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#COVID-19 AFRIQUE | Tandis qu’Emmanuel Macron plaide pour l’annulation massive de la dette de l’Afrique, G7 et G20 s’accordent sur un moratoire d’une année

15 avril 2020
#COVID-19 AFRIQUE | Tandis qu'Emmanuel Macron plaide pour l'annulation massive de la dette de l'Afrique, G7 et G20 s'accordent sur un moratoire d'une année
Alors que son discours télévisé de lundi soir était tout entier tourné vers les Français, auxquels il a annoncé la prorogation du confinement, le président Emmanuel Macron a exprimé son souhait d’une annulation massive de la dette africaine. Mardi, le G7 optait pour une suspension temporaire et mercredi, le G20 s’est accordé sur un moratoire immédiat, pour un an…

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Alfred MIGNOT, AfricaPresse.Paris (AP.P)
@alfredmignot | @PresseAfrica

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C’est précisément à la minute 23 de son discours télévisé de lundi soir que le président Emmanuel Macron a prononcé cette phrase tout à fait inattendue, quasi hors-contexte tant la question centrale de son intervention portait sur la lutte contre le Covid-19 en France : « … nous sommes à un moment de vérité qui impose plus d’ambition, plus d’audace, un moment de refondation. Nous devons aussi savoir aider nos voisins d’Afrique à lutter contre le virus plus efficacement, à les aider aussi sur le plan économique en annulant massivement leurs dettes. »

Le devoir d’aide à l’Afrique

Ainsi, d’une simple et unique phrase, le président français s’inscrivait dans la ligne de son discours emblématique de novembre 2017 à Ouagadougou, employant ce mot de « refondation » déjà maintes fois invoqué pour parler de la relation nouvelle qu’il souhaite construire entre la France et l’Afrique. Et puis cette autre expression forte, ce « moment de vérité » qui renvoie tout autant à la France qu’à l’Afrique, mais aussi à toute la planète, submergée qu’elle est – ou le sera – par la pandémie du Covid-19.

Concernant le devoir d’aide à « nos voisins d’Afrique » énoncé par le Président français, sa nécessité relève désormais de l’évidence. Car si hier encore l’Afrique était considérée comme le continent moteur du siècle, il est MAINTENANT tenu pour acquis qu’en fait elle connaîtra dès cette année une récession historique, subissant un cataclysme impensé depuis plus de deux décennies.

La grande récession annoncée

Publié le 8 avril, le Rapport de la Banque mondiale « Africa’s Pulse 2020-Évaluation de l’impact du Covid-19 et des réponses politiques en Afrique », a en effet fait voler en éclats les précédentes prévisions – croissance en 2020 à + 3,4 % selon la BAD, et à 2,9 % selon la BM –, anticipant désormais « que la croissance économique en Afrique subsaharienne passera de 2,4% en 2019 à une fourchette entre -2,1 % et -5,1 % en 2020, ce qui constitue la première récession dans la région depuis 25 ans ».

Cette récession met en péril quelque 20 millions d’emplois qui pourraient être détruits, estime cette fois l’Union africaine, dans un document rendu public dès le 6 avril.

Des centaines de milliards de dettes

Dans ce contexte, il est clair que l’Afrique sera aussi confrontée à une autre problématique prégnante, celle du remboursement de sa dette extérieure, estimée à 236 milliards de dollars par l’Union africaine, mais à 365 Md$ selon la selon la Banque mondiale, décomposés ainsi : 110 milliards dûs aux créanciers multilatéraux, 99 aux créanciers bilatéraux et 156 aux créanciers privés (surtout des obligations).

La Chine est le principal créancier des États africains, sa créance étant évaluée avec une grande imprécision entre 20 % et 40 % du total selon différentes sources, mais aussi à 144 milliards de dollars précisément, prêtés entre 2000 et 2017, d’après un monitoring de cette dette réalisé par l’université américaine Johns Hopkins, que cite notre confrère Pascal Airault dans son article de ce 15 avril dans le quotidien l’Opinion.

Quoi qu’il en soit exactement du montant de la dette, les lourdes échéances de son remboursement étaient déjà difficiles à honorer avant la crise provoquée par le coronavirus, et donc considérées désormais inaccessibles par maints responsables africains.

Macky Sall et le consensus de Dakar

C’est la cas notamment du Président Macky Sall, qui s’est exprimé dès le 2 décembre en porte-voix du « consensus de Dakar » issu de la conférence ad hoc, car si cette problématique est aggravée par la crise, elle était déjà très préoccupante avant même celle-ci et concernait déjà 40 % des pays africains, selon les propos de Kristalina Georgieva, Directrice générale du FMI, lors d’un entretien accordé à Bloomberg.

La revendication du consensus de Dakar a été entendue – au moins partiellement – par la Banque mondiale. Le Rapport Africa’s Pulse affirme en effet : « Un allégement temporaire de la dette sera nécessaire pour lutter contre le COVID 19 tout en préservant la stabilité macro-économique dans la région. Les pays de la région ont payé 35 milliards d’USD au titre du service de la dette en 2018 (…) Dans une région qui pourrait avoir besoin de mesures urgentes de stimulation économique pour un montant de 100 milliards d’USD (comprenant une exonération des intérêts de la dette, estimée à 44 milliards d’USD en 2020), le moratoire sur la dette pourrait injecter immédiatement des liquidités et élargir l’espace budgétaire des gouvernements africains. »

G7 et G20 s’accordent sur un moratoire de la dette, immédiat et pour la durée d’une année

Cette hypothèse de la suspension de la dette a trouvé une première concrétisation ce mardi 14 avril : un communiqué du sommet du G7 a fait savoir que les ministres des finances et les banquiers centraux des États membres sont favorables à une suspension provisoire des paiements des intérêts de la dette des pays pauvres « pour aider ces pays à faire face aux impacts sanitaires et économiques » de la pandémie. Mais cette disposition est assortie d’une condition préalable : l’aval de « tous les créanciers officiels bilatéraux du G20 » .

Cette décision du G7 aura été rapidement consolidée par celle du G20, réuni ce mercredi 15 avril. Les ministres des Finances des pays du G20 – dont la Chine est membre – se sont en effet accordés sur un moratoire immédiat et pour la durée d’une année du service de la dette des pays les plus pauvres, à compter du 1er mai et jusqu’à la fin de l’année. Les ministres se sont également déclarés prêts à prendre des mesures supplémentaires face à l’épidémie de coronavirus.

Ce service de la dette représente 32 milliards de dollars pour 76 pays, dont 40 situés au sud du Sahara. Pour le créancier bilatéral qu’est la France, cela revient à un report de remboursements d’un milliard d’euros, ce qui représente finalement peu de chose.

C’est donc dans un contexte d’état d’esprit favorable à une reconsidération – allègement, moratoire, étirement… – de la dette de l’Afrique qu’il faut resituer le propos plus ambitieux du président Emmanuel Macron, quand il plaide pour l’annulation massive de la dette des pays africains.

L’initiative sera à n’en pas douter accueillie positivement en Afrique, et viendra peut-être effacer le mauvais effet provoqué par l’annonce, le 9 avril, d’un soutien de la France à l’Afrique pour contrer le Covid, à hauteur de près de 1,2 milliard d’euros. Une annonce mal reçue, taxée de mesquine par plusieurs ONG, car à y regarder de plus près, 1 milliard d’euros sur le total relevaient du prêt – donc encore d’une création supplémentaire de dette – et seulement 150 millions d’euros constituaient un don.

Une quarantaine de pays sub-sahariens
éligibles au moratoire

Donc pas d’annulation, mais seulement une suspension… et un demi-succès seulement pour Emmanuel Macron, que le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire, s’est employé à relativiser, lors d’une conférence de presse téléphonique, mardi 14 avril, ainsi que le rapporte l’AFP : « Il faut bien voir que ce moratoire est déjà une étape majeure et un succès important pour la France et pour ses partenaires dans le cadre du Club de Paris et du G20 », a expliqué le ministre.

« Si dans certains États des plus pauvres de la planète il apparaît que la dette n’est pas soutenable (...) cela pourra nous conduire, comme l’a indiqué le président de la République, à une annulation de dette qui se fera donc au cas par cas et nécessairement dans un cadre multilatéral », a-t-il précisé.

Les 76 pays éligibles au moratoire, dont une quarantaine en Afrique sub-saharienne, sont ceux aidés par l’Association internationale de développement de la Banque mondiale (IDA).
Concernant le service de cette dette qui représente un total de 32 milliards de dollars pour ces pays, la France a « obtenu le moratoire au niveau des créanciers bilatéraux (12 milliards) et des créanciers privés (8 milliards), soit un total de 20 milliards de dollars », a détaillé le ministre français.

Si l’annulation devient donc un éventuel objectif ultérieur, à examiner au cas par cas et dans un cadre multilatéral, on peut craindre que sa concrétisation soit d’ores et déjà très compromise, car les États-Unis, qui président le G7, y sont opposés.

L’Union africaine s’organise

Côté africain cette fois, on semble bien décidé à défendre les intérêts du Continent : mardi 13 avril, Cyril Ramaphosa, le chef de l’État sud-africain et président en exercice de l’Union Africaine, a nommé quatre économistes de grande réputation pour mobiliser un soutien international à la lutte contre la dévastation que provoquera le Covid-19 en Afrique.

Ce sont Donald Kaberuka, ancien président de la BAD ; Trevor Manuel, ancien ministre des finances d’Afrique du Sud ; Mme Okonjo-Iweala, ancienne ministre des finances du Nigeria et ancienne directrice générale de la Banque mondiale ; Tidjane Thiam, banquier et homme d’affaires, ancien directeur général du Crédit Suisse

Avant même leur nomination officielle, ces « quatre fantastiques » – c’est déjà leur surnom – ont publié une tribune publiée notamment par le site de Jeune Afrique, et cosignée par d’autres personnalités, dont la Secrétaire générale de l’OIF Louise Mushikiwabo, dans laquelle ils suggèrent un gel de deux ans du paiement des dettes africaines : « Parce que le temps nous est compté, nous appelons à une suspension de deux ans du remboursement de toutes les dettes extérieures, qu’il s’agisse du paiement des intérêts ou de la dette elle-même.
Le but étant que, durant cette parenthèse de deux ans, le G20 charge le FMI et la Banque mondiale de bâtir un plan qui permette de rendre la dette soutenable, mais aussi d’envisager de la restructurer, lorsque cela paraîtra approprié.
Cet allègement de la dette devrait aussi s’appliquer aux pays à revenu moyen, qui subissent aujourd’hui une fuite des capitaux et un alourdissement considérable des sommes dues à leurs créanciers. »

Ainsi les attentes de l’Afrique, plusieurs fois affirmées, sont claires. Mais au moment même où Donald Trump, le 14 avril, a suspendu l’importante contribution américaine au financement de l’OMS (environ 500 M$ par an), on imagine mal que les négociations puissent aboutir avant plusieurs mois. À moins que les « quatre fantastiques » ne réussissent à faire beaucoup mieux dans les prochaines semaines que n’ont su le faire jusqu’ici tous leurs soutiens, y compris sa sainteté le pape François qui, le jour de Pâques, a lui aussi appelé à réduire ou supprimer de la dette de l’Afrique.

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1 - Les plans d’aide internationaux annoncés à ce jour par :
 Le FMI :
1 000 milliards de dollars, dont un triplement de la capacité de prêt à 750 milliards et une extension des droits de tirage spéciaux (DTS) des pays membres.
Dons pour couvrir six mois de remboursements de la dette due au FMI, annoncés le 13 avril, au bénéficie de 25 pays pauvres, dont 19 africains : Afghanistan, Bénin, Burkina Faso, Centrafrique, Tchad, Comores, RD Congo, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Haïti, Libéria, Madagascar, Malawi, Mali, Mozambique, Népal, Niger, Rwanda, São Tomé et Príncipe, Sierra Leone, Iles Salomon, Tadjikistan, Togo Yémen.

- La Banque mondiale : 14 milliards de dollars d’aide d’urgence et 160 milliards supplémentaires pour la relance, sur quinze mois.

- La Banque européenne d’investissement (BEI)  : 40 milliards d’euros de garanties, liquidités pour les banques, rachats d’actifs.

- La Commission européenne : 15 milliards annoncés par la Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, mais qui restent soumis à ratification du Conseil de l’Europe, prévue pour le 20 avril.

- La France : près de 1,2 milliard, dont 125 millions de dons et 1 milliard de prêts. Mais l’annonce en avait été faite avant la déclaration d’annulation voulue par Emmanuel Macron, et cela pose le problème de la cohérence de la position française : comment en effet proposer de la création supplémentaire de dette à l’Afrique, et « en même temps » demander son annulation ?

… compléments à venir selon l’actualité.

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