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À la CMAAP 5 /S. E. M. Vijayen VALAYDON, Ambassadeur de MAURICE : « Solidarité économique, numérique, énergie et financement sont les avancées souhaitables pour la Francophonie économique »

14 octobre 2022
À la CMAAP 5 /S. E. M. Vijayen VALAYDON, Ambassadeur de MAURICE : « Solidarité économique, numérique, énergie et financement sont les avancées souhaitables pour la Francophonie économique »
Ambassadeur de la République de Maurice en France et Président du GAFF (Groupe des Ambassadeurs francophones de France), Vijayen VALAYDON était, avec SE Mme Liliane MASSALA, Ambassadeur du Gabon, invité d’honneur à la Ve Conférence mensuelle des ambassadeurs Africains de Paris (CMAAP 5), le 6 octobre 2022, à l’Académie des Sciences d’Outre-mer. Nous reproduisons ici l’intégralité de son allocution.

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Allocution de SE M. Vijayen VALAYDON, Ambassadeur de MAURICE
À l’Académie des Sciences d’Outre-mer, à Paris le 6 octobre 2022

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Permettez-moi dans un premier temps de vous présenter brièvement Maurice, j’enchaînerai ensuite avec la place de Maurice en tant que membre du Commonwealth et aussi de la Francophonie, et je terminerai en essayant de répondre, en partie du moins, à cette interrogation : « Comment La Francophonie économique peut-elle se relancer en Afrique ? » [thème général de la MAAP 5, ndlr].

Maurice a commencé à être habitée de manière définitive à partir de 1715, ce qui fait que nous avons à peine trois siècles d’histoire. Il faut bien que je précise qu’il n’y avait à l’origine pas de peuple autochtone à Maurice.
Donc, tous les habitants de notre pays ont des ancêtres qui sont venus d’ailleurs, ce qui fait du coup que nous soyons un peuple d’immigrés. Ainsi, forcément, nous avons appris le vivre-ensemble très tôt.

De ce fait, les Mauriciens ont maintenant des attaches privilégiées avec trois continents notamment l’Afrique, l’Asie et l’Europe. Notre population est composée d’habitants dont les ancêtres sont venus chronologiquement de la France, de Madagascar, du Mozambique, du Sénégal, du Royaume-Uni, de l’Inde et de la Chine. Ce qui explique notre diversité culturelle.
Ainsi, les différences ne nous ont jamais interpellés, au contraire cela a été une source d’enrichissement.

Nous avons d’abord connu la colonisation française pendant presque un siècle pour ensuite devenir une colonie anglaise pendant un siècle et demi avant d’accéder à notre indépendance en 1968.

Une société bilingue et éduquée

Une époque où nous dépendions que de la canne à sucre. Cependant tout de suite après, nous avons très vite compris que ce serait une faiblesse à l’avenir, d’où le fait que nous avons investi dans le tourisme et le textile dans les années 1970. Parallèlement l’accès à l’éducation est devenu gratuit, ce qui explique en grande partie notre réussite économique.

Dans les années 1990, nous avons commencé à entrer dans le secteur des services notamment le secteur numérique, le secteur financier et celui de l’immobilier.
Aussi dois-je ajouter que parmi nos atouts, il y a avant tout notre position géographique : Maurice est situé entre l’Afrique et l’Asie.
Il y a aussi à Maurice une stabilité politique, ce qui ne peut que rassurer les investisseurs.

L’autre atout est que nous sommes bilingues : francophones et anglophones.
Notre contexte linguistique est d’ailleurs assez complexe : les Mauriciens ont pour la plupart comme langue maternelle le créole, la langue administrative c’est l’anglais et la langue des médias est le français, sans parler des langues ancestrales qui sont enseignées dès le cycle primaire.
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Maintenant que cette brève présentation de Maurice est faite, je passerai à la deuxième partie de mon exposé, la partie centrale : l’économie de Maurice en tant que membre du Commonwealth et membre de la Francophonie.

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Une économie très ouverte à l’international

Historiquement le commerce extérieur de Maurice est majoritairement dominé par les marchés anglophones, que ce soit au niveau mondial ou avec l’Afrique.

Pour les exportations, globalement, les pays anglophones représentent en valeur près de 75 % des exportations mauriciennes, par rapport à moins de 25 % pour les pays francophones.

En ce qui concerne l’Afrique, la part de marché des exportations mauriciennes vers les pays africains est aux alentours de 34 %, avec une répartition de 21 % vers les pays africains anglophones et de 13 % vers les pays africains francophones.

Le top 7 des pays vers lesquels vont les exportations mauriciennes sont : la France (en incluant la Réunion et Mayotte) en premier rang près de 14 %, suivi de l’Afrique du Sud (13 %), Madagascar (10 %), le Royaume Uni (9,6 %), les États-Unis (8,2 %), l’Espagne (5,3 %) et l’Inde (3,7 %).

Pour les importations mauriciennes, la tendance est encore plus prononcée, avec une nette domination des pays anglophones, ou plutôt des pays majoritairement non francophones, qui représentent près de 88 % et donc environ 12 % pour les pays francophones.

L’Asie, premier fournisseur de Maurice

L’Asie (qui comprend aussi le Moyen Orient) est de loin la source principale d’approvisionnement de Maurice, avec près de 58 % de nos importations, suivi de l’Europe avec 21 %, l’Afrique avec 13 %, l’Amérique 5 % et l’Océanie 3 %.

Pour l’Afrique, 3e fournisseur de Maurice, l’Afrique francophone reste marginale avec 1 % de nos importations, alors que l’Afrique anglophone avec un seul pays, notamment, l’Afrique du Sud, représente 10 % des importations mauriciennes.

Pour bien comprendre l’évolution du commerce extérieur de Maurice et du poids très important des pays anglophones, il est important de tenir en compte le contexte historique, politique, culturel, géographique, commercial et logistique de Maurice.

À son indépendance en 1968, la diplomatie mauricienne s’est engagée très activement et avec succès à négocier et à développer un vaste réseau d’accords et de traités bilatéraux, régionaux et multilatéraux, notamment pour favoriser, accroître et soutenir les échanges commerciaux de Maurice avec les différentes régions du monde.

Recul du partenariat avec l’Europe

Le développement industriel, des services, ainsi que de la modernisation des infrastructures, notamment la logistique portuaire et aéroportuaire, ont aussi grandement contribué à accélérer le développement des échanges commerciaux entre Maurice et les pays du monde.

La période des années 1970 à 2000 a surtout été dominée par les échanges avec l’Europe principalement. À présent, d’un côté avec la montée en puissance de l’Asie, avec la Chine et l’Inde notamment, et de l’autre côté avec l’émergence de l’Afrique, il apparaît clairement que les flux commerciaux entre Maurice et l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud, le Kenya et d’autres pays d’Afrique connaîtront une très forte croissance au détriment de l’Europe. Nous le constatons déjà dans la tendance de ces dix dernières années.

Même si actuellement, les échanges entre Maurice et l’Afrique sont principalement avec les pays de l’Afrique anglophone, notamment dû aux accords commerciaux et à la proximité géographique, nous redoublons d’efforts pour nous rapprocher des pays de l’Afrique francophone et surtout de l’Afrique de l’Ouest et du Nord. Le principal obstacle pour accélérer nos échanges de produits reste la logistique, notamment le transport du fret intra-africain.

Une vue partielle de la salle durant l’intervention de SE M. Vijayen VALAYDON. © Gaël Kerboal

Les différences entre Commonwealth et OIF

Comme vous le savez déjà Maurice est membre du Commonwealth aussi bien que de la Francophonie. Membre du Commonwealth depuis 1968, juste après notre accession à l’Indépendance et membre fondateur de l’ACCT en 1970.
Si le Commonwealth a vu le jour en 1949, la Francophonie n’existe que depuis 1970, soit deux décennies après.
D’un côté, le Commonwealth regroupe 56 membres, et l’OIF, pour sa part, 88 membres.

Mais la grande différence entre les membres du Commonwealth et la Francophonie, c’est que les membres du Commonwealth sont les anciennes colonies anglaises alors qu’à l’OIF les membres ne sont pas forcément tous des anciennes colonies françaises.
Aussi, de par le fait que les membres du Commonwealth étaient anciennement des colonies anglaises, ils ont donc hérité d’un cadre politique et légal plus ou moins similaire alors que tel n’a pas été le cas pour les pays membres de la Francophonie.

L’OIF à ses débuts avait pour mission de promouvoir la langue française et la diversité culturelle et linguistique, l’éducation, et la coopération entre les pays membres entre autres. Cependant et fort heureusement, la dimension économique est à présent devenue un enjeu stratégique et central au sein de la francophonie. Le partage du français favorise l’accroissement des relations économiques et commerciales entre partenaires francophones, et constitue des zones d’échange privilégiées.

Les atouts de l’espace francophone

L’espace francophone produit 16 % du PIB mondial et affiche une croissance économique de 7 %.

6e langue mondiale avec 300 millions de locuteurs dans le monde, 4e langue sur Internet, 2e langue la plus apprise dans le monde, le français est la seule langue, avec l’anglais, à être présente sur les cinq continents.

Et si les francophones d’Afrique représentent 60 % de cette francophonie, ils sont en outre essentiellement plurilingues, notamment anglophones et arabophones. Une force dans un monde géopolitisé ultra-compétitif où la solidarité linguistique peut générer une certaine résistance économique, voire une croissance économique, soutenue par des valeurs communes. Maurice en est l’exemple parfait qui illustre cette force économique du bilinguisme ou du multilinguisme.

FFA et OHADA, facilitateurs d’échanges

D’autre part, le Forum francophone des Affaires (FFA) défend les intérêts des entreprises francophones dans près de 120 pays dans le monde à travers un réseau de chefs d’entreprises locaux et de relais institutionnels nationaux.

D’ailleurs, c’est bien de rappeler que le Forum Francophone des Affaires fut tenu à Maurice du 4 au 6 octobre 1993, en préambule du Ve sommet de la francophonie, du 16 au 18 octobre 1993 à Maurice, en présence du Président François Mitterrand.

Lors de ce Sommet à Maurice, le Traité OHADA a été signé et adopté le 17 octobre 1993 par 14 États africains. Je rappelle que l’OHADA est l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique des Droits des Affaires.

L’objectif principal de l’OHADA est de faciliter des échanges et des investissements, de garantir la sécurité juridique et judiciaire des activités des entreprises. Le droit de l’OHADA est ainsi utilisé pour propulser le développement économique et créer un vaste marché intégré afin de faire de l’Afrique un pôle de développement.

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Les quatre avancées souhaitables
pour la Francophonie économique

Les entreprises mauriciennes sont certes très actives dans la francophonie économique depuis de nombreuses années déjà, que ce soit au sein du Forum Francophone des Affaires ou d’autres instances francophones.

J’ai d’ailleurs eu le plaisir de rencontrer M. Jean-Lou BLACHIER, Président du GPF [il fisait partie du panel de la CMAAP 5, ndlr] et son équipe avec mon conseiller technique à l’ambassade. Nous avons pu échanger sur plusieurs pistes d’opportunités de collaboration entre le GPF et les entrepreneurs mauriciens.

Par ailleurs, Maurice sera représenté à la IIe « Rencontre des Entrepreneurs Francophones » du Medef International à Abidjan par la fédération nationale du patronat mauricien, « Business Mauritius ».

Je dois dans ce sens souligner que lors de la Ire édition de la Rencontre des Entrepreneurs Francophones, en août 2021 à Paris, Business Mauritius et Medef International ont signé un protocole d’accord pour une coopération plus poussée entre les deux organisations patronales.

Il y a bien entendu beaucoup de sujets de grande importance à débattre et de nombreuses avancées à réaliser dans la francophonie économique. Cependant, à l’occasion du prochain sommet, je citerai les quatre sujets suivants comme avancées d’intérêt économique et stratégique que je souhaiterais.

Premièrement, la solidarité économique - Il nous semble crucial que la solidarité économique et la coopération économique au sein de l’espace francophone soient au centre des débats.

Deuxièmement, le numérique - Le numérique abolit les distances et est un atout stratégique pour connecter et rapprocher davantage les entrepreneurs, les entreprises, que ce soient les micros ou petites entreprises, les start-up, les moyennes ou les plus grandes entreprises.

Troisièmement, l’énergie - La crise actuelle, que ce soit la guerre en Ukraine avec l’impact sur le prix du pétrole et du gaz ou le changement climatique qui s’accélère dangereusement, a rappelé durement les enjeux autour de l’énergie.

La bascule des énergies fossiles vers les énergies vertes est inéluctable et vitale à la fois pour la planète et pour l’humanité. Cependant cette transition ne se fera pas en quelques années ou à la même vitesse pour tous les pays. Il faudra impérativement accompagner cette transition dans les meilleures conditions possibles pour l’espace francophone.

Quatrièmement, le financement - Il me paraît évident que la finance restera le nerf de la guerre. Sans un financement adéquat et approprié, aucune des trois avancées économiques précédentes, la solidarité et la coopération économique, le numérique ou l’énergie, ne pourra se faire.

Il nous faudra trouver les sources, les mécanismes et les véhicules de financement nécessaires pour assurer l’ambition d’une francophonie économique et réaliser la stratégie économique de l’espace francophone.

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NB – Les intertitres sont de la rédaction.

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SUR LE MÊME SUJET :
À la CMAAP 5, avec LLEE Mme Liliane MASSALA, Ambassadrice du Gabon, et M. Vijayen VALAYDON Ambassadeur de Maurice : Visa d’affaires, couplage d’entreprises, industries créatives… autant de pistes, et d’autres, pour stimuler la Francophonie économique en Afrique

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CMAAP 6, le 9 novembre : « AFRIQUE-EUROPE : quelles avancées vers une coopération économique plus forte ? » INSCRIPTIONS OUVERTES

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Voyez ici le REPLAY de notre CMAAP 5, du 6 octobre 2022 :

« LA FRANCOPHONIE ÉCONOMIQUE
PEUT-ELLE SE RELANCER EN AFRIQUE ? »

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