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Christian Kader Keita, SG du RICE* : « Comment faciliter et sécuriser la contribution de la diaspora au financement de l’immobilier en Afrique ? » (1/2)

19 septembre 2018
Christian Kader Keita, SG du RICE* : « Comment faciliter et sécuriser la contribution de la diaspora au financement de l'immobilier en Afrique ? » (1/2)
Selon un rapport de l’ONU-Habitat, 400 millions d’Africains vivaient en milieu urbain en 2010, soit 40 % de la population, et 1,2 milliard y vivront en 2050, soit 60 % du total. En matière de logement en Afrique, la question de comment augmenter l’offre actuelle est donc primordiale. Comment financer l’immobilier sur le Contient ? Comment faciliter et sécuriser la contribution de la diaspora ? Dans ce premier volet d’un diptyque dédié à ces questions, Christian Kader Keita s’attache à identifier le profil et les motivations des candidats à l’investissement immobilier issus de la diaspora africaine.

Une tribune libre de Christian Kader Keita*
Secrétaire général du RICE

(Réseau International des Congolais de l’Extérieur)

« Quand le bâtiment va, tout va ! »… mais au-delà de cette assertion bien connue, une autre réalité doit aussi être prise en compte : l’Afrique est multiforme et pour y travailler efficacement, il ne suffit pas de dupliquer les modèles occidentaux de financement. Il nous faut avoir l’audace d’explorer de nouvelles pistes.

Il est grand temps en effet que l’Afrique récupère sa diaspora dans des termes économiques en bâtissant des passerelles, et l’immobilier lui offre une belle opportunité. L’immobilier n’est pas délocalisable, l’immobilier est inclusif, car il concerne toutes les couches de la société : de l’ouvrier qualifié au financeur institutionnel ou privé, en passant par les artisans.
L’essor de l’immobilier répondrait à une réelle attente des populations, car l’offre actuelle couvre à peine 10 % des besoins exprimés en logement. L’Afrique a besoin de sa diaspora, et la diaspora a besoin d’un système de financement qui ne soit pas un calque du système actuel en Occident, mais qui nécessite une forte capacité d’innovation et de créativité.

Financement direct par la diaspora, partenaire
du développement de son pays d’origine

Les membres de la diaspora africaine sont aujourd’hui économiquement forts pour rendre réelles leurs envies de jouissance d’un logement secondaire dans leur pays d’origine. Historiquement, la diaspora africaine a contribué à la construction de nombreux complexes immobiliers, souvent des logements secondaires pour loger la famille et servir de résidence de vacances.
Mais souvent ces initiatives ne se sont pas déroulées dans les meilleures conditions : la maîtrise d’ouvrage de ces constructions a souvent été laissée à un membre de la famille qui n’avait pas les compétences techniques et managériales requises ; le financement et les risques sont supportés exclusivement par le membre de la diaspora, sans aucun accès à un crédit ou à des garanties financières ; il n’est pas rare que le projet ait commencé sans que la totalité du budget nécessaire pour une réalisation complète ait été collecté ; ou encore que la plupart des ressources en capital aient pu être dilapidées.

La diaspora, acteur de premier plan, a besoin d’être sécurisée. Elle ne doit pas être considérée seulement comme une source de financement, mais bien comme un partenaire du développement de son pays d’origine. Afin de soutenir et de canaliser cette dynamique historique, Il y a donc lieu d’établir de toute urgence des liens plus solides entre les pays d’origine et leur diaspora. Cela peut prendre plusieurs formes, par exemple :

- Mettre en place un « Statut de la diaspora » et lui permettre en conséquence de bénéficier de certaines mesures et facilitations, notamment en termes d’accès au crédit immobilier ou de tour de table pour les projets de promotions immobilières déjà existantes ou futures dans le pays d’origine.
Cela suppose une banque de données de ces projets et une large diffusion de l’information, au sein des ambassades respectives, des projets élus et des mesures et facilitations mises en place. La communication à ce niveau se révèle être une condition nécessaire pour atteindre l’objectif assigné.

- Intégrer la diaspora dans certains montages financiers, du style projets immobiliers à « Partenariat Diaspora et Public-Privé » (PDPP). Innovons !

Encourager la mise en place des structures qui accompagnent la diaspora dans les missions de maîtrise d’ouvrage et sécurisent les transactions (au niveau juridique), cela au travers d’un « Guichet unique » comprenant la partie technique (la maîtrise d’œuvre, la maîtrise d’ouvrage, l’architecte, le notaire, le foncier…).

La triple motivation de diaspora au regard

de la pyramide des besoins de Maslow

Par rapport à la segmentation du marché de l’immobilier, nous souhaitons rappeler que la diaspora peut agir en fonction d’au moins trois niveaux de la pyramide des besoins de Maslow.

> À titre personnel  - Concernant les primo-accédants, on se trouve en effet sur les deux premiers niveaux de la pyramide. Besoin d’acheter son logement pour y passer des vacances ou pour une future retraite après de durs labeurs au froid, en Europe… Ici, on pense plus à soi et/ou à ses proches. Toutefois, le « besoin de reconnaissance » poussera certains membres de cette diaspora à acheter les logements plutôt luxueux se situant dans des quartiers très confortables. On s’oriente à ce niveau vers des « programmes de luxe ». On veut retrouver les mêmes standards qu’on connaît en Europe
Le prix du logement acheté se situe largement au-dessus de la moyenne et on note une affection démesurée pour des produits importés, notamment de décoration.

> Un investisseur dynamique et exigeant - Le membre de la diaspora se comporte en investisseur pour profiter des taux actuels de rentabilité, très alléchants. Il le fait en prenant des parts dans une Société de promotion immobilière, (ou de construction de locaux commerciaux, industriels ou de bureaux) qui présente un projet avec un business plan rigoureux et rentable à court ou moyen termes. Il veut des dossiers clairs, il veut se préfigurer les projets grâce aux outils actuels offerts par le numérique… Ici, la diaspora se déploie en partenaire économique.

> Un acteur social - La Diaspora apporte sa contribution financière dans les opérations de construction et de relogement des populations à faibles revenus en partenariat avec l’État et/ou les ONG.
Ici, on milite pour l’éradication des bidonvilles et contre les maux qui en découlent (insalubrité, maladies, criminalité…). Par ailleurs, on exige des méthodes de construction inclusive : utilisation des matériaux locaux et de la main-d’œuvre locale, de l’énergie durable, respect de la mixité sociale et de l’environnement ; urbanisation pensée pour le bien-être de la population, moderne, adaptée aux réalités du boom des grandes villes africaines d’aujourd’hui.

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À SUIVRE (2/2) :

- Christian Kader Keita, SG du RICE* (2/2) : Financements alternatifs et conditions préalables à l’essor de l’immobilier en Afrique

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* Secrétaire général du RICE (Réseau International des Congolais de L’Extérieur), Christian Kader Keita est également directeur associé au cabinet Avutann (Paris) de conseil en organisation, stratégie et management des entreprises et d’accompagnement de leurs dirigeants.

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DU MÊME AUTEUR

- Christian Kader Keita, SG du RICE : Pourquoi l’art africain doit retourner vers les terres qui l’ont vu naître

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