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« Carnets d’Afrique 1937-1960 », de Thierry VERDIER : au nom de la mémoire du père, comment (re)visiter l’Histoire ?

27 décembre 2021
« Carnets d'Afrique 1937-1960 », de Thierry VERDIER : au nom de la mémoire du père, comment (re)visiter l'Histoire ?
Au moment où s’ouvre en France la campagne présidentielle dans laquelle s’invitent les thèmes de l’immigration et de la colonisation, le livre « Carnets d’Afrique 1937-1960 » qui vient de paraître chez l’Harmattan, tente de démêler l’écheveau historique complexe et délicat de cette période de l’histoire de France. Rencontre avec l’auteur, Thierry Verdier.

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Propos recueillis par Marc BOUSQUET
pour AfricaPresse.Paris (APP) @africa_presse

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APP – Thierry Verdier, voulez-vous nous relater la genèse de cet ouvrage et les raisons de sa parution ?

Thierry VERDIER – La déclaration d’Alger de 2017 d’Emmanuel Macron, qualifiant l’action de la France en Algérie de crime contre l’humanité, m’a amené à me poser la question intime, forte et personnelle suivante : mon père qui s’était engagé d’abord comme officier de 1937 à 1940, puis comme administrateur colonial de la France d’Outre-mer de 1947 jusqu’au indépendances africaines des années 1960, a-t-il participé à un crime de guerre ?

Comme il avait gardé de cette période de nombreux écrits et témoignages, j’ai retrouvé dans ses archives les interrogations partagées avec ses contemporains chargés de l’administration de la politique française en Afrique. À leur lecture, j’ai décidé de publier ces témoignages lucides et très vivants. Puis, au fil de ceux-ci, de m’interroger et d’essayer d’interroger les lecteurs sur le débat qui opposent, aujourd’hui, ceux qui de peau blanche ou de peau noire, affirment que la colonisation ne se justifiait pas, et ceux qui pensent que la mission civilisatrice et républicaine de la France justifiait notre action dans le continent africain particulièrement dans une période où il s’agissait de favoriser l’accession des colonies françaises d’Afrique noire à l’indépendance.

Les uns et les autres semblent oublier que dès 1945, le général De Gaulle avait déjà donné mission à leurs pères de favoriser cette future indépendance.

APP – Au début de l’ouvrage, on découvre aussi qu’il y a un lien entre votre engagement dans l’action humanitaire et la publication de ce livre

Thierry VERDIER – À l’issue d’une longue carrière à l’international, débutée en Afrique et poursuivie sur d’autres continents, nous nous sommes engagés, avec mon épouse, dans l’action humanitaire chrétienne au service des migrants.

Parmi les nombreux réfugiés que nous avons accueillis, beaucoup étaient originaires d’Afrique. Nés après les indépendances, ils n’avaient pas connu la période décrite dans ces carnets. Comme ils mettaient souvent en avant, pour justifier leur venue, la dette coloniale de notre pays à leur égard, j’ai trouvé juste et utile de faire mieux comprendre cette période, non pas sous l’angle politique mais sous l’angle historique et humain.

APP – Ces carnets d’Afrique sont remplis d’anecdotes et de portraits très vivants, qui au fil des affectations de votre père, nous conduisent du Tchad au Congo en passant par le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger et la République Centrafricaine…

Thierry VERDIER – Sans oublier le Bénin, la Guinée et l’Algérie. En fait ces carnets suivent les différents postes de mon père et de ses condisciples au gré des affectations que leur attribuait la République Française. Le récit commence en 1937. Mon père, jeune lieutenant de 27 ans, est désigné pour servir dans les bataillons des tirailleurs sénégalais.

Répondant à l’appel du 18 juin 1940, il s’engage derrière le futur général Leclerc au service de la France libre. En 1945 il rejoint l’administration coloniale civile après avoir démissionné de l’armée, et il servira pendant la presque totalité de sa carrière en Afrique.
Durant cette période et jusqu’en 1960, il côtoie de nombreuses personnalités politiques comme Pierre Messmer, Yvon Bourges ou Bernard Cornut-Gentille, dont il fut le directeur de cabinet quand celui-ci était Haut Commissaire de la République en AEF, et qui sera par la suite député-maire de Cannes .

En Afrique, il a aussi connu et travaillé avec de nombreux Africains qui sont par la suite devenus chefs d’État, comme l’abbé Fulbert Youlou, Ahmed Sékou Touré ou Felix Houphouët-Boigny.

APP – Dans cet ouvrage, vous faites aussi une large place à la réflexion politique, économique et sociale. Vous vous interrogez par exemple sur la notion de Nation comme sur les rapports entre les représentants de l’administration française et les populations autochtones…

Thierry VERDIER – En fait, je me suis inspiré des propres réflexions et interrogations de mon père et de ses condisciples pour m’interroger moi-même sur ces questions. J’aborde aussi le dialogue nécessaire entre des religions et bien sûr la question de l’immigration.
Au plan économique, je m’interroge avec Jacques Marseille auteur de « Empire colonial et capitalisme français » (1984, Albin Michel), pour savoir si la France et le Royaume-Uni n’ont pas pris, entre les années 1930 et 1960, un retard dans les branches industrielles exigeant de maîtriser le couple compétitivité-innovation par rapport aux pays ayant rompu avec leurs colonies comme le Japon, l’Allemagne ou l’Italie.

APP – Dans votre livre, il y a aussi de nombreuses notes qui éclairent et orientent le lecteur et lui permettent de mieux comprendre cette période, ainsi que de nombreuses citations.

Thierry VERDIER – J’ai effectivement mis à la disposition du lecteur un certains nombre de notes ou de renvois à des ouvrages qui traitent de la période concernée afin que les jeunes lecteurs puisent
aux meilleures sources historiques. Les citations sont celles qui me tiennent à cœur et qui servent ma propre réflexion. Elles sont éclectiques puisqu’elles sont aussi bien de André Malraux, de Franz Fanon ou du Pape François.

À titre d’exemple, retenons celle d’André Malraux qui, à l’issue de la messe d’action de grâce célébrée à L’occasion de l’indépendance du Congo, répondra au premier Président de la République : « Nous vous léguons les organisations économiques, administratives et financières qui furent au service de l’état français, parfois assez noblement. Les voici au service de la République du Congo : ce n’est pas un transfert d’attributions, c’est un transfert de destin.

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Carnets d’Afrique 1937-1960
Collection Graveurs de Mémoire
160 p. - Papier : 15 € ; pdf : 10,99 €
Éditions L’Harmattan

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