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Biba Amadou KOUNTCHÉ, styliste et créatrice des JIME de Niamey au Niger : « Contre le réchauffement climatique, réveillons les consciences en Afrique »

11 juin 2022
Biba Amadou KOUNTCHÉ, styliste et créatrice des JIME de Niamey au Niger : « Contre le réchauffement climatique, réveillons les consciences en Afrique »
On le sait, la mode n’est pas que l’expression de futiles frivolités, elle est aussi une industrie importante, mais hélas très polluante… La nigérienne Biba Amadou KOUNTCHE entend ainsi mobiliser les professionnels du secteur dans son combat pour une industrie climato-compatible et éthique, qui respecte ses artisans et travailleurs…

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Propos recueillis par Bruno FANUCCHI
pour AfricaPresse.Paris (APP) @africa_presse

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APP - Créatrice de mode nigérienne reconnue sur la scène internationale, voulez-vous d’abord nous en dire plus sur votre parcours professionnel de styliste, et l’entreprise que vous avez créée ?

Biba Amadou KOUNTCHÉ – Styliste nigérienne, je suis la fondatrice de la marque Mabiba, bien connue depuis 2018. J’étais dans l’industrie pharmaceutique, mais à mon arrivée en France en 2015 ma passion pour la mode m’a rattrapée, à la suite d’une reconversion professionnelle. Depuis toute petite, je suis passionnée par la mode et j’ai donc créé une marque écoresponsable. Mabiba est une entreprise de création de vêtements et d’accessoires de bijouterie et maroquinerie.

En réalité, il y a deux entreprises sous la même appellation : une à Niamey au Niger, où j’ai mes trois ateliers (couture, bijouterie et maroquinerie), qui s’occupe uniquement de la production, et une en France pour la commercialisation. On y fait parfois aussi de la production, mais uniquement sur mesure à la demande de notre clientèle. Au Niger, on ne fait en revanche que des ventes éphémères à l’occasion d’événements, comme celui que j’organise, par exemple.

Comme nous sommes dans une démarche écolo, nous n’avons que deux collections par an et on ne produit que des quantités raisonnables. Nous privilégions la qualité à la quantité et une seule chose nous importe : la satisfaction de nos clients.

APP - Comment vous est venue l’idée des Journées internationales de la Mode éthique (JIME) et quel est le principal objectif de ce rendez-vous original ?

Biba Amadou KOUNTCHÉ – L’idée est partie d’un simple constat : la mode fait partie des industries les plus polluantes au monde. Je m’en suis rapidement rendue compte et je me suis dit que si tous les Africains travaillant dans ce secteur en savaient davantage, on aurait fait autrement et beaucoup plus attention !

J’ai en effet commencé ce métier de créatrice et de styliste en qualité d’autodidacte et j’ai tout appris petit à petit. Passionnée par la mode, je me suis formée avec le temps, mais au tout début je n’avais pas beaucoup d’informations sur l’impact de la mode sur l’environnement. Plus j’avance et plus je découvre des choses qui ne correspondent pas à mes valeurs d’amour de la nature et de protection de l’environnement.

Venant d’un pays pauvre, j’ai toujours été habituée à faire très attention à mes dépenses, à mes besoins et à ma façon de consommer, à commencer par l’eau, même si je suis issue d’une famille plutôt aisée. Autour de moi, dès l’école, je voyais cependant combien la vie est chez nous très difficile.
Forte de ce constat, j’ai conçu l’idée et j’ai lancé en juillet 2021 les premières Journées internationales de la Mode éthique, organisées à Niamey, sur les rives du Fleuve Niger.

Biba Amadou Kountché acclamée à l’issue du défilé de sa dernière collection au FIMA. © DR

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« La mode, cela sert aussi à faire
passer des messages forts et impactants »

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APP - N’est-ce pas un événement à la fois écologique et économique ?

Biba Amadou KOUNTCHÉ – Parfaitement ! Mais c’est un événement avant tout éthique ! Ce qui m’intéresse en premier, c’est l’éthique dans sa globalité, et les conditions de travail de gens engagés dans ce secteur, où certains font produire en Chine ou en Asie en général car la main-d’œuvre coûte moins cher.

En Afrique pourtant, on a de l’artisanat et toute la main-d’œuvre que l’on veut. Mais curieusement les industries ne veulent pas venir produire chez nous. Il y a donc de vraies questions à se poser : est-ce le savoir-faire ou les formations aux différents métiers qui nous manquent ?

La principale idée qui me tient à cœur, c’est que l’on puisse parler de tout cela lors de ce Forum qui comprendra plusieurs panels consacrés au développement durable, à l’économie verte et aux innovations de l’économie circulaire dans le domaine de la mode.
Que tous les Nigériens, et les Africains en général, qui travaillent dans le textile et l’industrie de la mode ne soient pas exploités comme en Asie où l’on fabrique parfois des tee-shirt pour 10 centimes !

Il faut ici que les artisans puissent être payés à leur juste valeur et que leurs salaires puissent subvenir à leurs besoins. Je veux que tous les artisans qui travaillent pour nous et participent à nos créations soient déclarés de façon normale et bénéficient de cotisations pour leurs caisses de santé et leurs retraites. Car beaucoup de ceux qui viennent travailler en Afrique le font malheureusement au noir.
Moi, je veux pousser tous les créateurs et stylistes, qui veulent se lancer dans ce métier, à adopter une démarche écoresponsable qui profite à tous, et sensibiliser le grand public à une véritable prise de conscience sur ces questions vitales pour la planète.

APP - Mais c’est aussi un événement touristique et culturel pour le Niger...

Biba Amadou KOUNTCHÉ – Bien entendu, car tous ceux qui nous font l’amitié de venir au Niger vont découvrir les beautés et les richesses naturelles de notre pays. Il nous faut pouvoir les accueillir correctement, car tous ces étrangers vont faire vivre pendant quelques jours l’artisanat, le tourisme et l’économie du pays.

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« Il faut sauver le Fleuve Niger,
c’est le poumon économique du pays »

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APP - Le but des JIME n’est-il pas aussi de sensibiliser les autorités et les populations à l’urgence de sauver le Fleuve Niger ?

Biba Amadou KOUNTCHÉ – Le thème de cette seconde édition des JIME parle en effet de lui-même : « Mode, environnement et réchauffement climatique ». Et l’originalité de ce Forum est de se déplacer sur les sites sensibles. Cette année, on ira donc sur les rives du Fleuve Niger, qui est le poumon économique du pays, pour prendre conscience de la réalité de sa dégradation et de sa pollution. La mode, ce n’est pas uniquement de belles filles sur des podiums, cela sert aussi à faire passer des messages forts et impactant.

Aujourd’hui, le changement climatique est incontestablement le sujet du siècle et la préoccupation de tous. C’est mondial. Le Niger a donc sa part de responsabilité, car c’est un pays pauvre et désertique où l’on voit très bien les ravages du changement climatique, avec les inondations ou la sécheresse et leurs conséquences dramatiques. C’est important d’avoir des débats à ce sujet et d’essayer de trouver des solutions locales.

L’an passé, on est allé sur le site de la « ceinture verte », dédiée à la lutte contre la désertification mais devenue aujourd’hui un dépotoir en plein air. J’avais confectionné des vêtements « haute couture » en plastique à partir de déchets plastique et on avait fait un « shooting » sur le site. Cela a pu choquer certaines personnes, mais l’idée était de sensibiliser les populations, car nous devons réveiller les consciences en Afrique.

APP - Quel est l’objectif de la visite des rives du Niger, que vous organisez ?

Biba Amadou KOUNTCHÉ– La mode est bien souvent synonyme de Palais, de châteaux et de luxe. Mais en conviant nos invités sur les rives du Niger, on veut leur faire toucher du doigt l’urgence et la complexité de ces questions écologiques. Pendant les JIME, on ira ainsi sur le Niger avec un guide qui nous parlera de l’histoire du fleuve pour se rendre compte de la dégradation de ce cours d’eau majestueux, qui est le troisième plus grand fleuve du Continent, après le Nil et le Congo, mais aussi des conditions de vie précaire de ses riverains.
C’est d’ailleurs là que nous avons tenu notre conférence de presse de lancement des JIME – en présence d’Alphadi - le 24 mai dernier. À dessein, pour attirer l’attention de toute l’Afrique.

Biba Amadou Kountché, entourée d’Ouma Sani et de la Princesse Esther Kamatari. © DR

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Alphadi n’est-il pas le parrain de ces Journées ?

Biba Amadou KOUNTCHÉ – Cette seconde édition des JIME est en effet parrainée par Alphadi, qu’on ne présente plus. C’est le « Prince du désert », c’est le Papa de la mode africaine, On l’adore, on est très fiers de lui et on le remercie. On lui rend hommage pour tout ce qu’il a apporté au Niger et à la mode. C’est un modèle pour toute la jeunesse africaine.

Je suis passionnée de mode, je le répète, et j’aime tout ce qui est beau : les beaux vêtements, les beaux sacs, etc. Pour moi, Alphadi est le créateur qui a su me mettre des paillettes dans les yeux avec le FIMA (Festival international de la Mode africaine), que je suivais déjà toute petite avant d’y participer pour présenter mes collections.

APP - Mais vous aurez aussi le soutien et la participation d’autres icônes de la mode…

Biba Amadou KOUNTCHÉ – C’est un honneur pour nous de recevoir la Princesse Esther Kamatari, car elle a eu une carrière assez remarquable en étant le premier mannequin noir à défiler pour les plus grands couturiers en France. C’est un plaisir de la recevoir ici au Niger pour la seconde édition des JIME, comme l’an dernier déjà, et nous lui rendrons hommage.

Le grand styliste burkinabè Pathé’O, qui nous encourage et nous soutient, ne pourra finalement pas être des nôtres cette année. Mais nous souhaitons vraiment le recevoir pour notre prochaine édition, car c’est un créateur africain de génie qui a habillé Nelson Mandela et presque tous les grands chefs d’État du Continent avec des chemises qui font son style.
Je me plais à souligner qu’il est – comme nous – depuis longtemps dans une démarche écolo intelligente puisqu’il travaille le coton bio africain avec des teintures naturelles. La jeunesse africaine a beaucoup à apprendre de lui.

APP - La « Nuit de l’environnement », ce sera le point d’orgue de votre événement ?

Biba Amadou KOUNTCHÉ – C’est en effet la Nuit où se déroulera à Niamey le grand défilé de mode, qui réunira le dernier soir des JIME les grands créateurs comme Alia Baré (la fille de l’ancien président nigérien Ibrahim Baré Mainassara) qui fait un travail magnifique, Fadi Maïga du Mali, Binta Ndeye du Sénégal ou Jennifer Blailly (Ampréva) de la France. C’est vraiment la Nuit où tous ces créateurs de talent vont pouvoir présenter leurs dernières collections avec des matières éthiques et écoresponsables. Vous en aurez plein les yeux !

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EN SAVOIR PLUS :
www.mabibacreation.com

SUR LE MÊME SUJET ;

Agenda NIAMEY, 24 et 25 juin 2022 - Les IIes JIME, Journées internationales de la Mode éthique, sur les rives du fleuve Niger ​​

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CMAAP 3 / REPLAY - S.E. Mme Ruth TSHOMBE, Ambassadrice RD CONGO, Lionel ZINSOU, Mohamed ZOGHLAMI : les industries créatives sont « un gisement d’emplois et de ressources très important pour l’Afrique »

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CMAAP 2 / REPLAY - « Comment contribuer au développement de l’agriculture africaine ? », avec S. E. Mme Liliane MASSALA, Ambassadrice du Gabon, et S. E. André-Magnus EKOUMOU, Ambassadeur du Cameroun

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CMAAP 1 / REPLAY - « COMMENT MIEUX FINANCER L’AFRIQUE ? », avec SE Maurice BANDAMAN, Ambassadeur de La Côte d’Ivoire »

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