#Big2021 - Le ministre Papa Amadou SARR (Sénégal) : « La France et l’Europe peuvent miser “gagnant-gagnant“ sur l’Afrique »
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Propos recueillis par Bruno FANUCCHI pour AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse
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APP – Le BIG, ce n’est pas une nouveauté pour vous ?
Papa Amadou SARR – C’est en effet la deuxième fois que je viens ici car j’ai déjà fait le bang (Rires). Nous avons été invités par Bpifrance pour venir échanger avec tous les participants à ce grand événement qu’est le BIG sur ce qu’est et ce que fait la Délégation à l’Entrepreneuriat Rapide (DER) des Femmes et des Jeunes.
Nous avons aussi des discussions avec Bpifrance pour savoir comment aider la DER à se transformer et à se professionnaliser davantage pour accompagner la dynamique entrepreneuriale naissante au Sénégal, mais aussi accompagner le transformation structurelle de l’économie sénégalaise voulue par le Président Macky Sall dans le cadre du Plan Sénégal Émergent (PSE).
Cette grande manifestation de Bpifrance, c’est une belle expérience de rencontres avec des entrepreneurs économiques et politiques pour échanger sur des sujets d’actualité. Cette année, on a débattu de la conquête entrepreneuriale et les échanges avec les ministres de la Côte d’Ivoire, du Rwanda et du Togo ont été très enrichissants. On a échangé sur la question de l’entrepreneuriat pour accompagner le développement socio-économique de nos États africains au travers de la promotion de l’esprit entrepreneurial et le financement des entreprises.
APP – C’est donc devenu un événement incontournable ?
Papa Amadou SARR – Pour moi comme pour le Sénégal et pour toute l’Afrique, c’est en effet devenu aujourd’hui une étape essentielle à ne pas manquer. Un événement où non seulement on dialogue avec le secteur privé, les grandes banques multinationales, Bpifrance, l’AFD, mais où l’on échange aussi entre les pays africains et la France. Et d’autant plus que nous sommes cette année dans le contexte particulier du Nouveau Sommet Afrique-France initié par le Président Emmanuel Macron, qui nous y a également invités pour dialoguer avec les jeunes entrepreneurs de la société civile africaine sur des questions comme l’entrepreneuriat, le sport, l’innovation, le développement...
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« Notre partenariat avec la France
est prioritaire »
« Notre partenariat avec la France
est prioritaire »
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APP – Que faut-il changer précisément aux relations entre la France et l’Afrique et notamment l’Afrique de l’Ouest francophone ?
Papa Amadou SARR – Comme je l’ai dit déjà dans un panel à Bercy, en présence de Wilfried Lauriano Do Rego, coordonnateur du CPA (Conseil présidentiel pour l’Afrique), il faudrait déjà que l’on puisse avoir en France et en Europe un nouveau regard sur l’Afrique, et le Sénégal par ricochet, et voir l’Afrique comme un continent d’opportunités, un continent jeune et plein de potentiel, puisque 70 % de la population a moins de 25 ans !
L’Afrique est aujourd’hui la dernière frontière pour l’investissement, elle a aujourd’hui les terres arables les plus importantes au monde ]– plus de 50 % – et en plus des ressources naturelles, l’Afrique regorge de ressources humaines de qualité.
La France et l’Europe peuvent donc miser sur l’Afrique pour des partenariats « gagnant-gagnant » en investissant davantage dans l’économie africaine : plus de secteur privé, plus d’investissements directs étrangers que d’aide au développement, à mon avis, et davantage de coopérations multilatérales que bilatérales.
Dans ce nouveau paradigme de la mondialisation, où les États-Unis viennent en force comme la Chine et la Russie, la France a un grand rôle à jouer.
APP – C’est le bon moment pour la France ?
Papa Amadou SARR – C’est le moment ou jamais. Après, ce sera trop tard car la nature a horreur du vide et d’autres grandes puissances s’apprêtent à prendre sa place, je le répète : les États-Unis, la Chine, la Russie, mais aussi la Turquie et j’en passe… à Dakar, aujourd’hui, dans la nouvelle ville, les dernières constructions et hôtels ont été bâtis par les Chinois ou les Turcs.
Pour nous, notre partenariat avec la France est prioritaire. La France reste le premier partenaire commercial du Sénégal et il faudrait que la France renforce ses liens et investisse davantage en Afrique, investisse davantage sur les ressources humaines et les talents africains, sur la formation, même si cela se fait déjà avec Centrale, X Polytechnique, Sciences Po, ENA, etc. Multiplier ces formations et ces échanges comme le programme dont on parle, Erasmus Mondus, entre l’Afrique et l’Europe. Ce sont des choses très importantes pour créer les futurs champions de l’économie entre nos deux continents.
De gauche à droite sur la photo : Isabelle BÉBÉAR, Directrice des Affaires Internationales et Européennes de Bpifrance ; Papa Amadou SARR, Ministre-Délégué général à l’Entreprenariat rapide (DER) du Sénégal ; Paula INGABIRE, ministre des TIC et de l’Innovation du Rwanda ; Mazamesso ASSIH, secrétaire d’Etat chargée du Secteur informel et de l’inclusion financière du Togo ; Mamadou TOURÉ, ministre de la Promotion de la Jeunesse et de l’Insertion professionnelle de la Côte d’Ivoire ; Pedro NOVO, Directeur exécutif Export à Bpifrance. © BF
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APP – D’où l’urgence de ne pas perdre de temps car, comme vous le souligniez de manière paradoxale à la tribune de la matinale du BIG, « l’Afrique attend depuis longtemps et le marché n’est jamais venu »...
Papa Amadou SARR – Effectivement, car on prétend à chaque fois que l’Afrique est un continent à risques, que le marché en Afrique n’est pas très profond. C’est ainsi que le risque lié aux investissements en Afrique est souvent mis en avant alors que si l’on se rend bien compte de ce qui se passe réellement, l’Afrique est aujourd’hui l’un des continents les plus sûrs en termes d’investissement, et c’est l’un des continents où le retour sur investissement est le plus élevé, après l’Asie.
Ce qui est également important, c’est que la jeunesse africaine, le capital humain africain est aujourd’hui est un des meilleurs et des mieux formés. L’Europe et la France ont donc tout à gagner à investir davantage en Afrique, d’autant plus qu’au Sénégal nous sommes seulement à 5 heures d’avion de l’Europe.
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« Nous avons investi sur 150 000 entrepreneurs,
dont plus de 70 % viennent du secteur informel »
« Nous avons investi sur 150 000 entrepreneurs,
dont plus de 70 % viennent du secteur informel »
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APP –Peut-on faire un point chiffré sur les réalisations de la DER (Délégation à l’Entrepreneuriat Rapide) que vous dirigez ?
Papa Amadou SARR – En investissements cumulés, je peux dire aujourd’hui que nous sommes à environ 150 millions d’euros sur ces trois dernières années, en dettes, en garanties, en prises de participations dans de belles boîtes, des PME, des startups, qui vont de l’innovation à l’agriculture, en passant par l’artisanat, la formation des secteurs primaires, et vers l’industrie.
Nous avons eu des partenariats fort intéressants avec des bailleurs de fonds français comme l’AFD, qui nous accompagne pour un financement de 20 millions d’euros et nous sommes en train de discuter pour une rallonge, la BAD qui met plus de 150 millions d’euros sur cinq ans, et d’autres partenaires comme la Fondation Bill Gates, la Fondation US Africa Develoment, des discussions très avancées avec la Master Card Fundation et bien d’autres surprises qui sont en cours. Je crois que nous sommes en train de faire notre petit bonhomme de chemin, après trois ans d’existence.
Nous sommes aussi – grâce à la Covid – dans une phase de transformation digitale avancée en termes de procédures, de dépôts, de demandes de financement, d’accompagnement car tout cela se fait aujourd’hui via Internet, et tout se passe bien.
APP – Vous avez beaucoup de demandes ?
Papa Amadou SARR – La demande est là : j’ai en effet plus de 500 000 demandes dans notre système informatique, représentant plus de 500 milliards de Francs CFA de demandes exprimées par les jeunes Sénégalais au cours des deux dernières années.
Plus on aura de ressources, plus on pourra les aider à réaliser leurs initiatives entrepreneuriales pour devenir autonomes, sortir de la pauvreté et créer de l’emploi. Car, vous en conviendrez avec moi, les ressources publiques – d’environ 30 milliards CFA par an – ne sont pas suffisantes pour faire face à une demande qui avoisine les 500 milliards !
APP – Ces bons résultats vous permettent-ils de commencer à réduire le secteur informel du Sénégal ?
Papa Amadou SARR – Effectivement, le but de la manœuvre, le but de la DER aujourd’hui, c’est de travailler à la formalisation de l’économie. À titre d’exemple, au cours de ces trois dernières années, nous avons investi sur 150 000 entrepreneurs et je peux vous dire que plus de 70 % d’entre eux viennent du secteur informel.
Or, pour avoir 1 000 euros de la DER, il faut être formel. Un effort énorme de formalisation a donc été mis en place, avec un guichet unique de formalisation des entreprises qui est au sein de la DER et dans les régions, grâce aux chambres de commerce.
Comment procédons-nous ? Pour avoir accès à ces 1 000 €, il est nécessaire de s’inscrire au registre de commerce, et vous êtes ainsi connu du fisc. L’objectif final, c’est de ne pas taxer, mais de permettre d’élargir l’assiette fiscale et accompagner ainsi davantage la formalisation de notre économie. Et ça marche très bien.
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« Un Fonds de 5 millions d’euros
pour la diaspora sénégalaise »
« Un Fonds de 5 millions d’euros
pour la diaspora sénégalaise »
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APP – Cette « carotte » de 1 000 euros, cela suffit ?
Papa Amadou SARR – Cela marche très bien ! On démarre à 1000 €, mais certains perçoivent 50 000 € ou plus. Mais l’inscription au registre du commerce est une obligation, et ils ont tous à gagner d’être connus des autorités pour bénéficier de divers types d’accompagnement.
Car il y a bien sûr des avantages à rester dans l’informel, mais à long terme cela pourra toujours vous rattraper. Autant se conformer aux lois et règlements et – en dépit des taxes - bénéficier d’exemption fiscale comme c’est le cas pour les startups. Pendant trois ans, elles profitent d’une amnistie fiscale, le temps de faire les travaux qu’il faut, et de grandir !
APP – Encore un mot, sur ce Fonds pour la diaspora mis en place par votre Délégation…
Papa Amadou SARR – Depuis la création de la DER, nous avons beaucoup de demandes de la part de membres de la diaspora sénégalaise intéressés par savoir comment la DER peut les accompagner et comment ils peuvent aussi accompagner la DER.
C’est dans cette perspective que nous avons mis en place un Fonds destiné à la diaspora. Abondé de 5 millions d’euros, il permet aux Sénégalais de la diaspora d’investir en cofinancement avec la DER pour cibler des projets concrets dans leurs régions et communes d’origine.
Cela se passe très bien. Nous pensons pouvoir lever plus – de 15 à 20 millions d’euros – avec l’aide de la France et aussi de l’Union européenne, avec laquelle nous avons des discussions très avancées.
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EN SAVOIR PLUS :
Site de la DER : www.der.sn
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« L’état de la coopération économique
Europe-Afrique et comment la dynamiser »
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