#Big2021 - Mathilde BORD-LAURANS (AFD) : « Pour en donner l’accès à 800 millions de personnes en Afrique, il faut repenser toute la chaîne de valeur de l’électricité »
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Propos recueillis par Bruno FANUCCHI pour AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse
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APP – L’AFD est active dans 115 pays, mais combien en Afrique ?
Mathilde BORD-LAURANS – Pratiquement dans toute l’Afrique, à l’exception de quelques pays. Quelque 44 des 54 pays du Continent bénéficient actuellement de projets financés par l’Agence Française de Développement (AFD). Mais je peux vous confirmer que l’Afrique, qui représente 50 % de nos activités est la priorité de l’AFD, « le Climat » venant en seconde position de nos préoccupations. On croise donc une priorité géographique qu’est l’Afrique et une priorité thématique qu’est la lutte contre le changement climatique. Voilà les deux signatures fortes de l’Agence.
Notre principe : 50 % de l’activité de l’AFD doit porter ce que l’on appelle un « co-bénéfice », c’est-à-dire avoir des impacts directs sur l’atténuation ou l’adaptation au changement climatique.
APP – Nous voilà au cœur du sujet. Dans ce contexte, comment l’AFD peut-elle « valoriser la transition écologique et énergétique », qui était le thème de votre panel au #Big2021 ?
Mathilde BORD-LAURANS – Pour la transition énergétique, c’est 2 milliards d’euros d’engagement par an du groupe AFD. C’est important de rappeler que l’AFD est un groupe avec la partie « secteur public », dans laquelle je suis, et la partie « secteur privé » qui est incarnée par Proparco et son initiative « Choose Africa ». Et Expertise France va bientôt rejoindre le Groupe.
Près de 50 % de ces 2 milliards d’euros sont à destination du secteur privé, soit via Proparco, soit via des lignes de crédit au travers des banques du Sud et les banques locales, lesquelles peuvent notamment contribuer à financer les PME africaines sur place.
Avec des priorités d’intervention sur l’accès à l’énergie, l’efficacité énergétique, les questions de « décarbonation » des économies électriques et d’autres secteurs comme le transport ou le bâtiment.
L’énergie est, en effet, un sujet transversal.
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1 000 milliards de dollars
nécessaires par an, d’ici à 2030…
1 000 milliards de dollars
nécessaires par an, d’ici à 2030…
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APP – Qu’y a-t-il de nouveau dans votre secteur d’attribution ?
Mathilde BORD-LAURANS – Il y a eu beaucoup d’innovations, notamment en matière d’accès à l’énergie en Afrique, où cela a été tiré en particulier par des « révolutions numériques » et notamment la possibilité financière pour les personnes en milieu rural de payer avec les téléphones portables, ce qui a permis de développer les services déconcentrés d’accès à l’électricité.
Tout un système permet également de déployer en milieu rural beaucoup plus rapidement des solutions d’électrification par panneaux solaires. Autant de solutions sur lesquelles le secteur privé s’est très fortement impliqué, et d’autant plus que l’énergie solaire reste encore une véritable innovation, car elle ne représente encore que 2 % de la ressource en Afrique. Installer en grande capacité ce type d’énergie reste donc un enjeu fort qui nécessite que toute la chaîne de valeur se stabilise. Mais si le solaire reste une forte priorité, nous finançons aussi des initiatives plus techniques et technologiques...
APP – Des exemples concrets… ?
Mathilde BORD-LAURANS – Je viens de vous en donner un. Mais nous travaillons aussi sur des projets de « solaire flottant » en Côte d’Ivoire. Ce sont des panneaux solaires installés sur des lacs ou des retenues d’eau, en lien parfois avec des barrages hydroélectriques.
C’est encore rare en Afrique, mais cela fait partie des solutions techniques qui vont changer la donne, comme les problèmes de stockage. En réalité, il faut repenser toute la chaîne de valeur de l’électricité, en donnant accès à 800 millions de personnes qui n’ont pas encore accès à l’électricité en milieu rural, voire péri-urbain !
On considère qu’il faudra environ 1 000 milliards de dollars par an, d’ici à 2030, pour réaliser la transition énergétique des pays en voie de développement. C’est le chiffre couramment avancé pour la décennie.
APP – Le défi est donc considérable... Comment sélectionnez-vous vos projets au sein de l’Agence ?
Mathilde BORD-LAURANS – Dans tous ces domaines comme en matière de développement durable, nous devons nous assurer en permanence de la qualité des projets. Ce qui veut dire s’interroger sur l’impact de l’ensemble des projets. Concernant un projet énergétique, on va par exemple s’interroger aussi sur ses impacts sociaux.
Nous avons au sein de l’AFD, une équipe « autonome et indépendante » par rapport à la direction des opérations, qui s’assure de la qualité et va émettre un « avis de développement » ; c’est sur la base de cet avis que le Conseil d’administration de l’Agence prend une décision.
S’agissant, par exemple, des projets de transport comme les BRT (Bus Rapide Transit), on ne va pas financer que l’investissement, on va aussi travailler avec nos partenaires sur les modalités d’accès des populations les plus pauvres à ce BRT, rester à l’écoute ou prendre en compte les préoccupations de tous ceux qui, auparavant, étaient dans l’économie informelle autour de ces zones-là, comme les taxis par exemple...
C’est dire que l’AFD travaille avec ses partenaires pour avoir des approches plus englobantes des projets d’investissement. C’est notre principe de base et notre méthode de travail. Il est toujours important d’avoir de hauts niveaux d’exigence. L’utilité et la valeur ajoutée qu’ont les entreprises françaises nous permettent d’avoir en France des industries performantes qui respectent les standards européens, et donc les meilleurs standards au monde car l’Europe est la plus exigeante sur ces sujets.
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« Le Sommet de Rome sera consacré
en grande partie à l’agriculture et à l’Afrique »
« Le Sommet de Rome sera consacré
en grande partie à l’agriculture et à l’Afrique »
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APP – Pour mener à terme bien des projets, n’est-ce pas souvent une question de coûts et de moyens ?
Mathilde BORD-LAURANS – Notre rôle à l’AFD, c’est aussi de voir avec nos partenaires au Sud, en Afrique notamment, et bien sûr aussi sur les autres continents aussi : quels sont les niveaux de performance qu’ils peuvent atteindre dans leur zone géographique ? Comment font-ils pour les atteindre ? Combien ça coûte ? Comment faire pour que cela ne leur coûte pas plus cher ? Et ainsi permettre que les meilleures technologies soient mises à disposition et déployées dans toutes ces différentes zones géographiques. C’est en effet une condition essentielle pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sur le développement durable.
À l’AFD, on mobilise l’aide publique au développement. Nous proposons des conditions de financement améliorées, mais en retour nous devons justifier les impacts concrets et sociaux de nos mises de fonds. C’est pourquoi, en outre de nous assurer de la forte valeur ajoutée des projets, nous sommes aussi très vigilants sur leurs aspects sociaux.
APP – L’AFD est un bailleur de fonds important qui travaille aussi avec le secteur privé. Quelles sont les grandes entreprises françaises les plus allantes sur la transition énergétique en Afrique ?
Mathilde BORD-LAURANS – Suez en est une, c’est certain, et va continuer à l’être. Sur la transition énergétique, il y a beaucoup d’investisseurs français très actifs et présents en Afrique comme Meridian, Engie, etc. Ils sont très nombreux et je ne peux pas tous les citer...
Ils sont très présents, avec un savoir-faire et une capacité de travailler à l’international, à monter financièrement les projets. Ils sont performants.
APP – L’AFD prépare participe au sommet « Finances en commun », à Rome les 19 et 20 octobre. De quoi s’agit-il ?
Mathilde BORD-LAURANS – L’AFD a, en effet, été à l’origine d’une autre dynamique qui s’appelle le Sommet « Finances en commun » qui – pour la deuxième année consécutive – va se réunir à Rome les 19 et 20 octobre, cette fois sous l’égide de la CDP italienne et qui vise à rassembler les 500 banques publiques de développement du monde, dont les banques africaines bien entendu, et à travailler avec ces banques qui représentent 10 % de l’investissement annuel mis à disposition des politiques publiques. C’est le rôle de ces banques-là. C’est aussi notre mandat. Au-delà de la seule de pure rentabilité immédiate, nous avons ainsi une capacité à travailler sur le temps long et le développement de projets à long terme.
Ce Sommet a pour but de montrer que ces financements représentent des volumes importants et surtout que ces banques cherchent à travailler selon les meilleurs principes du développement durable, et tirer l’ensemble du système financier vers le haut. La première journée de ce Sommet sera consacrée à l’agriculture, avec une référence très forte au continent africain et le souci de nourrir la planète, tout en respectant les limites écologiques. Un Sommet qui sera donc cette année très orienté vers l’Afrique.
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EN SAVOIR PLUS :
www.afd.fr
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