CMAAP 2 - S.E. André-Magnus EKOUMOU, Ambassadeur du CAMEROUN à Paris : « La souveraineté alimentaire est au cœur de nos préoccupations »
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par Bruno FANUCCHI pour AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse
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Que faire pour réduire la dépendance de l’Afrique en matière agricole et assurer à l’avenir sa souveraineté alimentaire ? Comment aider le Continent, dont la population déjà extrêmement jeune va doubler d’ici à 2050, à donner du travail et de quoi se nourrir à tous ses habitants ? C’est à ces deux questions que les panélistes de haut niveau participant à la IIe Conférence mensuelle des Ambassadeurs Africains de Paris (CMAAP 2) se sont efforcés d’apporter des esquisses opérationnelles d’action.
« Il ne fallait pas attendre ces deux crises majeures que sont la pandémie de Covid 19 et la guerre en Ukraine pour pouvoir commencer à résoudre le problème, car la sécurité alimentaire est au cœur de nos préoccupations, en ce qui concerne particulièrement le Cameroun qui importe pour près de 800 milliards FCFA de denrées alimentaires », a souligné S.E. André-Magnus EKOUMOU, Ambassadeur du Cameroun en France, en rappelant la crise de 2008 et les « émeutes de la faim » dans une partie des pays d’Afrique.
Car la guerre déclenchée contre l’Ukraine – qui est depuis toujours le grenier à blé de l’Europe et au-delà – par Vladimir Poutine, il y a tout juste un mois, a mis en relief la dépendance alimentaire du Vieux Continent (dont plus de 30 % du blé provient d’Ukraine) comme de la Jeune Afrique ! Une question presque aussi grave, si ce n’est plus, sur le long terme, que la dépendance de l’Europe - et particulièrement de l’Allemagne – à l’endroit du gaz russe.
Autant dire que cette seconde CMAAP phygitale, suivie en direct par plus de 300 internautes, dont de nombreux Africains, et une centaine d’invités réunis en présentiel à Paris au siège de l’APCA (Assemblée permanente des Chambres d’Agriculture de France), est apparue d’une prégnante – pour ne pas dire cruelle – actualité.
Un constat d’insuffisance
Un constat d’insuffisance
Rappelant que « l’agriculture est notre véritable richesse » car « la terre ne trahit jamais », le diplomate camerounais reconnaît que « l’agriculture, composante majeure de la transformation de l’économie camerounaise, ne suffit pas à satisfaire complètement nos besoins ». Et livre des chiffres qui parlent d’eux-mêmes : « Le secteur agricole occupe 62 % de la population active et représente un tiers du PIB (Produit intérieur brut) hors pétrole ».
Mme Liliane MASSALA, l’ambassadrice du Gabon ayant dû s’absenter de Paris, (photo) a enregistré un message vidéo de courtoisie à l’adresse des participants et s’est fait représenter par Mme Antoinette BOUANGA, 1re Conseillère.
Celle-ci observe que « le secteur agricole reste insuffisamment développé » au Gabon malgré 800 km de côtes et trois types de culture : maraîchère, vivrière et fruitière. Sans parler des cultures de rente. D’où les programmes initiés pour tenter d’y remédier, comme le programme Graine lancé en décembre 2014 en coopération avec le groupe singapourien Olam visant à la création de coopératives agricoles industrielles dans cinq provinces du pays pour améliorer la production (banane, manioc, piment, tomate et huile de palme), ou la relance de fermes agropastorales.
« Le Gabon entend renforcer sa souveraineté alimentaire et développer des filières exportatrices, ajoute-t-elle, grâce à l’augmentation des surfaces cultivées et à la transformation de la ressource halieutique, comme le thon ».
Mais le constat étant posé, que faire pour réduire au plus vite cette dépendance et que chaque pays du Continent puisse retrouver et assurer sa « souveraineté alimentaire » ? Avec pour titre « Comment contribuer au développement de l’agriculture africaine ? », cette deuxième Conférence mensuelle des Ambassadeurs africains de Paris organisée par AfricaPresse.Paris (APP) visait à « mettre en avant le esquisses de solutions et de projets pour construire ensemble la maison commune », à souligné Alfred Mignot, directeur de APP et producteur de la conférence, en introduction aux prises de parole des panélistes experts.
« Tout est bon dans le coton »
« Tout est bon dans le coton »
Karim AIT TALB, Directeur général délégué du Groupe Advens-Geocoton, durant l’une de ses interventions. À sa droite, Alfred MIGNOT, Directeur AfricaPresse.Pris et producteur des CMAAP. À sa gauche : Pierre ARNAUD, administrateur du CIAN, ex DG de Proparco et vice-Président de la Compagnie Fruitière. © APP
Premier intervenant, Karim AÏT TALB, Directeur général délégué du Groupe Advens-Geocoton (photo), se félicite avec le sens de la formule que « tout est bon dans le coton ». Car, explique-t-il, « cette culture stratégique qui fait vivre 25 millions de petits exploitants, est avant tout une culture de sécurité alimentaire ».
« Le coton africain compte pour 5 % de la production mondiale, mais 15 % des échanges internationaux », ajoute-t-il cependant, en soulignant que cet « or blanc » trouve davantage sa valorisation à l’extérieur du Continent, ce qui constitue un vrai problème.
« Il faut donc réussir à créer une chaîne de valeur » et « mieux valoriser la fibre de coton pour le marché local car cela permettra de créer des emplois, de garder des revenus, des ressources et des devises sur le Continent qui pourront être demain réinjecter dans d’autres secteurs économiques ».
Et de conclure : « Nou sommes à un moment charnière de l’histoire de l’Afrique » car ce qui se passe tragiquement entre l’Ukraine et la Russie peut être analysé comme « un déclencheur de conscience (…) on ne peut pas garder l’Afrique comme un Continent de déversement ».
« L’importance de mettre de la valeur ajoutée »
« L’importance de mettre de la valeur ajoutée »
François TOULIS, Délégué de l’APCA à la CPCCAF, durant l’une de ses interventions. À sa droite, S.E. André-Magnus EKOUMOU, Ambassadeur du Cameroun. © APP
Ancien Président de la Chambre d’Agriculture de l’Ariège et Délégué de l’APCA à la CPCCAF, François TOULIS fait part quant à lui de sa riche expérience professionnelle avec la Chambre d’Agriculture du Cameroun dont il fut le partenaire pendant plus de six ans. Il insiste sur « l’importance de mettre de la valeur ajoutée » pour que le Continent profite en premier lieu du travail des siens. Et cite un exemple concret, parmi tant d’autres, d’une usine de transformation de noix de cajou ouverte depuis un an et demi à Kolda, en Casamance, au Sénégal, « avec pour but que tout soit fait sur place ».
Les résultats sont là : 105 emplois directs créés et un millier de petits producteurs mobilisés, « avec un objectif de 400 tonnes à terme, dont 100 tonnes déjà en 2021 ».
« Chacun doit ainsi mettre de la valeur ajoutée sur son travail et la partager ». Il appelle donc à « se mobiliser pour être les partenaires » de cette Afrique qui veut prendre son destin en main.
Un plan protéines pour toute l’Afrique
Un plan protéines pour toute l’Afrique
Philippe TILLOUS-BORDE, Président de NumAlim. À sa gauche : Florian HUGONNET, Directeur adjoint France de la BEI. © APP
Président de NumAlim, Philippe TILLOUS-BORDE fut chargé l’année dernière par le président Emmanuel Macron et le ministre de l’Agriculture Julien de Normandie d’une mission sur le développement de la Grande Muraille verte (qui traverse neuf pays d’Afrique et a été étendue à six autres) et d’esquisser un plan protéines pour toute l’Afrique. Il commente et explicite le Rapport qu’il a remis à ce sujet en décembre dernier dans la perspective du Sommet Union européenne/ Union africaine qui vient de se tenir à la mi-février à Bruxelles. « Je me suis intéressé beaucoup plus à la chaîne de valeur depuis la production, jusqu’aux besoins des citoyens consommateurs, que simplement aux problèmes de production », observe-t-il notamment.
« Créer un outil nouveau dévolu au financement
des entreprises émergentes et des PME »
« Créer un outil nouveau dévolu au financement
des entreprises émergentes et des PME »
Pierre ARNAUD durant l’une des ses interventions. À sa gauche : Mme Antoinette BOUANGA, 1re Conseillère de l’Ambassade du Gabon. © APP
Administrateur du CIAN, ex DG de Proparco et Vice-Président de la Compagnie fruitière, Pierre ARNAUD remarque d’emblée qu’« il n’y a pas de banques spécialisées dans l’agriculture en Afrique » et que « les entreprises émergentes ou PME africaines ont par conséquent beaucoup de mal à trouver les financements nécessaires pour leur développement ».
« Faute de financements, ces entreprises sont orphelines et certaines sont morts-nées », lâche-t-il, en regrettant ouvertement que, s’il y a beaucoup d’argent, il ne se décaisse pas sur les petites et moyennes entreprises, mais uniquement bien souvent sur les grands projets d’infrastructures.
D’où son idée de « créer un outil nouveau, un véhicule dont j’espère qu’il sera français, et qui sera dévolu au financement direct des petites entreprises émergentes, des PME » comme à tous les entrepreneurs (Français comme Africains) qui ont « une véritable volonté de créer dans le secteur agricole une activité économique rentable et soucieuse de préserver l’environnement ». Une société financière qui ne sera pas concurrente de la BEI, de la Proparco ou de la SFI, mais complémentaire.
« L’agriculture reste une priorité pour la BEI »
« L’agriculture reste une priorité pour la BEI »
Florian HUGONNET, Directeur adjoint France de la BEI, durant l’une de ses interventions. À sa droite : Philippe TILLOUS-BORDE, Président de NumAlim, et François TOULIS, Délégué de l’APCA à l’APCA. © APP
Florian HUGONNET, Directeur adjoint France de la BEI – Banque européenne d’investissement, qui a pour ambition de devenir « la banque du Climat » et de développer des partenariats avec les banques nationales de développement – appelle quant à lui que la BEI réserve la moitié de ses financements hors UE à l’Afrque, soit quelque 4 milliards d’euros par an.
Florian Hugonnet la nécessité de coordonner les projets et les financements pour réduire les phénomènes de « dépendance » cruellement mis en lumière avec la crise internationale actuelle.
soulignant avec force que « si ce conflit entre l’Ukraine et la Russie perdure, il y a urgence à agir ! ».
« Il n’y a pas suffisamment de financements pour faire face à tous les besoins de l’Afrique, admet-il, mais le financement de l’agriculture reste une priorité pour la BEI ».
Et il émet quelques pistes de travail pour améliorer les choses. Comme s’intéresser davantage à la micro-finance et « cibler le secteur informel qui représente la majorité de l’écosystème productif en Afrique », effectuer des financements en devises locales ou mobiliser les fonds du secteur privé…
Et cela d’autant plus que la BEI, « bras financier de l’UE » affirme désormais sa posture plus tournée vers une action de « catalyseur » et d’accompagnateur des initiatives du secteur privé, conformément l’élément d’ailleurs avec la nouvelle approche de la Commission, qui se veut plus directement en prise avec le monde entrepreneurial africain.
Sébastien WINDSOR, Président de l’APCA qui accueillait la CMAAP 2 dans son amphithéâtre de l’élégante avenue George V, a tenu à faire une rapide visite de courtoisie à l’assemblée des participants.
Souhaitant une prise de conscience du besoin de « souveraineté alimentaire » des peuples et pays d’Afrique, il a exprimé un point de vue solidaire à l’adresse des Africains : « On ne peut pas se dire que l’on va se préoccuper de la souveraineté alimentaire française et ne pas regarder ce qui se passe dans le reste du monde » bouleversé par la folie guerrière de Vladimir Poutine et l’invasion de l’Ukraine, a-t-il considéré. Cette conférence participe de la prise de conscience du besoin de « souveraineté alimentaire » des peuples et pays d’Afrique, et aussi d’une nécessaire solidarité internationale.
Sébastien WINDSOR, Président de l’APCA, a honoré l’assemblée d’une courte allocution durant laquelle il a exprimé sa solidarité dans la quête de souveraineté alimentaire de l’Afrique. À sa gauche : Alfred Mignot, Directeur AfricaPresse.Paris, producteur des CMAAP. © APP
Une vue partielle des participants en présentiel à la CMAAP 2. © APP
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