Retrouvez AfricaPresse.paris sur :
RSS

Outils

CAAP 18 VIDÉO + TEXTE /Maître Charles-Stéphane MARCHIANI (Paris)  : « Le droit OHADA est devenu un atout stratégique, une signature africaine de sérieux et de stabilité »

1er juin 2025
CAAP 18 VIDÉO + TEXTE /Maître Charles-Stéphane MARCHIANI (Paris) : « Le droit OHADA est devenu un atout stratégique, une signature africaine de sérieux et de stabilité »
Maître Charles-Stéphane Marchiani durant dont intervention à la CAAP 18. À sa droite, S. E. M. Ahmad MAKAILA, Ambassadeur du TCHAD. À sa gauche, Maître Régine DOOH-COLLINS, Présidente de la Chambre nationale des Notaires du CAMEROUN, Secrétaire générale de l’Association du Notariat Francophone (ANF). © CAAP/APP – CLIQUER SUR L’IMAGE POUR L’AGRANDIR.
Panéliste expert de notre XVIIIe Conférence des Ambassadeurs Africains de Paris (21 05 2025), dédiée à l’OHADA, Maître Charles-Stéphane Marchiani, avocat au Barreau de Paris, a analysé les principaux avantages effectifs du droit OHADA ainsi que les défis liés à l’accès au crédit et à la transition du secteur informel vers le formel dans les pays membres.

.

VOIR LA VIDÉO (17’) :
CLIQUEZ ICI :
https://youtu.be/Q6GQFE6jeZQ

.

Une vue de l’amphithéâtre du Conseil supérieur du Notariat, où s’est déroulée la XVIIIe Condférence des Ambassadeurs Africains de Paris, dédiée à l’OHADA, le 21 mai 2025. © Hady Photo/APP – CLIQUER SUR L’IMAGE POUR L’AGRANDIR.

.

===

VERSION TEXTE de l’intervention de Maître Charles-Stéphane Marchiani à la XVIIIe Conférence des Ambassadeurs Africains de Paris, dédiée à l’OHADA, le 21 mai 2025 :

« Imaginez un instant : vous êtes entrepreneur. Vous lancez votre activité à Cotonou. Elle marche bien. Et vous rêvez maintenant de vous développer à Ouagadougou, puis à Abidjan, à N’Djamena, peut-être même à Kinshasa.

Mais vous vous heurtez alors à un obstacle de taille : le morcellement juridique. Des règles différentes, des procédures lourdes, des délais imprévisibles, des décisions de justice parfois contradictoires. Le cas échéant, vous aurez à gérer les conséquences d’un arbitraire dans l’application du droit.

L’OHADA, c’est une réponse concrète à ce défi. C’est une intégration juridique entre 17 pays africains, un socle commun de règles claires, modernes, stables et surtout, partagées.

Depuis sa création en 1993 à Port-Louis, l’OHADA a grandi, rassemblé, consolidé. Aujourd’hui, elle couvre un espace de plus de 8 millions de kilomètres carrés, plus de 225 millions d’habitants… et ce qui est remarquable, c’est que personne n’a quitté ce cadre. Même dans les périodes de tensions, comme celles que nous avons connues récemment avec la CEDEAO ou l’OIF, les États membres de l’OHADA sont restés ensemble. Pourquoi ? Sans doute parce que ce droit est utile. Parce qu’il fonctionne.

Notons que l’OHADA n’est pas un club fermé. D’autres pays – Madagascar, le Burundi, le Rwanda – toquent à la porte. La Tunisie s’intéresse au droit de l’OHADA et le Maroc peut s’en inspirer ponctuellement. Sans aucun doute, le droit OHADA est devenu un atout stratégique, une signature africaine de sérieux et de stabilité.

Alors aujourd’hui, je vous propose de prendre un peu de recul pour comprendre ensemble ce qui fait la force de ce droit. Quels en sont les avantages concrets, visibles sur le terrain, et quels en sont les potentiels encore à explorer ?

Maître Charles-Stéphane Marchiani durant son intervention à la CAAP 18 dédiée à l’OHADA. © Hady Photo/APP – CLIQUER SUR L’IMAGE POUR L’AGRANDIR.

.

I - Des avantages effectifs : ce que
le droit OHADA apporte déjà

La finalité de l’OHADA est d’uniformiser le droit applicable à l’activité économique dans l’ensemble des pays membres. À cet égard la notion clef est celle d’acte uniforme. L’acte uniforme est une loi édictée directement par les organes de l’OHADA pour régir un champ spécifique du droit des affaires. Elle est directement applicable dans les États membres après sa publication au JO et a une valeur supérieure au droit de chaque État B(1). Il y a aujourd’hui onze (11) Actes Uniformes qui couvrent une grande partie du spectre du droit des affaires (2).

En adhérant à l’OHADA, les États membres bénéficient donc d’un droit des affaires opérationnel, prêt-à-emploi, conçu de façon pragmatique pour faciliter l’activité économique. Il s’agit là d’un gain de temps et d’un transfert de savoir-faire juridique.

Le droit OHADA est un droit forgé par des experts juridiques. Le droit OHADA est conçu au niveau du secrétariat permanent, qui au préalable s’est nourri des échanges avec les élites juridiques des pays membres à travers les commissions nationales OHADA, point focal des relations entre l’exécutif de l’OHADA et les praticiens du droit dans les États membres.
Le projet du secrétariat est ensuite transmis aux gouvernements des États membres qui formule des observations, il est amélioré par des avis de la CCJA avant de donner lieu à une décision du Conseil des ministres (3).
Une fois ce processus terminé, l’Acte uniforme publié entre en vigueur et n’a pas vocation à être remis en cause par une alternance ou un changement de régime. Le droit OHADA est donc un droit stable rédigé par des experts détachés des soubresauts de la vie politique intérieure de ses membres. Il donne à ses adhérents une crédibilité légistique.

Quand un litige survient, l’OHADA offre une justice régionale spécialisée, avec la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, la CCJA. Celle-ci intervient en dernier ressort, comme juridiction de cassation (4). Cela permet de garantir une lecture cohérente du droit sur l’ensemble des 17 États membres, et d’éloigner le règlement des litiges des aléas politiques ou locaux. Ce transfert partiel de souveraineté judiciaire est un gage de crédibilité.

L’OHADA offre également une palette complète de modes alternatifs de règlement des litiges, en particulier l’arbitrage et la médiation. Ce sont des outils efficaces, rapides, confidentiels, très prisés par les investisseurs. L’OHADA a d’ailleurs développé des textes spécifiques sur ces matières (5), et la CCJA abrite sa propre chambre d’arbitrage (6).

En somme, l’OHADA offre à ses membres un cadre juridique professionnel, moderne et protecteur, qui répond aux standards internationaux, tout en étant adapté aux réalités africaines.

Enfin, il y a un effet souvent sous-estimé, mais très concret : celui de la portabilité juridique. Lorsqu’un investisseur s’installe dans un pays de l’OHADA, il peut, avec une grande facilité, dupliquer son modèle dans les autres pays membres. Le même droit s’applique, les mêmes règles, la même sécurité juridique. C’est un levier de croissance, de création d’emplois, de recettes fiscales. Et cela renforce l’attractivité de l’ensemble de l’espace OHADA.

La photo de famille des panélistes et partenaires de la CAAP 18, le 21 mai 2025, au Conseil supérieur du Notariat (CSN). De gauche à droite sur la photo : Me Pierre Lemée, Notaire, membre du Notariat francophone, délégué du CSN pour l’AfSS et le droit OHADA - Mme Juliette Esneau, Diplomate française, Chargée de l’OHADA au MEAE - Denis Deschamps (DJulius Conseil) - S. E. M. Isaïe KUBWAYO, Ambassadeur du BURUNDI - Laurent Bigot, Académie diplomatique et consulaire, MEAE - Alfred Mignot, producteur et modérateur des CAAP - Mme Ibtissam Daif, Présidente de Universal Distrib - Bernard Garcia Vicente, Conseiller - Me Pierre Masquart, Kimia Avocats et Les Rendez-vous d’Afrique (s) - Me Babacar NDIAYE, Avocat, Directeur général de la Société nationale de Recouvrement du SÉNÉGAL - S. E. M. Ahmad MAKAILA, Ambassadeur du TCHAD - Bruno Fanucchi, Grand reporter, Président de l’UPF-France - Me Régine DOOH-COLLINS, Présidente de la Chambre nationale des Notaires du CAMEROUN, Secrétaire générale de l’Association du Notariat Francophone (ANF) - Me Lionel Galliez, Président de l’Union internationale du notariat (UINL) - Me Charles-Stéphane Marchiani, Kimia Avocats et Les Rendez-vous d’Afrique (s) - M. Mohamed TOUKABRI, Conseiller politique, Ambassade de TUNISIE. En bas à droite de la photo, de profil, on reconnaît S.E.M. Ahamada HAMADI, Ambassadeur de l’Union des Comores et S.E.M. Mohamed Yahya TEISS, Ambassadeur de Mauritanie. © Hady Photo/APP – CLIQUER SUR L’IMAGE POUR L’AGRANDIR.

.

II - Des avantages latents : ce que
le droit OHADA peut encore apporter

Le premier enjeu, c’est celui de l’accès au crédit. On sait que le développement économique repose en grande partie sur la capacité des entreprises à emprunter. Et cette capacité dépend de la qualité des garanties que les créanciers peuvent obtenir.

Il existe une corrélation entre la qualité des garanties données aux créanciers et l’importance des crédits accordés aux opérateurs économiques. Ainsi, les volumes du crédit représentent, dans une économie où les garanties sont fiables, environ 60 % du PIB. Lorsque les garanties offertes aux créanciers sont juridiquement faibles, le volume des crédits ne dépasse pas les 30 % du PIB. Par ailleurs, les coûts du crédit diminuent pour les entreprises quand leurs créanciers peuvent s’appuyer sur un système normatif préservant leurs intérêts : les taux d’intérêts qui tarifient le risque baissent, les durées de remboursement des prêts accordés s’allongent.

À cet égard, le droit des sûretés de l’OHADA a l’inconvénient d’être excessivement formaliste et de faire de la nullité sans grief la sanction de droit commun de tout vice de forme affectant les actes de poursuite. Il incite donc au recours dilatoire, et nuit à la sécurité juridique requise par les créanciers. Cela a un impact direct sur l’accès au financement des entreprises de l’espace OHADA.

Deuxième enjeu : la transition du secteur informel vers l’économie formelle. La réduction du secteur informel a pour objectif de contribuer à une augmentation des recettes fiscales des états concernés et afin que ceux-ci puissent augmenter la qualité des services publics, et des infrastructures dont bénéficie la population.
Aujourd’hui, le secteur informel représente dans les pays de l’OHADA, si on prend les chiffres traditionnellement avancés pour les pays d’Afrique subsaharienne, environ 55 % du PIB officiel et occupe entre 50 % et 80 % de la main d’œuvre. Le droit OHADA a prévu un statut d’« entreprenant », conçu pour accompagner la transition des activités de subsistance, constitutives de l’essentiel du secteur informel, en entrepreneuriat susceptible de créer de la valeur ajoutée mesurable au niveau national et ainsi en mesure de participer plus efficacement à l’amélioration du bien-être collectif.

Aujourd’hui, force est de reconnaître que le statut d’entreprenant ne prend pas (7). Certes, le sujet est très sensible politiquement en Afrique comme en témoignent les troubles survenus au Sénégal en novembre 2007 à la suite de de la volonté du gouvernement de faire déguerpir les vendeurs ambulants à Dakar ou encore l’origine des printemps arabes en Tunisie avec l’immolation d’un vendeur ambulant, auquel avait été confisquée sa marchandise par les autorités.
Ici les États membres doivent compléter le droit OHADA par des politiques publiques visant à proposer aux entreprenants des formalités d’enregistrement gratuite au RCCM (registre du commerce et du crédit mobilier), des formations à la gestion de leur entreprise, des outils de comptabilité, des services bancaires, une fiscalité simplifiée, une protection contre les abus de l’administration. À cet égard, le Bénin a été en 2016, le premier pays à adopter des mesures incitant à adopter le statut d’entreprenant et les résultats ont suivi .

Enfin, un troisième potentiel réside dans une meilleure articulation entre l’OHADA et la ZLECAF, la zone de libre-échange continentale. Aujourd’hui, l’OHADA s’est surtout concentrée sur le droit des affaires interne. Mais il serait tout à fait envisageable d’imaginer un nouvel acte uniforme sur les investissements intra-africains (9), qui viendrait renforcer la cohérence juridique du marché continental, faciliter la mobilité des capitaux et soutenir l’intégration économique africaine.

Alors, en conclusion, que peut-on retenir ?

Le droit OHADA n’est pas simplement un cadre juridique. C’est un outil stratégique au service du développement, une architecture pensée pour renforcer la sécurité juridique, attirer les investissements, faciliter les échanges, et in fine améliorer le quotidien des citoyens africains.

Il a déjà apporté beaucoup. Et il peut encore aller plus loin, si les États membres s’en saisissent pleinement.

◊ ◊ ◊

.

.

TOUTES LES VIDÉOS PERSONNALISÉES DES HUIT PANÉLISTES
DE LA CCAP 18 DÉDIÉE à l’OHADA :

.

> Intervention de S. E. M. Ahmad MAKAILA, Ambassadeur du TCHAD
https://www.africapresse.paris/CAAP-18-VIDEO-S-E-M-Ahmad-MAKAILA-Ambassadeur-du-TCHAD-Grace-a-ses-actes

> Intervention de S. E. M. Isaïe KUBWAYO, Ambassadeur du BURUNDI
https://www.africapresse.paris/CAAP-18-VIDEO-S-E-M-Isaie-KUBWAYO-Ambassadeur-du-BURUNDI-L-appartenance-a-l-3024

> Intervention de M. Mohamed TOUKABRI, Conseiller politique, Ambassade de TUNISIE
https://www.africapresse.paris/CAAP-18-VIDEO-M-Mohamed-TOUKABRI-Conseiller-politique-Ambassade-de-TUNISIE-La

> Intervention de Maître Babacar NDIAYE, Avocat, Directeur général de la Société nationale de Recouvrement du SÉNÉGAL
https://www.africapresse.paris/CAAP-18-VIDEO-Me-Babacar-NDIAYE-DG-de-la-SNR-du-Senegal-Depuis-sa-creation-la

> Intervention de Maître Régine DOOH-COLLINS, Présidente de la Chambre nationale des Notaires du CAMEROUN, Secrétaire générale de l’Association du Notariat Francophone (ANF)
https://www.africapresse.paris/CAAP-18-VIDEO-Mme-Regine-DOOH-COLLINS-PR-de-la-CNN-du-CAMEROUN-SG-de-l-ANF-L

> Intervention de Mme Juliette ESNAU, Diplomate française, Chargée de l’OHADA au MEAE
https://www.africapresse.paris/CAAP-18-VIDEO-Mme-Juliette-ESNAU-Diplomate-chargee-de-l-OHADA-au-MEAE-La

> Intervention de Maître Charles-Stéphane MARCHIANI, Avocat au Barreau de Paris, (Réseau KIMIA avocats), Secrétaire général des Rendez-Vous d’Afrique(s)
https://www.africapresse.paris/CAAP-18-VIDEO-TEXTE-Maitre-Charles-Stephane-MARCHIANI-Paris-Le-droit-OHADA-est

> Intervention de Maître Pierre LEMÉE, Notaire, membre du Notariat francophone, délégué du CSN pour l’AfSS et le droit OHADA
https://www.africapresse.paris/CAAP-18-VIDEO-Maitre-Pierre-LEMEE-notaire-delegue-du-CSN-pour-l-AfSS-et-le

.

CLIQUER SUR L’IMAGE POUR L’AGRANDIR

.

◊ ◊ ◊

Articles récents recommandés