Christian Hiller von Gaertringen : « L’Allemagne mise sur la coopération volontaire avec l’Afrique… mais ses entreprises s’engagent peu » (1/2)
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Une contribution de Christian Hiller von Gaertringen
Analyste, chercheur, économiste,
expert financier sur l’Afrique
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En ce début de mois de juin, alors que l’incidence en Allemagne est tombée à moins de 50 nouveaux cas pour 100 000 habitants, les politiques allemands peuvent enfin commencer à s’occuper de leurs affaires habituelles. Ou presque. Le ministre allemand de la Santé, Jens Spahn, a pris l’avion pour se rendre à Pretoria, la capitale sud-africaine. Il y retrouvait le président français Emmanuel Macron pour le sommet de l’« Initiative pour l’Avenir des Vaccins en Afrique ».
« Une coopération volontaire
fondée sur la conviction »
« Une coopération volontaire
fondée sur la conviction »
Le ministre d’Angela Merkel avait une bonne et une mauvaise nouvelle pour les Sud-Africains. La mauvaise : l’Allemagne est opposée à l’idée de lever les brevets sur les vaccins anti-Covid-19. La bonne : Berlin est prêt à débloquer 50 millions d’euros pour monter une production des vaccins en Afrique, car le continent importe actuellement 99 % des vaccins dont il a besoin.
« Une coopération volontaire fondée sur la conviction est toujours plus efficace que la coopération forcée », disait le proche de la chancelière Angela Merkel. « Les développeurs de vaccins allemands veulent coopérer avec d’autres fabricants dans le monde. »
Le mot-clé dans la politique allemande en Afrique reste le même depuis soixante ans, c’est la coopération, ou bien la Coopération avec un « c » majuscule. Alors que la France a intégré le ministère de la Coopération dans les Affaires étrangères avant le tournant du millénaire, l’Allemagne reste attachée à son ministère de la Coopération économique et le Développement, le « BMZ » dans le jargon des milieux politiques de Berlin.
Ce ministère est bien utile, car le système politique en Allemagne veut que chaque gagnant des élections soit obligé de former un gouvernement de coalition avec un ou deux autres partis politiques. Le « BMZ » sert donc à satisfaire l’un ou l’autre aspirant à un ministère indispensable pour former un gouvernement.
Les entreprises allemandes
s’engagent peu en Afrique
Les entreprises allemandes
s’engagent peu en Afrique
L’Allemagne s’est fait un nom dans le monde en propageant une « économie sociale de marché » qui allie une politique économique libérale avec une politique sociale paternaliste. Mais en ce qui concerne son engagement en Afrique, Berlin ne s’appuie qu’en cas d’exception sur l’engagement des entreprises privées.
Déjà, il n’y a pas beaucoup d’entreprises allemandes qui investissent en Afrique. Bien sûr, il y a le secteur automobile : les trois constructeurs ont leur usine en Afrique du Sud. Mercedes y construit, entre autres, ses modèles pour les pays où l’on conduit à gauche et emploie près de 3 000 personnes. Volkswagen fait construire en Afrique du Sud des moteurs et la petite Polo, et emploie même plus de 5 000 personnes. BMW aussi entretient une usine en Afrique du Sud. C’est même une des plus modernes au sud de l’équateur. Dans une compétition interne au groupe, l’usine Rosslyn a remporté la construction de la X3 pour tout le groupe ce qui fait la fierté des 4 000 employés du site.
C’est pratiquement tout. Les entreprises allemandes qui s’engagent en Afrique font de l’importation de produits agricoles avant tout. Ou bien elles s’engagent dans des projets bien précis et limités dans le temps. Les entreprises allemandes sont des champions de l’exportation, mais elles n’aiment pas investir à l’étranger et surtout pas en Afrique.
Des expériences comme celle de Leoni ne donnent pas envie aux entrepreneurs allemands d’investir en Afrique. Les origines de la société Leoni, spécialiste de la sous-traitance automobile, remontent jusqu’en 1569. Le Français Anthoni Fournier, se sentant mal à l’aise dans son pays natal ravagé par les guerres contre les Huguenots, s’expatriait vers l’Allemagne, plus accueillante aux Français protestants…
À notre époque, dès les années 1970, Leoni a fortement investi en Tunisie et au Maroc pour y implanter sa production de câbles automobiles. Mais, confrontée à des difficultés menaçant l’existence même de Leoni, la direction générale s’est vue obligée de mettre en vente son filière câbles.
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L’exception du Groupe Robert Bosch,
qui développe une stratégie de long terme
L’exception du Groupe Robert Bosch,
qui développe une stratégie de long terme
Heureusement qu’il y a le Groupe Robert Bosch de Stuttgart, une des rares sociétés allemandes à développer une vraie stratégie de long terme pour le marché africain. Le groupe, par ailleurs détenu par une fondation, s’engage dans des activités les plus diverses : l’équipement automobile, l’électroménager et les outils électriques, l’équipement énergétique pour l’immobilier ou bien les solutions énergétiques pour les villes.
Depuis quelques années, Robert Bosch travaille le marché africain systématiquement du sud au nord, en remportant un succès remarquable.
Ces exemples peuvent faire croire que l’économie allemande s’intéresse bien à l’Afrique. De fait, ces quelques investisseurs restent bien seuls. Le gouvernement allemand a donc peu de relais dans le monde des entreprises pour mettre en place une politique économique envers l’Afrique.
Et puis, la crise de la pandémie du Covid-19 favorise également le retour de l’État fort dans les milieux des affaires. Seule une politique très forte et dépensière de soutien aux entreprises a évité que l’économie allemande tombe sous les coups du virus dans une crise économique semblable à celle de 1929-1930.
Plusieurs initiatives concrètes
en faveur de l’Afrique
Plusieurs initiatives concrètes
en faveur de l’Afrique
Le coronavirus est en train de changer sensiblement la politique allemande envers l’Afrique. Si Berlin ne s’est jamais vu dans le rôle ingrat de pacificateur dans les conflits qui secouent le Continent, la politique allemande envers le grand continent du sud a toujours oscillé entre une volonté de jouer un rôle de bienfaiteur, une politique commerciale visant l’ouverture de nouveaux marchés pour l’exportation, et la coopération.
Depuis l’éclatement de la pandémie du coronavirus, l’Allemagne penche nettement vers la charité et la coopération. Le gouvernement d’Angela Merkel profite de cette crise pour construire un hôpital par ci, financer des mesures de soutien par là et se faire des amis un peu partout sur le continent. C’est aux Français que la chancelière partante laisse bien volontiers la tâche ingrate de combattre l’islamisme dans le Sahel.
Deux milliards d’euros pour lutter
contre la Covid en Afrique
Deux milliards d’euros pour lutter
contre la Covid en Afrique
Angela Merkel se voit sur ce point en accord avec son ancienne ministre de la Défense, Ursula von der Leyen, devenue en 2019 Présidente de la Commission européenne à Bruxelles. Comme l’Union européenne essaie de développer une politique européenne envers l’Afrique, von der Leyen a débloqué 1 milliard d’euros dans le budget de l’UE pour financer la lutte contre Covid-19 en Afrique.
Il serait dans l’intérêt de l’Allemagne de soutenir les pays pauvres dans leur combat du virus, affirmait Gerd Müller, ministre allemand de la Coopération. « Nous ne pourrons stopper la propagation du coronavirus que si nous agissons en commun, chez nous et dans le monde », ajoutait-il.
De fait, en 2020, le gouvernement fédéral a débloqué une aide immédiate d’1 milliard d’euros aux pays que l’Allemagne considère comme étant ses partenaires de choix en Afrique, des pays tels que le Ghana, la Tunisie, la Côte d’Ivoire ou l’Éthiopie. De plus, Berlin contribuera au fonds de lutte contre les pandémies de la Banque mondiale, et au plan de soutien lancé par l’Union européenne.
Ce sont surtout les organisations de la santé publique, telles que l’institut Robert Koch, chargé de la lutte contre les infections, ou bien l’institut Bernhard Nocht pour la médecine tropicale, qui ont été mobilisées dans la lutte allemande du coronavirus en Afrique. Les deux instituts sont rejoints par l’institution chargée de la coopération technique, la GIZ, les trois organisations étant réunies dans la « Force opérationnelle des experts de la santé » (SEEG), créée en 2014 à la suite de l’éclatement du virus Ebola en Afrique.
Signalons enfin que l’institut Helmholtz pour la recherche sur les infections a mis à la disposition du Nigeria et du Ghana une application de surveillance de la propagation du virus, appelée SORMAS.
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