficierait qu’à la partie française. Ce serait d’ailleurs probablement un bénéfice de très court terme, compte tenu de l’ampleur des enjeux. Donc à Ambition Africa nous portons en particulier l’idée de ces partenariats pluriels dans un certain nombre de domaines, par exemple celui de la ville durable. C’est un énorme sujet pour l’Afrique et ce sera le thème central du prochain sommet Afrique-France, en 2020.

Cette idée de partenariats pluriels avec l’Afrique s’inscrit notamment dans la séquence Ambition Africa 2019, avec du BtoB permettant à des solutions françaises de rencontrer des entreprises africaines, en particulier sur cette thématique de la ville durable, car cela répond à des besoins évidents en Afrique, où les villes grandissent très vite.
Et cela correspond aussi à des secteurs d’activité où nous avons beaucoup de savoir-faire, comme le transport, la production et distribution d’énergie, la gestion des déchets, des flux, de l’urbanisation, etc. Toutes sortes de secteurs où l’on est en pointe, où les besoins sont considérables et où il faut arriver à trouver des formules de partenariats, d’associations durables pour pouvoir développer des solutions en Afrique, conjointement avec des acteurs économiques africains.

Mais pour développer ensemble, il faut d’abord se rencontrer, se frotter le bout du nez et le cerveau ! Cela a été dit par le Président de la République, mais nous le pensons tous… C’est notre manière française de nous projeter dans l’avenir avec l’Afrique, et elle est sensiblement différente de la manière adoptée par certains autres grands pays… Nous pensons qu’il faut démontrer que nous nous inscrivons bien dans une communauté de destin avec l’Afrique, car finalement c’est cela le sujet de fond.

Les accords de Cotonou entre l’Union européenne et les pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) arrivent à terme l’année prochaine, et leur reconduction est en cours de négociation. Certains préconisent de dissocier l’Afrique des es autres régions. Votre opinion ?

Christophe LECOURTIER - Ce que je pense sur les régimes de préférence commerciale ou autre, c’est qu’il faut continuer dans une forme d’action affirmative au niveau des pays, comme cela a été imaginé originellement par l’Union européenne. L’essentiel, c’est que l’on active tous les moteurs possibles, dont celui des régimes de préférence des accords entre l’union européenne et les ACP – dont le A africain est quand même le plus nettement consistant, à la fois en enjeux, en population, en flux – et que l’on place ce dispositif en phase avec certains autres, qui pour le moment n’ont probablement pas encore donné toute leur puissance, celle-ci étant davantage fondée sur le secteur privé, avec des réalités beaucoup plus microéconomiques.

Plaidez-vous, comme le Medef Afrique et l’Ipemed ou encore le CIAN, pour une plus forte prise en considération du secteur privé dans les prochains accords de Cotonou II ?

Christophe LECOURTIER - On sait très bien que comme toutes les zones en voie de développement, l’Afrique est confrontée à une course de vitesse entre la croissance économique et la croissance démographique. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’au cours de ces dernières décennies, ce n’est pas toujours la croissance économique qui a gagné en Afrique.

Cette fois-ci, l’enjeu est décisif. Pour réussir à ce que la courbe de la croissance économique dépasse sensiblement celle de la croissance démographique – en attendant que ladite démographie se stabilise, comme c’est d’ailleurs déjà le cas en Afrique du Nord – il faut mettre tous les moteurs en marche. Il n’y a pas une solution miracle, mais un bouquet de solutions à mettre en œuvre.

Encore une fois, nous avons vraiment intérêt à dépasser les logiques court-termistes de balance commerciale. La géographie et l’histoire sont incontournables, nous sommes avec l’Afrique dans une communauté de destin, et si nous voulons qu’elle soit une chance pour l’Europe et notamment pour la France, il faut miser par tous les moyens sur son développement, s’engager à le favoriser.

Cela fait maintenant quelque trente ans qu’a commencé le développement de la Chine, devenue un acteur majeur de notre monde contemporain. Aujourd’hui, le deuxième acteur du XXIe siècle que l’on voit en phase de s’affirmer, c’est l’Afrique.
Mais on n’est pas encore certain que le développement de l’Afrique répondra d’abord aux aspirations de ses populations, et ensuite aux intérêts des continents voisins. C’est pourquoi nous devons nous mobiliser sans réserve.

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RETROUVEZ le volet 1/3 de l’entretien :
 *Christophe LECOURTIER, DG de Business France (1/3) : « Nos Team France Export accompagnent les entreprises dans leurs premiers pas vers le grand large de l’international »

RETROUVEZ le volet 2/3 de l’entretien :
 **Christophe LECOURTIER, DG de Business France (2/3) : « Les Team France Export, c’est du gagnant-gagnant pour tous les opérateurs de l’international au service des entreprises »
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