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Lancement à Paris du Club des partenaires du mouvement THE NEXT SOCIETY

Bénédicte Faivre-Tavignot (HEC) : « L’innovation inversée venue des pays émergents peut permettre aux grandes entreprises de se réinventer »

21 février 2018
Bénédicte Faivre-Tavignot (HEC) : « L'innovation inversée venue des pays émergents peut permettre aux grandes entreprises de se réinventer »
ANIMA Investment Network, Bpifrance et Greenflex ont lancé jeudi à Paris le Club des partenaires du mouvement THE NEXT SOCIETY (1) en France, à la French Tech Central de Station F, à l’occasion d’une table ronde sur la « reverse innovation », un concept fondé sur la création de nouveaux produits ou services dans les pays émergents, notamment de Méditerranée et d’Afrique, dont les pays développés peuvent ensuite s’inspirer. Les explications de Bénédicte Faivre-Tavignot, directrice exécutive du Centre Society & Organisation de HEC.


Jean-Louis Alcaide, AfricaPresse.Paris

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Pour Bénédicte Faivre-Tavignot, cela ne fait pas de doute : la « reverse innovation », ou innovation inversée, peut permettre aux grandes entreprises qui ont souvent de plus en plus de mal à se réinventer de trouver un levier d’innovation dans les pays du sud. C’est ce que cette professeure, directrice exécutive du Centre Society & Organisation de HEC, a longuement expliqué jeudi 15 février à Paris à la French Tech Central de Station F, lors du lancement du Club des partenaires du mouvement THE NEXT SOCIETY (1) en France, par ANIMA Investment Network, Bpifrance et Greenflex.

Un électrocardiogramme 80 % moins cher

La « reverse innovation  » ? Pour une entreprise du nord de la planète, cela consiste à concevoir d’abord un produit dans et pour les pays émergents, puis à le commercialiser, le cas échéant, dans les pays développés.

Les exemples ne manquent pas, Bénédicte Faivre-Tavignot en a exposé plusieurs pour bien montrer l’intérêt de la démarche. Elle a ainsi détaillé le cas de General Electric (GE) qui, à la fin des années 2000, est allé en Inde vendre un nouvel électrocardiogramme mis au point aux États-Unis. Échec total. GE décide alors de tout remettre à plat et constitue une équipe de R&D, avec des acteurs locaux, pour définir un produit qui réponde réellement aux besoins du pays. Il en a résulté un électrocardiogramme plus léger, portatif, 80 % moins cher que l’électrocardiogramme classique américain.
« Ils ont fait un carton », sourit Bénédicte Faivre-Tavignot. Et pas seulement en Inde, puisque GE l’a ensuite vendu aux États-Unis pour répondre à besoins spécifiques : pour les secours lors des accidents de la route, les hôpitaux dans les quartiers défavorisés, etc.

Un fauteuil roulant tout terrain

D’autres exemples ? En 2012, Unilever a répliqué dans les pays développés la vente de lessive ou de shampooing en dosettes, une pratique courante dans les pays émergents, à l’adresse des populations les plus pauvres. Récemment, des universitaires américains ont mis au point un fauteuil roulant tout terrain, rapide et efficace, conçu en Inde et vendu 250 dollars, soit le prix moyen des fauteuils roulants dans ce pays mais de qualité inférieure. Puis, ils l’ont commercialisé aux États-Unis, au prix de 3 200 dollars, soit la moitié du prix d’un fauteuil roulant habituel en Amérique du Nord…

Une vue des participants à la conférence de lancement de « THE NEXT SOCIETY » à Paris, à la Station F de la French Tech, le 15 février 2018. © AM AfricaPresse.Paris

Les business models aussi

« L’innovation inversée peut se centrer sur de nouveaux produits, de nouveaux services ou de nouveaux business models, a précisé Bénédicte Faivre-Tavignot, comme le “e-mob banking” qui vient notamment du Kenya et tend à se développer dans les pays développés ».
La professeure a également mentionné d’autres modèles économiques, notamment en matière de distribution d’énergie, comme le système « pay as you go » qui permet aux personnes demeurant dans les zones rurales, très pauvres, de payer au fur et à mesure « le droit de consommer de l’électricité ».

Un « nouvel état d’esprit »

Mais l’innovation inversée, « c’est surtout un nouvel état d’esprit dans les entreprises, a souligné Bénédicte Faivre-Tavignot. Certaines l’ont bien compris et incitent leurs développeurs, leurs marketeurs, leurs manageurs à fonctionner de manière plus frugale, plus simple et plus ajustée aux besoins des individus ».

Et la professeure de citer le cas des Laboratoires Boehringer Ingelheim, qui envoient « leurs managers dans les pays émergents passer du temps avec les entrepreneurs sociaux, identifiés souvent par Ashoka [une ONG internationale soutenant l’innovation sociale, ndlr], pour s’inspirer d’autres façons de donner accès à la santé dans les pays où il n’y a pas de Sécurité sociale et où les populations doivent se débrouiller autrement » pour se faire soigner.

Un travail de veille et une conviction

L’innovation inversée n’est cependant pas un chemin parsemé de fleurs, a prévenu Bénédicte Faivre-Tavignot. « La première difficulté, c’est déjà de réussir dans les pays émergents, a-t-elle insisté. Et pour cela, un des premiers facteurs de réussite, c’est de s’immerger dans ces pays, d’y passer du temps, d’observer les habitants, comment ils fonctionnent, les contraintes, etc. »

Ensuite, pour que la réplication puisse se faire dans les pays développés, « il faut que l’innovation inversée ait été pensée à l’origine, qu’elle ait été construite, organisée et formalisée pour pouvoir diffuser les savoir-faire acquis et les faire connaître dans les filiales, car souvent la réplication va se heurter à beaucoup de résistances ». Mais au départ, quoi qu’il en soit, tout commence par « un travail de veille sur les innovations disruptives qui apparaissent dans les pays émergents ». Et une conviction : le futur s’invente aussi au sud de la Méditerranée, première étape d’ampliation du mouvement The Next Society, qui vise à s’impliquer plus largement, dans toute l’Afrique.

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*Tous nos articles sur l’événement « THE NEXT SOCIETY » :

> Lancement à Paris du Club des partenaires du mouvement THE NEXT SOCIETY - Emmanuel Noutary (ANIMA et « THE NEXT SOCIETY ») : « L’avenir qui s’invente en Méditerranée peut inspirer à nouveau le reste du monde »

> Lancement à Paris du Club des partenaires du mouvement THE NEXT SOCIETY - Isabelle Bébéar (Bpifrance) : « La Méditerranée-Afrique est une zone stratégique pour le développement des entreprises françaises »

> Lancement à Paris du Club des partenaires du mouvement THE NEXT SOCIETY - Bénédicte Faivre-Tavignot (HEC) : « L’innovation inversée venue des pays émergents peut permettre aux grandes entreprises de se réinventer »

> Lancement à Paris du Club des partenaires du mouvement THE NEXT SOCIETY - Kamel Haddar, multi-entrepreneur de l’innovation techno-sociale en Algérie : « Il faut aider la société par la jeunesse »


> Lancement à Paris du Club THE NEXT SOCIETY - Jérôme Auriac, DG GreenFlex : « The Next Society est un bon moyen faire remonter l’innovation à une grande échelle géographique »

> Lancement à Paris du Club THE NEXT SOCIETY - Mokhtar Zannad, PDG de Nielsen (Tunisie) : « Pour nous, l’innovation inversée Sud-Nord, c’est évident… allons-y ! Avançons ensemble ! »

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*THE NEXT SOCIETY est un mouvement porté par une communauté ouverte d’acteurs économiques et sociétaux (agences publiques, entreprises, startups, ONG...) d’Europe et des pays méditerranéens. Il vise à renforcer les écosystèmes d’innovation et développer la création de valeur ainsi que des solutions concrètes pour une prospérité partagée en Méditerranée, et demain, en Afrique. Initié par le réseau euro-méditerranéen ANIMA Investment Network, il réunit aujourd’hui plus de 300 organisations et 2 500 entrepreneurs. Il a démarré en 2017 avec un plan d’action pilote de 4 ans, cofinancé par l’Union européenne pour un montant de 7 millions d’euros.
Jusqu’en 2020, THE NEXT SOCIETY touchera directement plus de 190 incubateurs, accélérateurs et clusters, près de 60 centres de valorisation de la recherche et 300 entreprises de croissance afin de mobiliser, promouvoir et renforcer les nouveaux écosystèmes d’innovation dans 7 pays méditerranéens : Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Palestine, Jordanie et Liban.

En savoir plus : Télécharger la plaquette THE NEXT SOCIETY

ANIMA Investment Network, Bpifrance et GreenFlex lancent le club « The Next Society » pour soutenir les innovateurs de Méditerranée et d’Afrique (Paris, jeudi 15 février 2018, Station F)

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